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Farrah Jahangeer: une spécialiste de la psychoacoustique

12 décembre 2015, 10:55

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Farrah Jahangeer: une spécialiste de la psychoacoustique

 

Ce n’est pas courant qu’un étudiant en architecture aille jusqu’au doctorat. C’est pourtant ce qu’a fait Farrah Jahangeer, 30 ans, fille de Bashir et de Solange Jahangeer. Sans la crise économique, elle se serait sans doute contentée de regagner le pays après avoir décroché son diplôme, voire sa maîtrise. La récession a fait qu’elle pousse les études plus loin pour décrocher un doctorat. Mais ce n’est pas pour autant que ses pieds ne touchent plus terre, ni qu’elle tire une fierté démesurée du fait que son père soit député.

Cette aînée de deux enfants qui a vu le jour au Koweït, où son père étudiait et a ensuite travaillé, a su rester très simple. La guerre du Golfe, en 1990, fait réfléchir les Jahangeer sur leur avenir dans ce pays. Farrah est fascinée de voir son père concevoir le plan de leur future maison à Quatre-Bornes. La famille reste au Koweït jusqu’en 1995 avant de mettre le cap sur Maurice. Lorsque Farrah débarque dans l’île, elle n’a que 11 ans et ne parle que l’anglais puisqu’elle a fréquenté la Kuwait English School et parlait créole à la maison.

Admise à l’Arden Junior School, elle doit se préparer pour le Certificate of Primary Education et découvre pour la première fois le français qu’elle déteste d’emblée. C’est d’ailleurs une note très moyenne dans cette langue qui fait chuter sa moyenne générale et c’est au Gaëtan Raynal SSS qu’elle effectue sa scolarité secondaire. Elle trouve sa niche dans l’art et ses enseignants sont impressionnés par son talent. Elle se voit bien dans la peau d’une enseignante d’art ou dans une filière liée à cette matière. Une idée qui n’enchante pas ses parents.

Elle opte pour la physique, les mathématiques et l’art et excelle à ses examens, se classant 17e au niveau national côté art. Ce qui fait la joie de ses parents. Le choix de l’architecture s’impose alors à elle naturellement. Si elle est prise à l’université de Manchester ainsi qu’à celle de Hull, elle préfère la Glasgow School of Art qui abrite la Mackintosh School of Architecture, considérée comme une des meilleures écoles d’architecture du Royaume-Uni.

Elle apprécie Glasgow pour son rythme de vie plus lent et sa verdure mais met trois mois à s’acclimater à l’accent écossais. Dans le cadre de son Bachelor in Architecture, elle travaille notamment sur un projet de conception d’un musée pour reptiles à Glasgow et des résidences à Édimbourg. Elle travaille aussi sur celui de petites unités de logement à Cork en Irlande ou encore sur l’élaboration des plans pour un hôpital devant abriter un département d’oncologie.

Dans le cadre de son diplôme, elle se familiarise aux détails de la construction et à la justification de chaque démarche. Chaque étudiant a le choix d’un pays pour son projet de thèse. Farrah choisit Venise qui sombre lentement mais sûrement sous les eaux et qu’il faut sauver. Elle propose un projet d’école de restauration dans le quartier de Dorsoduro, passe deux semaines sur cette île et y rencontre des professionnels de l’architecture. Au final, elle dessine un bâtiment compartimenté en trois pour stocker le bois, la pierre et les métaux qui serviront à préserver la ville des eaux. Si son design est contemporain, elle ne peut s’empêcher d’y inclure des éléments architecturaux traditionnels.

Deux ans avant qu’elle n’obtienne son diplôme, les pays européens sont frappés par la récession qui a commencé aux États-Unis. Les stages chez les architectes sont peu nombreux. Elle décide d’entamer d’autres études pour obtenir sa maîtrise. Elle passe un peu de temps à Cambridge, vient quelques mois à Maurice où elle conçoit le bâtiment abritant le bureau de son père à Cassis. Pour sa maîtrise, Farrah et un groupe de filles analysent les aspects d’une route principale de Glasgow et dans son mémoire, elle s’intéresse de près à l’acoustique et démontre comment la perception de l’espace est modifiée avec le son. Son travail remarquable lui vaut de décrocher sa maîtrise et comme la crise économique perdure, son tuteur l’encourage à demander l’autorisation de faire un doctorat.

Sa demande étant agréée, elle démarre sa recherche qui porte sur l’acoustique sur le lieu de travail et comment des sons différents sont liés aux mesures de l’acoustique et à la satisfaction des employés. Elle tient compte tant du bureau particulier que de l’Open-plan Space. L’important, dit-elle, ce n’est pas tant le son que le temps de réverbération, c’est-à dire le temps que met le son à s’éteindre. Elle étudie 37 bureaux à Glasgow et 23 autres à Maurice et réalise qu’il y a une corrélation directe entre le taux de satisfaction et le temps de réverbération et que les Mauriciens ont un seuil de tolérance au son nettement plus élevé que les Écossais.

Le temps de réverbération étant directement lié au volume de l’espace et aux matériaux utilisés, elle estime que tous les architectes devraient en tenir compte dès les premières étapes de conception des bureaux et non pas faire de l’insonorisationau final. «Dans l’Environment Protection Act de 1997, il y a des règlements pour le niveau de bruit dans les zones industrielles et résidentielles mais pas pour importance to noise level but to reverberation time because it has a direct link with satisfaction. We architects must think about this  at the early stages of designing the offices and not cancel the noise at the end of design stage. We need to find the appropriate noise level for people at the office and at home. Au final, l’architecte doit être la charnière entre l’environnement et les gens.»

Farrah, qui a obtenu son doctorat haut la main, a enseigné comme Design Tutor au Mackintosh School of Architecture où, jusqu’à tout récemment, elle encadrait les élèves en deuxième année de Bachelor of Architecture. Mais après 11 ans à l’étranger, elle a voulu retrouver Maurice et les siens et a regagné le pays il y a quelques semaines.

Ayant pris goût à l’enseignement, elle trouve dommage qu’il n’y ait qu’un cours d’architectural technology au niveau universitaire à Maurice mais pas de cours de design architectural à proprement parler. «Il aurait fallu que chaque université ait son département d’architecture », estime-t-elle.

Elle aurait voulu créer un tel département et continuer la recherche en psychoacoustique. En attendant, elle a aménagé son bureau dans celui de son père. Si Farrah pense que les Smart Cities vont sensibiliser les gens à propos des bâtiments durables, là encore, elle plaide pour que l’acoustique soit considérée dès les premiers stages de la conception de ces villes particulières. «We should think about what we want the space to sound like and not only look like. This is all what psycho-acoustic is about…”