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Subron: «Le gouvernement est devenu l’otage du secteur privé en une année»

12 décembre 2015, 15:56

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Subron: «Le gouvernement est devenu l’otage du secteur privé en une année»

 

Il ne sait pas d’où venait le chiffre des Rs 150 de compensation salariale qui a été présenté aux syndicalistes au cours de la semaine. Pour Ashok Subron, les syndicalistes ont été mis devant une décision déjà prise. Un an après les législatives, il dit ne faire aucune différence entre l’ancien régime de Ramgoolam et l’actuel régime.

Racontez-nous, comment passe-t-on d’une demande de compensation salariale de Rs 500 à une proposition de Rs 250 ?

Il y a tout un raisonnement derrière. Nous voulions récupérer la perte du pouvoir d’achat partiellement. Nous avions suivi le même calcul que pour l’an dernier.

L’Income earner de chaque famille a perdu Rs 1 284 en moyenne cette année. L’idée c’était de récupérer au moins une partie de cette érosion massive. Mais il y a eu un complot entre le gouvernement et le secteur privé pour refuser de payer la compensation.

L’ensemble du mouvement syndical s’est rallié à la Confédération syndicale de gauche (CSG) – Solidarité pour demander qu’il y ait des tripartites. Nous nous attendions à une négociation mais les choses nous ont été imposées. C’était une compensation négociée à l’avance et qui nous a ensuite été imposée.

Pour nous, il est hors de question que le gouvernement s’éloigne de la philosophie adoptée l’an dernier. L’an dernier, l’inflation était de 3,2 % et les autorités avaient considéré comme raisonnable, à l’époque, de donner Rs 600.

Cette année, le taux est de 1,3 %, comment expliquer les Rs 150 ? Si l’on applique le même ratio, il nous revient à Rs 240. Nous avions soumis une contre-proposition de Rs 300. Le ministre vient dire qu’il a maintenu la proposition de Rs 240, c’était positif mais il ne l’a pas retenue dans le même esprit que l’an dernier, en l’appliquant à tous.

Nous étions prêts à négocier. Le ministre non. Pour la simple et bonne raison que ce n’est pas le gouvernement qui décide. C’est le patronat qui dicte. Le «Merci ! Merci !» de Vishnu Lutchmeenaraidoo à M. Dalais en dit long. Le gouvernement est devenu l’otage du secteur privé, en une année.

Le secteur privé évoque des conditions économiques difficiles. En tant que syndicaliste responsable, concédez-vous que la situation économique ne joue pas en faveur du secteur privé ?

Vous savez, si le secteur privé n’avait pas le même mantra, je lui aurais certainement accordé du crédit. Mais chaque année, c’est la même chose. Le secteur privé n’est pas crédible. D’abord, il faut réaliser que le patronat n’avait aucune proposition. Maurice est une société qui a connu une fracture sociale qui est, peut-être, la plus importante que l’on ait connue depuis l’indépendance. Il suffit de voir l’écart entre les riches et les pauvres.

En 1995, par exemple, la part de la richesse produite qui revenait aux travailleurs était de 46,3%. Elle est descendue à 39,4% en 2014. Et celle qui revenait aux propriétaires des entreprises du privé, en 1995, était de 52,7%. Elle est passée à 59,7%. C’est la réalité que refuse de voir le secteur privé.

Vous savez ce que le patronat a dit au gouvernement lors des discussions pour la compensation? Qu’il ne fallait pas payer les travailleurs étrangers. J’ai objecté parce que nous avons un devoir moral! Juste pour vous dire qu’il y a beaucoup de chantage. On a vu l’épisode de François Woo et du ministre Soodhun. Si cela continue, nous aurons quelque chose qui ressemble à ce qu’on a connu en 1999.

Vous dites que toutes les plateformes syndicales se sont ralliées à la CSG – Solidarité. Mais la déclaration à peine voilée de Reaz Chuttoo où il s’étonne qu’un syndicaliste ait pu demander uniquement Rs 250 ne traduit pas cela. Est-ce que l’unité syndicale est une utopie ?

Je laisse à M. Chuttoo la responsabilité de ses propos. Mais je voudrais dire que l’unité syndicale existe à la base dans l’industrie sucrière, dans le port, dans le transport. Je ne crois pas à l’unité de façade. M. Chuttoo tient un langage devant certaines personnes et un autre devant d’autres. Tous ceux qui étaient là lors des consultations savent ce qu’il a dit au ministre.

Cette année, vous avez marqué l’actualité syndicale par votre combat aux côtés des employés d’Iframac. Vous vous êtes dit déçu du gouvernement et du ministre Bhadain. Est-ce toujours le cas?

Nous nous sommes assurés qu’un maximum de travailleurs gardent leur emploi. Nous avons réussi à un certain degré mais pas totalement. Des travailleurs ont perdu leur emploi chez Courts et Iframac.

Nous nous sommes battus parce que ces travailleurs ont été des victimes du Ponzi Scheme. Ceux qui refusent de voir cela sont des complices des Rawat. Pendant que des travailleurs ont perdu leur emploi, certains des Rawat ont pu accéder à leurs comptes et continuer à jouir de leur argent. Mais le gouvernement et le ministre Bhadain n’ont pas tiré toutes les leçons de ce qui s’est passé. Le changement à la loi avec le Good Governance and Integrity Reporting Bill est positif dans la philosophie mais il y a des manquements.

Lesquels ?

Cette loi s’attaque à des biens mal acquis après leur acquisition. Puis, il y a la nomination à la présidence de l’agence qui ne sera pas faite de manière assez indépendante. C’est-à-dire par le président de la République en consultation avec le leader de l’opposition. Et c’est la faute au gouvernement mais aussi à M. Bérenger et à son hystérie. Il aurait dû l’amener dans la Constitution. Bérenger a voté l’amendement à la Constitution sans cet amendement. Et puis cette loi ne s’applique pas aux étrangers qui ont acquis des propriétés sur le sol mauricien.

Un an que l’alliance Lepep est au pouvoir. Êtes-vous satisfait de son bilan ?

Je vais utiliser une image. Sous le régime travailliste, c’est le tapis rouge qui a été déployé pour le grand capital et les petits copains. Sous le régime de l’alliance Lepep, le tapis a changé de couleur, il est orange ! Mais c’est le seul changement qu’il y a eu.

Ce sont le gouvernement et le secteur privé qui dirigent le pays. Ce sont les mêmes personnages avec la même sauce politique. Là ce sont les smart cities, la privatisation du port et on parle d’un accord avec un pays étranger et tout le monde connaît le rôle de ce pays au Moyen-Orient. Personne ne parle de l’aspect sécuritaire de ce changement. Puis, le gouvernement avait parlé de donner de l’eau 24 sur 24. Au lendemain des élections, il a parlé de privatiser l’eau.

On ne parle plus du salaire minimum. Concernant la carte biométrique, on a détruit les données mais on nous force encore à donner nos empreintes. On parlait de la démocratisation de la production d’énergie mais là, on ne va plus dans cette direction. On privatise aussi la gestion de la pauvreté.

Sans oublier les guignols du gouvernement. Les Gayan, Dayal et Soodhun qui peuvent être très dangereux. Le premier portera le fardeau de la prolifération du sida à Maurice. Le deuxième trouve toujours des solutions militaires à tous les problèmes. Le troisième, n’en parlons pas !

Je dirai que le bilan ne correspond pas à l’aspiration des gens. Le gouvernement ne doit pas oublier que le dynamisme qui a été enclenché pour le mettre au pouvoir a commencé à s’enclencher, à nouveau, et cette fois ce ne sera pas en sa faveur.

En parlant de bilan, il faut aussi faire celui de l’opposition. Le PTr est juste en train de sauver les meubles ou les coffres ! Le MMM est en pièces. Il ne sait pas sur quel pied danser. Il ne sait pas s’il se ralliera au PTr, au MP ou au MSM post-Anerood. L’année 2016 sera chaude !

En parlant de sir Anerood, comment réagissez-vous face à sa déclaration concernant la nomination de Vidya Narayen à la vice-présidence de la République ?

Il n’y a que les gens qui sont restés figés dans les années 60 qui peuvent faire des déclarations aussi vulgaires. Cela dit, il a dit haut et fort ce que pensent les autres parlementaires. Je salue le geste digne de Vidya Narayen qui a refusé la proposition. Je trouve aussi vulgaires les propos d’Anerood Jugnauth à l’encontre de Menon Murday. Si ce dernier n’était pas qualifié, pourquoi a-t-il été candidat au n° 13 l’an dernier ?

Une indication sur vos priorités pour l’année 2016 ?

Il y a d’abord le combat pour le salaire minimum, le changement aux lois du travail, les affaires vont se corser dans le port et je peux vous dire que les habitants de Port-Louis ne vont pas se taire avec cette histoire de privatisation du port. Comment les autorités vont gérer la colère et la frustration des gens? Il y a aussi l’accaparement des plages. Les gens ne vont pas, non plus, tolérer que l’on prenne leur plage. Je prévois que cela va chauffer l’an prochain !