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Enrichissement illicite: le ministre Bhadain ne convainc toujours pas

11 novembre 2015, 20:57

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Enrichissement illicite: le ministre Bhadain ne convainc toujours pas

Le ministre des Services financiers Roshi Bhadain a apporté trois amendements au Good Governance and Integrity Reporting Bill, le lundi 9 novembre. Mais ils sont plusieurs députés, avocats ainsi que des membres du barreau à contester ces modifications. D’autres clauses ne font pas non plus l’unanimité. Tour d’horizon avec les arguments de Reza Uteem, du MMM, de Shakeel Mohamed, du PTr, et d’Alan Ganoo du Mouvement patriotique.

La rétroactivité

L’argument du côté du gouvernement : cette loi aura une rétroactivité de sept ans car les banques ne conservent les données que pendant cette période. Un argument qui ne convainc cependant pas. Pourquoi ne pas amender la Banking Act ? se demande Shakeel Mohamed tandis que Reza Uteem est, lui, d’avis que cette loi ne doit pas être rétroactive.

Loi civile vs loi criminelle 

Avec la distinction loi civile et loi criminelle, vient aussi le problème de la charge de la preuve (Burden of proof). Ils sont nombreux à déplorer le fait que ce soit toujours à l’individu qui fait l’objet d’une enquête de prouver qu’il n’a pas commis d’acte illicite. Pour Reza Uteem, confisquer les biens d’autrui doit toujours se faire au pénal. Alan Ganoo affirme que devant plusieurs cours étrangères, même si une affaire comporte un aspect civil, il a été trouvé que, dans le fond, quand une personne est stigmatisée, le cas est considéré comme une affaire pénale. Pour Reza Uteem et Shakeel Mohamed, Roshi Bhadain a trouvé là une astuce pour enlever l’élément pénal du projet de loi et faire ainsi basculer la charge de la preuve. Sans compter que le droit au silence n’existe plus.

Le seuil de Rs 10 millions

Le ministre Bhadain a expliqué que, finalement, ce ne sont que des biens qui valent plus de Rs 10 millions qui seront concernés par cette loi. Pour le député MMM, Reza Uteem, ce seuil créera deux types de hors- la-loi. L’un pourrait être inquiété par la loi Bhadain tandis que l’autre risque une peine criminelle suivant une enquête de la Mauritius Revenue Authority.

 

Pour Shakeel Mohamed, il s’agit là d’une «discrimination». Il est d’avis que l’enrichissement illicite ne peut pas être traité de deux façons différentes et que cela va à l’encontre de la Constitution.

 

Alan Ganoo du Mouvement patriotique et Reza Uteem ajoutent qu’aucune mention n’est faite du type de biens concernés, c’est-à-dire qu’il doive s’agir de biens illicites. «Il faut un garde- fou pour que ce soient uniquement des biens mal gagnés qui soient concernés», insiste Reza Uteem.

Le «lien» de six semaines

Le texte de loi, dans sa version initiale, ne mentionnait pas la durée du «lien» sur un bien qui fait l’objet d’une enquête de l’Integrity Reporting Services Agency. Elle sera de six semaines, a indiqué le ministre Bhadain. Mais  là encore, cet amendement ne convainc pas. D’aucuns affirment que c’est là la prérogative d’une cour de justice. Des nominés politiques ne peuvent pas avoir de tels pouvoirs, soutient Shakeel Mohamed. Alan Ganoo de son côté affirme que le projet de loi ne précise pas si toute personne ainsi privée de son bien sera dédommagée dans le cas où elle n’aurait rien commis d’illégal. Le leader du Mouvement patriotique estime également que même l’Unexplained Wealth Order doit venir d’une cour au lieu d’un juge en chambre.

Les nominations

C’est la question du mode de nomination au sein des deux nouvelles instances créées soit l’Integrity Reporting Services Agency et l’Integrity Reporting Board qui avait suscité davantage de polémique. Désormais, ces nominations seront faites par le président de la République sur recommandation du Premier ministre et après consultation avec le leader de l’opposition. Le poste de directeur de l’Integrity Reporting Services Agency doit être constitutionnel, insiste, cependant Shakeel Mohamed. Pour cause, affirme-t-il, lors de la nomination du directeur de la commission anticorruption, sir Anerood Jugnauth a donné la preuve qu’il n’a pas la volonté de consulter le leader de l’opposition même si cela est prévu dans la loi (voir ci-contre).

 

Reza Uteem est contre l’idée que le ministre de la Bonne gouvernance puisse placer des fonctionnaires de son ministère au sein de cette agence. Pour Alan Ganoo, le gouvernement a pris une bonne décision en proposant des consultations avec le chef de l’opposition.

MMM et MP: une décision finale attendue 

Le MMM passera en revue les nouveaux amendements proposés, d’ici peu, pour expliquer sa position officiellement quant au projet de loi qui devrait être voté d’ici la fin de l’année. Jusqu’ici, le Mouvement patriotique a toujours avancé qu’il ne voterait pas le projet de loi. Mais il admet que le gouvernement est dans la bonne direction. Il devrait trancher incessamment.

Faut-il inclure l’enrichissement illicite dans la Constitution ?

L’article 8 de la Constitution devra-t-il être amendé pour permettre la saisie des biens sous le Good Governance and Integrity Reporting Bill pour enrichissement illicite ? Un courant de pensée du côté des avocats est d’avis qu’il ne le faut pas. Selon ces derniers, cette provision de la Constitution traite déjà de la saisie des biens acquis d’une façon illégale, plus précisément dans des cas de corruption et de trafic de drogue.

 

Du côté de la majorité également, l’on souligne qu’un tel amendement n’est pas nécessaire. Mais, le gouvernement veut, semble-t-il, se mettre à l’abri. Pour un avocat, proche du pouvoir, il s’agit surtout de dire clairement dans la Constitution qu’une saisie de biens peut avoir lieu sous une procédure civile. «Nous voulons que l’Unexplained Wealth soit bien dans la Constitution», fait-il ressortir. Cela, car une fois inscrite dans la Constitution, cette clause ne pourra être contestée. Cela, en vertu de l’article 8(4A) (a) de la Constitution.