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Azam Rosun ou la force de l’espoir
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Azam Rosun ou la force de l’espoir
Azam Rosun, 28 ans, fait partie de la cohorte d’enfants ayant échoué leur examen de fin d’études primaires. Il a été en grande partie «sauvé» grâce au projet Teen Hope du centre Idrice Goomany. Aujourd’hui, il possède son salon de coiffure à la rue Pagoda. Récit d’un succès.
En regardant sa coupe impeccable et les très fines mèches colorées ornant sa frange, il est clair qu’Azam Rosun maîtrise non seulement la coiffure mais aussi les techniques de coloration. Si aujourd’hui, il adore la coiffure dont il a fait son métier, il n’a pas toujours su quelle carrière embrasser après avoir échoué à l’examen du Certificate of Primary Education (CPE).
S’il a failli, ce n’est pas tant parce qu’il n’aimait pas l’école et les matières à l’étude. Il supportait mal les absences d’enseignants qui étaient certes remplacés mais leurs remplaçants se contentaient de faire de la figuration. Et puis, le bourrage de crâne inhérent aux leçons particulières le fatiguait.
Programme réparti entre l’alphabétisation et des activités
Confronté à l’échec, il hésite entre refaire la standard VI ou chercher du travail. Son père qui a entendu parler du programme Teen Hope du centre Idrice Goomany (voir encadré) décide pour lui et le fait inscrire. Lorsqu’Azam Rosun visite ce centre à la Plaine-Verte, il se sent immédiatement en confiance car le programme est équitablement réparti entre l’alphabétisation fonctionnelle et des activités sportives et de loisirs.
En sus de refaire le programme d’études du CPE, ils jouent au football, font de la natation, suivent divers ateliers dont celui de cuisine. Il est surpris par la patience des formateurs. «Proféser isi fer zanfan anvi rési.» Il est peiné de voir que son meilleur ami et voisin qui a échoué au CPE tout comme lui, a pris une mauvaise pente. «Kot mo habité (NdlR : une banlieue de Port-Louis), ti ena boukou zafer pa korek. Ti éna tou, y konpri la drog ek mo bon kamarad inn rant ladan. Boukou fwa linn sey ris mwa ladan mé mo paran inn bien guid mwa, ek bann proféser Teen Hope osi».
Il apprend le métier chez quatre différents coiffeurs
À la fin de ses trois années de formation, Azam Rosun choisit de ne pas refaire le CPE. Shehzaah Peerbocus, le responsable du projet Teen Hope, essaie de l’orienter vers un métier. Il ne se voit pas dans la peau d’un mécanicien car il n’aime pas se salir les mains. Ni dans celle d’un coiffeur car il déteste se couper les cheveux qu’il porte longs jusqu’aux épaules.
Sa mère l’oblige pourtant à faire un stage chez un coiffeur. Ce dernier a la sagesse de lui faire attraper les ciseaux et le rasoir dès son deuxième jour de stage. Il ne lui en faut pas plus pour éveiller son intérêt. Il apprend le métier chez quatre différents coiffeurs.
L’un d’eux lui laisse même la responsabilité entière du salon. Ce qui lui permet de progresser. «Se enn metié ki aprann pa fini. Zour an zour lamod sanzé.» Étant économe depuis l’enfance, lorsqu’il apprend qu’un salon a fermé ses portes à la rue Pagoda et attend un repreneur, il dispose des sous pour le prendre en gérance. C’est ainsi qu’Azam Coiffure voit le jour.
Son salon attire une clientèle jeune
Cela fait huit ans que son salon tourne avec une clientèle jeune. Bien que son business connaisse des hauts et des bas, il lui fait vivre, ainsi que son épouse Shabneez, qui lui prête main-forte à mi-temps.
Appelé à dire quel pourcentage de succès il attribue au programme Teen Hope, il parle de 50 %. «Le res, se mo paran ek mo volonté. Gras à Teen Hope, zame monn fime, bwar, ni al diskotek. Teen Hope inn fer mwa konpran mo pa bisin sa pou resi». Il a un message pour les élèves qui échouent le CPE, «La vi kontinie. Zot bizin met la tet ek avanse…»
Le programme Teen Hope : 80 % de réussite
80 % des 400 jeunes ayant suivi le programme Teen Hope depuis 1992 ont réussi par rapport aux paramètres dudit programme. C’est le bilan du centre Idrice Goomany, dirigé par le travailleur social Imran Dhannoo.
Ce programme de prévention sélective ciblant les jeunes n’ayant pu passer le cap du primaire et vulnérables aux fléaux sociaux tels que la drogue, la petite et grande délinquance, a vu le jour après concertations entre lui et les travailleurs sociaux Ally Lazer, Sam Lauthan, le Dr Reshad Abdool et le Frère Julien Lourdes. Et ce, après qu’ils aient réalisé que de nombreux jeunes habitant la périphérie de la capitale étaient à risque.
«Des naufragés potentiels»
«C’était des naufragés potentiels. Notre objectif était de les empêcher de faire l’initiation à la drogue et de retarder le plus possible leur contact avec les substances addictives», raconte Imran Dhannoo. De leurs réflexions naît ce programme de six composantes : l’alphabétisation fonctionnelle, le développement des compétences sociales, les sports et activités récréatives, le développement des valeurs, l’initiation au travail communautaire et la formation professionnelle.
Ces jeunes, à qui un petit-déjeuner équilibré est quotidiennement offert, sont aussi exposés à des activités sportives et artistiques. Soutenu au départ par l’USAID, ce projet est désormais financé en partie par le groupe Currimjee et le Corporate Social Responsability. Le réseau ANFEN fournit hebdomadairement un psychologue qui encadre des jeunes et leurs parents.
Estimant que le travail accompli n’est qu’une «goutte d’eau», Imran Dhannoo indique que ce projet est actuellement réévalué, car en sus de la pauvreté, les jeunes qu’il côtoie vivent de nouvelles réalités comme les troubles de la petite enfance, la violence et les abus. «Nous voulons être plus efficaces et avoir plus d’impact. Pour cela, il nous faut une nouvelle approche.»
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