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Jean Marc Ah Sen: Le barman qui voulait devenir écrivain

26 décembre 2015, 13:34

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Jean Marc Ah Sen: Le barman qui voulait devenir écrivain

 

Six ans. C’est le temps qu’il a fallu à Jean Marc Ah Sen pour publier son premier roman intitulé «Grand Menteur». Ce Canadien d’origine mauricienne s’est inspiré d’histoires de l’île contées par ses parents.

Ce n’est ni un conte de Noël, ni la version revisitée de L’homme qui voulait vivre sa vie, roman à succès de Douglas Kennedy. Un Canadien d’origine mauricienne, qui vit et exerce comme barman à Toronto, a toujours voulu devenir écrivain. Son premier roman intitulé Grand Menteur, qu’il signe sous la plume de Jean Marc Ah Sen, publié par l’éditeur canadien BookThug, se déroule à Maurice avec pour toile de fond les bas quartiers et les guerres de gangs. L’ouvrage a été bien accueilli par la critique, un journal national l’ayant même classé parmi les 100 meilleurs livres de 2015. Portrait d’un atypique.

Celui qui a pris comme nom de plume Jean Marc Ah Sen est un fils d’immigrés mauriciens au Canada. Ses parents et tantes ont quitté Maurice au milieu des années 80,  attirés par des opportunités économiques et le sens de l’aventure. Ils se sont posés à Toronto. Notre interlocuteur, qui a aujourd’hui 28 ans, y a fait ses études primaires, secondaires et même universitaires.

Dès l’adolescence, il sait qu’il veut être écrivain un jour pour témoigner de ce qui le touche. Mais cela ne se fait évidemment pas en un jour. Au fur et à mesure qu’il grandit, il écrit et pour vivre, il travaille comme barman.

Il vient régulièrement à Maurice, c’est-à-dire tous les cinq ans, d’abord avec ses parents puis avec sa femme, une enseignante qui donne aussi des cours d’anglais aux nouveaux immigrés installés à Toronto. Il a un fils.

Il passe pas mal de temps avec les siens à Winnipeg où il arrive que la température descende à moins 40 degrés. «Dans de tels cas, je peux vous dire que je pense beaucoup au climat de Maurice», écrit-il dans son mél.

Défi à surmonter

Cela lui a pris six ans pour arriver à faire publier ses écrits. «La plus grosse difficulté est l’indifférence du lectorat qui se situe sur deux fronts. L’édition est un marché saturé au Canada et de ce fait, faire ce qu’il faut pour retenir l’attention d’un éditeur et plus tard celle des lecteurs potentiels est un défi presque insurmontable.»

Certes, mais il y est tout de même parvenu, non ? «Cela a été six ans d’accusé de réception de lettres de rejet standardisées avec peu de remarques ou de critiques constructives. J’ai été très heureux de trouver un éditeur en Book -Thug, qui est un imprimeur indépendant et innovant. Je crois qu’il fallait juste  trouver le bon éditeur prêt à soutenir mon oeuvre, tout en affinant mes capacités d’écrivain durant un temps d’intervention avant la publication du livre.»

Ce premier livre raconte l’histoire d’un gang de rues mauricien se faisant appeler les Sous. Le principal personnage est le menteur professionnel du gang qui doit composer des alibis pour confondre la police, les autorités et même sa fille. C’est principalement une fiction, même s’il y a inséré des histoires vraies racontées par ses parents.

«Dans un chapitre précis, il est question d’un accident de moto. Pour le décrire, je me suis inspiré de l’accident de mon père à Grand-Baie. Il a failli mourir dans les années 70 après avoir été heurté par un chauffard ivre

S’il n’a pas fait de recherches à proprement parler sur les gangs, il s’est souvenu des films qu’il avait vus sur les organisations criminelles,

comme Brighton Rock. «J’ai essayé de ne pas trop m’en inspirer. Par contre, j’ai partiellement restitué certaines aventures racontées par mon père et qui se sont vraiment déroulées dans les années 60.»

Si son récit jongle entre trois langues – l’anglais, le français et le kreol –, c’est parce qu’il a voulu montrer comment parle le Mauricien, qui a la faculté de passer d’une langue à une autre dans une conversation.

Avec ce premier livre, Jean Marc Ah Sen souhaite que les lecteurs se familiarisent au sort des opprimés et des marginalisés de la société mauricienne «de la même façon que des livres tels que The Road to Wigan Pier, The Autobiography of a Supertramp et The People of the Abyss ont mis en avant le sort des laissés-pour-compte». «Seuls les endurcis resteront de marbre en lisant mon livre.»

Grand Menteur a été bien accueilli par la critique. Deux journaux nationaux, à savoir The Globe and the Mail et le National Post l’ont salué, le premier cité l’incluant même parmi les meilleurs 100 livres de 2015. «Ce qui est très généreux», estime un Jean Marc Ah Sen heureux, qui a déjà à son actif un recueil de poèmes intitulé Parametrics of Purity. Recueil qui traite de tout ce qui figure entre la pureté de l’âme et le puritanisme.

À peine son premier livre paru qu’il connaît déjà la trame et le titre de son prochain livre, The Lost Norman. Il y sera question de biens immobiliers et de castes et surtout d’un propriétaire de taudis. «Cette fois, il sera en anglais.»