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Désiré François, auteur-compositeur-interprète: «‘Dipin griyé’ a failli ne pas sortir à cause du piratage»

1 janvier 2016, 12:00

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Désiré François, auteur-compositeur-interprète: «‘Dipin griyé’ a failli ne pas sortir à cause du piratage»

 

Sa chanson cartonne. Pourtant, c’est un homme simple, humble, et terriblement attachant qui nous a rendu visite le mercredi 30 décembre.

«Dipin griyé» cartonne cette année. Saviez-vous que ce serait un tel succès ?

Non, cette chanson date d’un an. C’est maintenant que vous la découvrez. Don Panik avait écrit les paroles. Il m’avait montré un long texte et quand je l’ai lu, je l’ai trouvé intéressant. Je l’ai peaufiné par la suite et j’ai composé la chanson, puis je l’ai mise en ligne. Lors de mon passage à la Réunion, on me disait que «Dipin griyé pé touyé dan Moris». Je pensais que c’était une plaisanterie vu que la chanson avait été publiée l’an dernier. Je n’en revenais pas.  Depuis que je suis rentré à Maurice, partout où je passe, les gens m’appellent Dipin griyé. (Rires)

Cette chanson, vous l’avez chantée au Festival Kreol et on a ressenti votre émotion. Vous aviez fait une pause et aviez dit : «Cela ne m’est jamais arrivé.» Vous comptez 30 ans de carrière, pourquoi tant d’émotions en 2015 ?

D’abord, je ne m’attendais pas à ce que cette chanson remporte un tel succès. Cette émotion n’était pas uniquement pour cette chanson mais aussi pour Isi kot nou été, Rev nou zanset... J’avais à peine commencé à chanter que 100 000 personnes se sont mises à chanter en choeur. C’est une émotion indicible, extraordinaire qui m’animait. J’avais un noeud dans la gorge. Je n’arrivais plus à chanter et les larmes commençaient à perler sur mes joues... C’était spontané. C’était une grande émotion. Je suis fier d’avoir vécu cela à Maurice.

Aujourd’hui vous êtes une légende vivante du sega. Comment faites-vous pour vivre avec ce statut ?

Je le prends à la légère. Je laisse les gens me prendre en photo… Et puis les chansons que je compose relatent la vie de tous les jours. Je suis une personne qui apprécie la simplicité.

Vous êtes un artiste qui a fait ses preuves ailleurs, surtout à la Réunion. Pourquoi la Réunion ?

Ah... Vous savez, je me suis marié à une Réunionnaise. On s’est rencontré en 1994. La chanson Marlène faisait fureur à l’époque. Cela nous a permis de faire des va-et-vient entre Maurice et la Réunion. J’ai trouvé ma Mélina sur cette île. Je suis reconnaissant envers les Réunionnais.

Que vous a apporté votre épouse dans votre carrière ?

Beaucoup de choses. Au début, j’étais perdu comme sur une vague. Je ne savais pas où se trouvait le brisant. Elle a pris les choses en main lorsque le piratage prédominait. Les gens pirataient mes chansons et les vendaient. Ma femme est déjà du métier et c’est une chance que j’ai. On s’est assis et on a parlé. Nous avons alors pris notre envol. Si je suis arrivé jusqu’ici aujourd’hui, c’est grâce à elle.

Vous avez aussi des amis musiciens qui vous ont épaulé ?

Oui je dois dire un grand merci à Alain Lafleur, Bruno François, Rico, Kersley Joli, Christian Brasse, Eddy Armel, Eley… Ils sont coopératifs. Je peux les solliciter pour jouer à n’importe quel moment et ils le font gratuitement. Désiré François n’aurait pas existé sans eux.

La différence entre Maurice et La Réunion ?

À la Réunion, la mairie investit beaucoup d’argent dans les estrades. Elles sont érigées à chaque coin de rue. Je gagne plus d’argent à la Réunion qu’ici. Je suis invité à jouer dans les anniversaires, les mariages… J’ai été booké pour un mariage à La Réunion en 2017 ! Ne vous y trompez pas, le public réunionnais n’est pas plus réceptif que le public mauricien. Mais ici, les municipalités ne font rien. Il n’y a quasiment aucune scène pour les artistes.

Le piratage vous affecte-t-il financièrement en tant qu’artiste ?

Financièrement, moralement et même physiquement. Récemment, j’étais à Port-Louis et j’ai  vu un coffret qui contenait trois CD. Quatre ou cinq de mes chansons y étaient. Et ces CD se vendaient comme des petits pains à un prix dérisoire. Il faut que les gens arrêtent d’acheter des CD piratés pour freiner ce commerce.

Et «Dipin griyé» n’allait pas sortir à cause de cela ?

C’est ça, la chanson n’allait pas sortir. J’avais pris une pause avant de la sortir parce que je ne reçois rien en retour malgré l’argent que j’ai dépensé.

Combien vous a rapporté l’album de «Dipin griyé» ?

Rien du tout. On entend la chanson dans toutes les maisons mais cela ne m’a rien rapporté. Ça avait décollé à la Réunion. Ici, les CD ne se vendent pas trop. Et je sais que la facilité avec laquelle on télécharge des chansons a eu un impact négatif sur la vente des CD.

Vous avez choisi de vendre la chanson en ligne. Cela a-t-il été profitable ?

Pas beaucoup non. Certains ont téléchargé et fait passer.

Les artistes n’arrivent vraiment pas à s’entendre sur la lutte contre le piratage...

Les artistes ne s’entendent pas sur beaucoup de points. Pas uniquement cela. Il y a une concurrence à outrance ces temps-ci. Les compositeurs deviennent des chanteurs juste pour concurrencer. Or, si votre métier et votre talent sont d’écrire, ne  chantez pas. Écrivez pour les autres et la fête sera encore plus belle.

Sé enn ros dan zardin kisannla ?

De personne. C’est juste mon constat. Il y a trop de concurrence. L’art en souffre.

Quel son vous a marqué cette année ?

Nou pou sirmonté de The Prophecy… Dr Boyzini m’a beaucoup impressionné. C’est un vrai artiste. Malheureusement je n’ai pas pu acheter son CD car je ne l’ai pas trouvé. Celui de The Prophecy, je l’ai trouvé et je l’écoute.

Qu’en pensez-vous ?

Ce sont de nouveaux artistes. C’est une nouvelle mélodie, une nouvelle voix, un nouveau souffle. De sa voix rauque, il chante du reggae. C’est une jolie chanson d’amour, j’adore.

Quels conseils donneriez-vous au jeune chanteur du groupe The Prophecy ?

Il ne faut pas qu’il dépense toute son énergie à jouer ici et là. Évidemment il faut qu’il gagne sa vie, mais il ne faut pas qu’il se brûle après un titre phare. Il faut qu’il trouve du temps pour faire ce qu’il fait le mieux : écrire des chansons et composer la musique. On l’attendra au tournant pour son deuxième opus. Le deuxième album doit être meilleur que le premier. Mais il réussira, je le sens.

Cette année, beaucoup de chansons sont basées sur la séparation, la jalousie… Et vous, vous parlez plutôt de l’amour même.

Oui, en effet. À mon avis, quand on fait quelque chose, il faut le faire avec amour, de tout son coeur. L’amour est en moi, c’est lui qui me donne de la force.

2015 a été marquée par de bonnes nouvelles et de mauvaises nouvelles. Que retenez-vous de cette année ?

Ce que je retiens, c’est le Festival Kreol. C’est un festival inoubliable.

C’était pour vous le plus gros événement de l’année ?

Oui, en effet c’est le plus gros événement de l’année.

Que souhaitez-vous aux Mauriciens pour 2016 ?

Je souhaite mes meilleurs voeux aux Mauriciens. Surtout au niveau de la santé. Parce qu’il y a beaucoup de gens souffrants autour de nous. On ne s’en rend pas compte, c’est peut-être dû à notre alimentation. Il y a aussi beaucoup d’accidents à Maurice. Je pense aussi qu’il y a une forte consommation d’alcool. Il faut trouver une solution.

Quels sont vos projets ?

Pour le moment, je ne sais pas. Il faut que je m’asseye et que je gratte ma guitare. Il y a des chansons qui vont venir… Mais je ne peux pas vous en dire plus.