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Marchands ambulants: Port-Louis prise en otage
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Marchands ambulants: Port-Louis prise en otage
Les marchands ambulants n’ont plus le droit d’exercer dans les 14 rues définies par la municipalité. C’est aujourd’hui, mardi 15 décembre que prend effet cette interdiction. Mais comme les années précédentes, elle semble vouée à l’échec. Plusieurs marchands ambulants ont déjà fait savoir qu’ils ne bougeront pas. Quant aux mesures qui sanctionneront ceux qui ne décampent pas, elles sont floues.
Pourtant, le 20 novembre, le Conseil des ministres avait décidé de faire respecter la décision de la Cour stipulant que les marchands ne peuvent exercer dans un rayon de moins de 500 mètres du marché central. Des panneaux «Hawking Not Allowed» ont été installés tout le long des rues John Kennedy et Farquhar et ailleurs, mais sur la plupart des panneaux, le mot «not» a été enlevé et les marchands ont étalé leurs marchandises dessous…
La situation
«Je ne partirai pas», dit tout simplement Basanti, aussi connue comme «Madame Sapo». Elle fait partie des nombreux marchands ambulants qui ne comptent pas quitter la rue Farquhar aujourd’hui. Cela fait 30 ans qu’elle opère en face de l’entrée centrale du marché. Elle sait bien que décembre est le mois où lesmarchands ambulants réalisent leur plus gros chiffre d’affaires : «Sa nou mwa jackpot sa. On ne peut pas prendre le risque d’aller ailleurs où les clients sont moins nombreux.»
À la rue La Reine, plusieurs marchands ne savaient pas que la date butoir était le 15 décembre. Quant à ceux qui étaient au courant, ils estiment que cette mesure est une perte de temps. Ils affirment connaître par coeur la manière de procéder des policiers. Ils savent quand ceux-ci vont arriver et où se réfugier. «De temps en temps, des articles sont saisis et nous ne les retrouvons jamais. Mais nous sommes habitués», explique Jalil, un de ces marchands. Ils confirment que la Rue la Reine ne sera pas désengorgée…
À la rue John Kennedy, le panneau «Hawking Not Allowed» a été tout simplement enlevé par les marchands. Ces derniers s’accordent tous à dire que le nom de leur rue ne figure pas sur la liste de la municipalité et de ce fait, ils ne se sentent pas concernés.
Pour tous les marchands interrogés, leur gagne-pain est un travail comme tout autre. «Zot ti pou pli kontan mo démann sarité ?» s’indigne Basanti. Elle est persuadée qu’empêcher plus de 2 000 personnes de travailler équivaudra à une crise sociale. Il ne faut donc s’attendre à aucun changement.
Et la police ?
Pour l’instant, les policiers postés sur place ne font pas grand-chose. Les descentes de la Special Supporting Unit, par contre, sont redoutées par les marchands. Lors de ces opérations, les marchandises sont saisies et les vendeurs ne les retrouvent presque jamais. Mais ces opérations ont été très irrégulières jusqu’à présent, pour ne pas dire minimes. À partir d’aujourd’hui, les forces de l’ordre devraient passer à l’offensive.
Un des responsables de la Street Vendors Association explique que les policiers font des petites descentes seulement dans les rues principales et ne s’occupent pas des petites rues adjacentes. «Ils font cela pour démontrer que les autorités essayent d’agir» car la Market Traders’ Association (MTA) a logé une affaire de Contempt of court. Selon l’association, la police et la municipalité n’ont rien fait pour appliquer la décision de la justice, qui date de 2012. Lasse du laxisme des autorités, la MTA s’est tournée encore une fois vers la justice et l’affaire passe en cour en janvier. Ce qui explique, selon notre interlocuteur, les timides descentes policières.
Les magasins
La situation des marchands ambulants a beau être illégale, ces derniers ne comprennent pas pourquoi «bann lao lari» Farquhar ne sont pas inquiétés. Basanti affirme qu’elle serait peut-être prête à partir si tous ceux qui travaillent dans la rue partent.
Mais selon elle, tous n’ont pas droit au même traitement. Ceux qui opèrent près de la gare du Nord ne subissent pas les foudres de la SSU. Et effectivement, près de la gare routière, les trottoirs sont impraticables. Entre parasols, étals interminables et marchandises posées à même le sol, impossible de circuler. Mais «nou pa marsan anbulan nou. Nou travay pou magazin-la», lance un vendeur. Ici, tous les propriétaires ont décidé de poser des étals devant leur magasin afin d’avoir une meilleure visibilité. Est-ce légal ? Oui, selon eux. Et ils ne comptent pas quitter le trottoir.
Les badges
Tous les marchands ambulants de la capitale ont reçu un badge qui leur permet d’opérer dans un rayon de plus de 500 mètres du marché. Lorsque cette décision a été prise, le lord-maire avait affirmé qu’à la réception du badge, les marchands se verraient attribuer leur nouvel emplacement. Or, il s’avère que le seul document qu’ils ont reçu est une liste des rues où ils ne peuvent pas opérer. Les badges prouvent uniquement qu’ils sont marchands ambulants de la capitale.
Quelques dates
- 25 juillet 2002
Hawkers Palace de2 000 m2 pour reloger lesmarchands ambulants à larue La Poudrière. - 22 mai 2005
Pose de la première pierre pour le Hawkers Palace, projet qui requiert des investissements de Rs 550 millions. - 7 août 2005
Les marchands ambulants sont casés à Ruisseaudu- Pouce en attendant la construction du Hawkers Palace. - Novembre 2005
Le Hawkers Palace finalement abandonné. - 13 juillet 2011
Ordre de la Cour suprême, émis par le juge David Chan, interdisant aux marchands ambulants d’opérer dans un rayon de 500 mètres du marché central. - 5 novembre 2013
La Place de l’immigration et la Place Decaen réaménagées pour reloger les marchands ambulants contre Rs 500 payables à la mairie mensuellement. 1 737 personnes sont concernées. - 13 novembre 2013
Gel du relogement sur les deux sites. - 22 novembre 2013
Deux autres sites identifiés à côté du bâtiment de la LIC à la gare Victoria pour les marchands ambulants. Développement toujours en attente.
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