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La Bank of Mauritius Act amendée en 2010 pour favoriser la BAI?

5 janvier 2016, 21:00

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La Bank of Mauritius Act amendée en 2010 pour favoriser la BAI?

Alors que de nouveaux détails accablants sur le modus operandi du groupe BAI sont mis au jour, dans le sillage de l’enquête de nTan Corporate Advisory Pte Ltd, d’autres informations, non moins troublantes, font surface. Ainsi, outre la complaisance alléguée des cabinets d’audit et de la négligence de la Financial Services Commission d’alors, il semblerait que le groupe de Dawood Rawat avait aussi un soutien de taille: la Banque de Maurice, alors dirigée par Manou Bheenick.

Flash-back. Vendredi 17 décembre 2010. Cela a failli passer inaperçu : alors qu’il propose son Finance Bill, le ministre des Finances d’alors, Pravind Jugnauth, évoque, en passant, un amendement à la Bank of Mauritius Act. Il déclare : «The granting of advances to financial institutions by the Bank of Mauritius is being extended to other entities.» Ce qui est une suite logique à sa phrase, contenue au paragraphe 85, de son discours du Budget : «(…) the list of collaterals which the Bank may accept when granting advances will be broadened.»

Pourquoi au niveau de la chronologie des faits, l’année 2010 est importante ? D’abord, les premières pertes du groupe BAI, selon les conclusions préliminaires de nTan, remontent à cette même année. Elles étaient alors de Rs 3,3 milliards.

Notons aussi que quelques mois plus tard, soit le 29 mars 2011, KPMG faisait sa présentation à l’Audit Committee de la BAI, rappelant la toile de fond de pertes opérationnelles continues depuis 2004 et totalisant, au 31 décembre 2010, la somme non négligeable de Rs 3,893 milliards. Cette somme était, bien heureusement, compensée par Rs 5,046 milliards de fair value gains, dont Rs 4,261 milliards (84,4%) s’inscrivaient exclusivement sur les filiales du groupe !

Notons également, pour compléter le contexte, que la «pirouette» de Rs 3,6 milliards à la Banque des Mascareignes, se passe le 31 décembre 2009 – voir l’article de l’express du 10 octobre 2015 intitulé : «BAI : les 3,6 milliards du 31.12.2009 mises en perspective».

Aujourd’hui, alors que la tactique de window dressing de la BAI a été décryptée par les enquêteurs de nTan, eu égard, entre autres, à la round tripping transaction de Rs 3,6 milliards provenant de la Banque des Mascareignes, cet amendement à la Bank of Mauritius Act prend une autre dimension.

«IT WAS EXPLOSIVE»

Car avant cet amendement, qui a été voté après un changement important exigé par Paul Bérenger, la Banque de Maurice accordait des «avances» seulement au gouvernement et aux banques commerciales. Et les garanties contre lesquelles ces prêts étaient accordés étaient strictement détaillées : «Gold Coins or Gold Bullion and so on, Bank of Mauritius Bills or foolproof security.»

Il y avait aussi une clause qui disait que dans les circonstances exceptionnelles, la Banque centrale «could grant advances to financial institutions on such terms and conditions and against such security as the Board may determine». Mais c’était dans des circonstances exceptionnelles et seul le Board pouvait donner son feu vert.

Dans la première version de l’amendement proposé en 2010, le Board est remplacé par The Bank (en d’autres mots, le gouverneur). Ce qui devait alors attirer l’attention du leader de l’opposition qui avait vigoureusement fait ressortir, selon le Hansard : «When it was proposed in the Bill that the Bank of Mauritius could lend, not only to financial institutions, but to such other entities as the Bank, not the Board, it was explosive what was contained in the Bill (…) that is, the Governor could decide which other entities the Bank would make advances to, would decide what other securities, the Bank of Mauritius, not the Board, would accept.»

À son crédit, s’il n’arrive pas à contrecarrer l’amendement, Paul Bérenger arrive à exiger que le Board remplace le gouverneur pour ce genre de décisions : «At least, we have that guarantee. It is no longer the bank, the management, that is, the Governor; it is the Board, Mr Speaker, Sir. I was going to ask what are those exceptional circumstances that we have in mind when we would give that kind of power to the Governor outside the control of the Board. The more exceptional circumstances – I would think as a layman – there are on the horizon, the more it is necessary for the Board to be involved, and not just the Governor.»

En ce mois de décembre 2010, Paul Bérenger va plus loin : «I have in mind certain big problems ahead. I won’t say more. I am still quite uneasy with that definition of other entities – the amendment – so that the bank can grant advances not just to financial institutions, but to such other entities as the Board may decide (…) But are we going to allow – if I may say so – the Bank of Mauritius to make advances not just to Government, not just to commercial banks, but to other entities, including private entities? (…) Are we going to accept that commercial banks, which are in difficulty, give, as guarantee to the Bank of Mauritius, toxic guarantees that they have with private companies? We will be watching…»

Aujourd’hui, ceux qui travaillent sur l’enquête avec les experts singapouriens de nTan pour finaliser le rapport (qui sera soumis à la fin du mois) avancent qu’il est possible que «la BAI avait voulu emprunter de la Banque centrale, d’où cet amendement proposé par l’ancien gouverneur à l’ancien gouvernement». Selon eux, cela prouve à quel point la BAI avait ses entrées partout, y compris au Parlement, en passant par les deux principales institutions régulatrices.

Au niveau de la Banque de Maurice, l’on annonce quelques changements à venir au niveau de la Bank of Mauritius Act afin que la Banque centrale ne soit pas utilisée comme «une vache à lait» et qu’elle retourne à son état premier, c’est à dire une institution qui prête à l’État et aux banques commerciales, uniquement !