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Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children: «Il manque des travailleurs sociaux»
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Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children: «Il manque des travailleurs sociaux»
Le décès d’Anna Mootoo, huit mois, a bouleversé tout le pays. Que peut-on faire pour éviter ce genre de drame? Comment mieux protéger l’enfant mauricien? Nous faisons le tour de la question avec Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children, qui a également une longue carrière dans le social.
En tant qu’Ombudsperson for Children, comment réagissez-vous à la mort d’Anna Mootoo ? Et que peut-on faire pour protéger les enfants ?
Je suis chagrine, c’est une grande tristesse. Mais au-delà de cela, réfléchissons ensemble ; c’est quoi être parent? Il est grand temps pour la famille biologique d’assumer ses responsabilités, car enfanter, c’est une responsabilité. Trop de jeunes deviennent parents sans savoir dans quoi ils s’engagent. Bien sûr, chacun est libre d’avoir des relations sexuelles, nous sommes en démocratie, mais la sexualité précoce est un cercle vicieux.
Je pense que l’École des parents, qui est sous l’égide du ministère de l’Égalité du genre, devrait être redynamisée et les parents éduqués. L’on ne peut tout mettre sur le dos de l’État et des ONG. Dans le cas d’Anna Mootoo, des voisins disent avoir entendu le bébé pleurer régulièrement. C’est aussi le devoir des citoyens de rapporter de tels cas aux autorités concernées.
Justement, les autorités ont-elles un système pour prévenir les cas de maltraitance sur les enfants ? Je m’explique : d’autres institutions telles que le bureau de l’impôt ont des «pistes» sur des gens qui ne paient pas la taxe. Les autorités ont-elles des données qui leur permettraient d’identifier des régions à risques, voire des foyers à risques pour les enfants ?
Je suis d’accord qu’il faudrait répertorier les familles à risques. Et ensuite, faire un travail de prévention. Le ministère de la Sécurité sociale a des données, tout comme la police ou le ministère de l’Éducation. Ce sera d’ailleurs une des recommandations dans mon rapport.
Je pense qu’il faudrait pouvoir identifier les familles à risques sans dévaloriser la famille mauricienne. Nous avons les données, cela peut se faire mais en même temps il y a un sérieux manque de travailleurs sociaux et de ressources humaines. Et moi je penche dans une telle direction.
Comment expliquer la maltraitance d’un enfant ?
Quand l’on maltraite son enfant, il y a un souci dans le lien parent-enfant. Le parent n’a pas un lien approprié avec son enfant. Les parents le disent souvent, ils «corrigent» leur enfant. Il n’y a aucun mal à corriger, mais corriger ne veut pas dire maltraiter.
Pourquoi les parents le font-ils? Par manque de maturité sans doute. Mais aussi, dans bien des cas, ils répètent ce dont ils ont été victimes eux-mêmes. Il y a beaucoup d’adultes/parents à risques.
La loi prévoit des familles d’accueil mais, en pratique, très peu de familles sont formées pour le «foster care». Qu’est-ce qui bloque selon vous ?
La famille mauricienne veut surtout adopter un bébé. Le foster care, cela n’est pas inscrit dans notre culture. Mais j’ai remarqué récemment qu’un changement commence à poindre dans la mentalité. Petit à petit, des familles se montrent intéressées. Je pense que l’on a besoin d’une campagne agressive à ce niveau.
Qu’en est-il des sanctions? Pensez-vous qu’il faudrait durcir la loi en ce qui concerne la maltraitance ?
Nous avons déjà un cadre juridique pour de tels cas. La loi est là. Je ne pense pas que les sanctions aideront à faire évoluer ce type de situation. Il faudrait plutôt se tourner vers l’éducation citoyenne comme le préconisent les Nations unies.
Les enfants maltraités finissent souvent dans des «shelters» et quelques-uns sont renvoyés dans leur famille d’origine. La Child Development Unit (CDU) ne serait-elle pas dépassée ?
D’abord, si les enfants sont renvoyés dans leur famille d’origine, c’est après une enquête sociale. Il arrive, faute de mieux, que des enfants restent dans des shelters. La CDU ne peut pas tout faire. Par contre, l’on peut suivre le modèle réunionnais et créer un réseau d’assistance sociale pour venir en aide à des familles, sans pour autant enlever les enfants de leurs familles biologiques. Cela coûterait également moins cher à l’État et serait un meilleur moyen.
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