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Analyse: les pauvres et les milliardaires

18 novembre 2015, 10:53

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Analyse: les pauvres et les milliardaires

D’un côté, les très riches – les milliardaires–, qui seraient au nombre de 1 826 à travers le monde. De l’autre, ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et qui représenteraient moins de 10 % de la population mondiale… Quelques chiffres pour analyser les contrastes.

Il est quand même surprenant de noter que c’est dans la même parenthèse de temps que sont publiés, d’une part, le rapport de la Banque mondiale analysant la diminution de la pauvreté absolue et, d’autre part, le rapport annuel de Forbes sur les milliardaires en dollars (autrement connus comme les milliardaires de Forbes). Quoi en conclure?

D’abord quelques faits indéniables.

La pauvreté dite «absolue», c’est-à-dire de ceux touchant maintenant, après un ajustement récent de l’inflation, moins de 1,90 $ par jour, est en forte régression. Le rapport de la Banque mondiale claironne même une régression majeure, puisque de 1990 à 2015, le nombre de citoyens du monde se situant en dessous de la ligne de pauvreté absolue a baissé de 1,96 milliard d’individus à 702 millions seulement, soit moins de 10% de la population mondiale, et ce, pour la première fois de l’histoire de l’humanité. Ce chiffre est d’autant plus impressionnant que sur cette période de 25 ans, la population mondiale a… augmenté de 2 milliards d’habitants ! Indéniablement, la mondialisation du commerce et l’avènement accéléré du capitalisme libéral, y compris en Chine et en Inde, y est pour beaucoup.

Forbes, quant à lui, comptabilise les milliardaires en dollars, les millionnaires n’étant plus, ni en dollars, ni en aucune autre monnaie convertible, considérés comme «très riches» ou même «trop riches», dépendant de la manière dont on utilise sa fortune. Dans toutes ces compilations, il y a évidemment une part d’arbitraire. Comment, en effet, ne pas considérer un individu qui possède une fortune de, mettons 700 (ou même 200 millions) de dollars, comme étant «très riche» ?

Mais il faut bien tirer la ligne quelque part et il est clair que la comptabilisation des millionnaires mondiaux, en dollars, est bien plus difficile que celle des milliardaires. Il suffit à ce stade d’indiquer qu’il y aurait, selon Spectrem, une agence de recherche et de consultance, dans le seul coeur du capitalisme que représentent les États-Unis, environ 9,63 millions de foyers possédant plus de 1 million de dollars, à l’exclusion de leur résidence principale. Fait croustillant : plus de 2,4 millions d’entre eux sont… célibataires ! Avis à qui de droit !

Quant aux milliardaires, les compilations mondiales sont beaucoup plus compréhensives et parlantes. Ils sont, en 2015, 1 826 milliardaires mondialement, dont 526 viennent des États-Unis, (+57 par rapport à 2014), 213 de la Chine (+71) (auxquels il faut rajouter 55 de Hong Kong), 88 de la Russie (-23), 90 de l’Inde (+28) et 103 de l’Allemagne (+23).

Il est à noter que 46 milliardaires ont moins de 40 ans et sont principalement, comme Mark Zuckerberg, issus de la vague digitale. Encore plus intéressant sans doute : seulement 13 % de ces milliardaires sont des héritiers purs vivant de leurs seules rentes, alors que 65 % d’entre eux (deux sur trois, donc) sont ce que l’on appelle des «self made men», ayant fondé et bâti leur fortune de par leur seul effort, lors d’une seule vie. La différence (22 %) est constituée de milliardaires ayant partiellement  hérité d’une fortune, qu’ils travaillent toujours à développer et à faire fructifier.

Selon Forbes (voir les photos des 20 milliardaires les plus riches, ainsi que leurs fortunes estimées), les 20 milliardaires les plus riches pesaient, en 2015, 550,6 milliards de dollars et les 1 826 milliardaires mondiaux valaient, en moyenne, 3,86 milliards de dollars chacun. Outre les 20 premiers, signalons par ailleurs la présence de trois membres de la famille Mars (confiseries du même nom, 79,8 M, 22e), Stefan Persson (H&M, 24,5M, 28e),Wang Jian Lin (immobilier chinois, 24,2 M, 29e),Georges Soros (hedge funds, 24,2 M, 29e), Maria Fissolo (Ferrero Rocher, Nutella etc., 23,4 M, 32e), Jack Ma (Alibaba - e-commerce, 22,7 M, 33e), Prince Alwaheed Alsaud (investissements, 22,6 M, 34e), Steve Balmer (Microsoft, 21,5 M, 35e), Phil Knight (Nike, 21,5 M, 35e), Li He Jun (Solar power, 21,1 M, 38e), Mukesh Ambani (pétrochimie, gaz, 21 M, 39e), Dilip Shanghvi ( Sun Pharmaceuticals, 20,0 M, 44e), Michael Dell (ordinateurs, 19,2 M, 47e) et Azim Premji (Wipro software, 19,1 M, 48e ).

Le premier africain est Aliko Dangote du Nigeria, roi du ciment,du sucre et de la farine, principalementdans son pays, qui est 67e mondial, avec 14,7 milliards.Mentionnons aussi les références les plus connues de Johanna Quandt (BMW, 77e), Rupert Murdoch (Sky, 77e), Dietrich Mateschitz (Red Bull, 116e), Kirk Kristiansen (Lego, 129e), Alain et Gérard Wertheimer (Chanel, 133es), Roman Abramovich (acier,etc., 137e), Silvio Berlusconi (média, 179e) ou Nicky Oppenheimer (diamant, 201e), Jan Koum (Whatsapp, 208e) ou Garrett Camp (Uber, 283e).

Il ne faudrait certes pas oublier les compagnies les plus riches de la planète. Les cinq cents premières génèrent des revenus bruts qui peuvent dépasser l’entendement, puisque l’on parle de 31,2 trillions de dollars (31 200 000 000 000 $). Elles génèrent en plus une profitabilité consolidée de 1,7 trillion de dollars et emploient 65 millions d’employés. Ce sont les plus visées quand on parle, ces jours-ci, de profits qui sont détournés vers des pays à faible fiscalité (Irlande, Luxembourg, Maurice, Hong Kong, British Virgin Islands, etc.) ce qui a le don d’irriter les pays qui taxent lourdement et qui veulent leur «pound of flesh» de leurs ressortissants de départ (Inde, France, USA etc…)

Ce tour d’horizon serait incomplet si, en sus de survoler les très riches et les très pauvres, on n’évoquait pas le comparatif entre les deux. Le sujet est intéressant à plus d’un titre. Cinq mesures tentent de cerner la question (i) le coefficient de GINI, qui est la mesure la plus connue et qui mesure de 0 (égalité parfaite) à 1 (toute la richesse est aux mains d’une personne, les autres n’ayant rien), le taux d’inégalité de répartition des richesses d’un pays

(ii) Les ratios de la richesse détenue par les 10 (ou 20) % les plus riches d’un pays, par rapport aux 10 (et 20 %) les plus pauvres du même pays

(iii) Les chiffres d’inégalité de revenus compilés par la CIA (World Factbook) ou les Nations unies.

Contrairement à la plupart des pays du monde qui affichent, du moins chez Wikipedia, les cinq ratios, l’île Maurice n’en affiche qu’un seul, soit celui de la CIA… L’estimation affichée pour 2012 est à 0,358, en légère détérioration, mais pas du tout de manière criarde quand les autres pays sont analysés.

Ainsi, on compte 176 pays avec un coefficient GINI dûment affiché et l’île Maurice se retrouve dans la catégorie «moyenne» avec un GINI entre 0,30 et 0,40, c’est-à-dire dans la catégorie plutôt égalitaire. Dans cette catégorie, qui regroupe 61 pays, à peu près 40 % sont catégorisés comme «riches» (à l’encontre de Maurice), c’est-à-dire qu’ils affichent un produit national brut/tête de plus de 12 746 $ par an.

Il faudrait une étude autrement plus sophistiquée qu’un simple article de presse, mais il est quand même apparent qu’il existe une dichotomie visible entre les pays qui socialisent leurs biens nationaux et ceux qui ne le font pas ; les deux avenues semble-t-il pouvant néanmoins mener à des sociétés plus ou moins égalitaires. Il est cependant clair que les pays avec le plus faible coefficient de GINI sont plus généralement «riches» (dernière colonne), alors que les pays inégalitaires sont très largement «moins riches» à l’exception notoire de pays très capitalistiques comme Hong Kong, les États-Unis ou Singapour.

Notons finalement deux illustrations de l’effet du nombre. En 2015, il y aurait ainsi à peu près 385 000 fois plus de «pauvres absolus » que de milliardaires «trop riches». Sur le plan humain, on peut dire qu’il y a 385 000 fois plus de vies malheureuses que de vies heureuses et que ceci est inacceptable. Ça l’est !

Cependant, n’est pas Bill Gates qui veut et l’espèce humaine, tout au long de son histoire, s’est semble-t-il, toujours développée en pyramide de réussite, même quand le ratio de GINI était particulièrement favorable. Notons aussi que si tous les milliardaires de la planète voulaient bien faire don de TOUT ce qu’ils possédaient, chacun des 702 millions de «pauvres absolus» recevrait alors… 10 043 dollars chacun. De quoi s’acheter une modeste petite maison de 250 p2.

 

 

* Selon une étude d’Atkinson & Morelli, un autre type de mesure GINI pour Maurice passait de 0,500 en 1962 à 0,457 en 1980, à 0,371 en 2001, pour remonter à 0,413 en 2012.