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Jean-Daniel Lafoude: le parcours d’un battant

8 novembre 2015, 10:47

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Jean-Daniel Lafoude: le parcours d’un battant

Jean-Daniel Lafoude a repris du poil de la bête et pèse aujourd’hui 72 kilos. L’an dernier, il n’en pesait que 54. S’il est aujourd’hui tiré d’affaire, c’est grâce à l’intervention chirurgicale qu’il a subie en Inde aux frais des bonnes ouailles du père Sylvio Lodoiska, curé des paroisses de Roche-Bois et de Baie-du-Tombeau, ainsi que de quelques amis. 

 

Un avenir brillant s’ouvrait pourtant à ce Rodriguais de 23 ans, originaire de Rivière-Coco, qui s’est classé quatrième en Form VI au niveau de toute l’île. Une bourse d’études lui a même été offerte à l’université de Maurice. En août 2011, il s’installe à Trois-Boutiques et entame des études en électronique. 

 

Trois mois après son arrivée à Maurice, il souffre de diarrhée récurrente et de vomissements. Le médecin qui l’examine à l’hôpital de Rose-Belle parle d’hémorroïdes et le soigne en conséquence. Sauf que son état ne s’améliore pas. Sa tante, Marie-May Etienne, qui est très attachée à lui, le rejoint à Maurice et l’emmène faire des tests en clinique. Le gastro-entérologue qu’il consulte hésite entre la colite ulcéreuse et la maladie de Crohn. 

 

Si leurs symptômes sont similaires, la première maladie n’affecte qu’une partie limitée du colon et du rectum alors que la seconde qui est chronique peut affecter n’importe quelle partie du système digestif. Jean Daniel reçoit des antibiotiques et de la cortisone et son état s’améliore.

 

Grosseur sous-cutanée à hauteur de l’intestin

 

Ayant raté ses cours, il regagne Rodrigues. Il obtient une bourse chinoise pour aller étudier la médecine. Une semaine avant le grand départ, la diarrhée reprend et ses selles sont sanguines. Il revoit le gastro-entérologue du privé et la maladie de Crohn est confirmée. C’est la mort dans l’âme qu’il regagne Rodrigues. 

 

Lorsque les symptômes reprennent, il se rend à l’hôpital Queen Elizabeth. Bien que son dossier indique qu’il souffre de la maladie de Crohn, son mal est traité comme une simple diarrhée. À la veille de Noël 2012, il sombre dans un état semi-comateux et est admis aux soins intensifs. Le praticien conseille à sa tante de s’attendre au pire. Mais JeanDaniel s’accroche. 

 

Une fois remis, il revient à Maurice pour reprendre ses études universitaires. À un moment, il est secoué par de fortes douleurs urinaires. Autant à la clinique, le médecin évoque une possible apparition de fistule propre à la maladie de Crohn, autant les médecins de l’hôpital SSRN lui font plusieurs examens et ne voient rien. Découragé, Jean-Daniel repart pour Rodrigues. 

 

Lors d’une de ses visites subséquentes à l’hôpital Queen Elisabeth, il s’entend demander s’il prend «lopital pou enn laboutik» parce qu’il a osé se rendre en clinique à Maurice. Les médicaments qui lui sont prescrits ne l’empêchent pas de maigrir et bientôt, la diarrhée repart de plus belle. En juillet 2014, sa tante remarque une grosseur sous-cutanée à la hauteur de son intestin.

 

Les deux, qui se documentent à partir d’Internet, pensent à une fistule qui aurait tourné en abcès. Le médecin de l’hôpital Queen Elizabeth le fait admettre en observation. L’abcès éclate et seuls des pansements lui sont faits.

 

«Dokter la inn fer tou pou mo sorti gagnan.» 

 

Ils retournent à Maurice et Jean-Daniel espère que le médecin l’opérera mais celui-ci refuse, préférant «les la natir fer so travail e  kitfwa li kapav fermé par limem», est-il dit à sa tante. À un moment, le cathéter qui lui a été mis à Rodrigues pour faciliter ses injections s’infecte. C’est in extremis que l’infirmière de l’hôpital SSRN le remarque et il est soigné. Sa plaie sur le ventre s’ouvre davantage. Sa tante plaide pour qu’il soit examiné par le Medical Board du ministère de la Santé et bénéficie de l’aide financière du gouvernement pour être opéré en Inde. Elle essuie un refus catégorique. 

 

C’est là que le père Loidoïska, qui connaît la famille, entre en jeu et prend les choses en main. Il fait jouer ses contacts et réussit à réunir Rs 200 000. C’est ainsi que le 31 mai dernier, Jean-Daniel est parti pour l’Inde, plus précisément au Amrita Institute of Medical Sciences de Kochin. Les tests effectués confirment l’abcès éclaté et la nécessité d’une intervention d’urgence. Jean-Daniel est opéré pendant plus de dix heures par le Dr Puneet Dhar qui lui enlève une partie du colon et une partie de la vessie. «Dokter la inn fer tou pou mo sorti gagnan.» 

 

Depuis son retour, à deux reprises, les résultats de ses analyses sanguines effectuées à l’hôpital SSRN sont demeurés introuvables. C’est un mystère. Jean-Daniel ne comprend pas aussi pourquoi sa demande d’envoyer son dossier au Dr Dhar, en Inde, n’a jamais été agréée. D’autant plus qu’il est censé y retourner dans six mois pour une reconnexion entre l’intestin et le système digestif. 

 

Que faut-il en déduire ? Jean-Daniel préfère penser que les médecins mauriciens ne connaissent pas la maladie de Crohn qui affecte entre  25 et 50 personnes sur  100 000 dans le monde. «Mo nepli koné ki pou dir. Mo krwar ki si zot ti pran mwa enn kont byen, mo pa ti pou bisin al opéré l’Inde.» 

 

En attendant de pouvoir repartir, il doit continuer à être suivi à Maurice. Sa tante ronge donc son frein. «Pa kapav fer for ar zot (NdlR, les médecins mauriciens), parski nou pe al dan mem lamin…»