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Tiburce Plissonneau-Duquène, formateur en hôtellerie : le prof cinq-étoiles tire sa révérence
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Tiburce Plissonneau-Duquène, formateur en hôtellerie : le prof cinq-étoiles tire sa révérence
Qui l’eût cru ! Tiburce Plissonneau-Duquène à la retraite ! Impensable ? Et pourtant. Après 40 années passées à former le personnel hôtelier, dont 20 pour le compte du groupe Beachcomber, ce fringant septuagénaire, passionné de musique classique, quitte le groupe fin janvier.
Écouter Tiburce Plissonneau-Duquène se raconter est une délectation tant il maîtrise l’art du récit, qu’il truffe de pointes d’humour. Si rire équivaut à manger un steak, alors on a fait le plein de viande pour au moins dix jours !
Il faut dire que ces dernières années, il s’amusait moins, étant confronté «au comptable qui est derrière, qui fait les additions et qui trouve toujours que la formation coûte cher et qu’il faut l’arrêter». L’évolution du service a aussi contribué à changer son état d’esprit. Le service s’est simplifié, parallèlement aux goûts des clients. «La clientèle mange essentiellement aux buffets et un service de buffet, ce n’est vraiment pas la mer à boire.»
Le coup de grâce est venu du manque d’intérêt des jeunes pour les métiers de l’hôtellerie. «La mode est passée et si les jeunes suivent des cours, c’est pour aller travailler sur des bateaux de croisière. Ils bossent comme des dingues, travaillent nonstop sans congés mais sont payés Rs 40 000 pour être serveurs. Ça stimule sans doute.»
Il y a deux ans, Tiburce a été retiré de la Beachcomber Training Academy (BTA) pour être responsable de l’intendance au quartier général de Curepipe. «Je ne me suis pas senti dégradé. Cela me nourrissait à la fin du mois. Mais au bout de trois ans, labonne a senti qu’elle avait besoin de rendre son tablier (rires). Plus sérieusement, j’ai passé l’âge. Il faut savoir se retirer.»
Ce Français de Martinique, enfant unique, a quitté les Antilles françaises à l’âge de 12 ans pour aller en pension au Canada. Lorsqu’il termine son baccalauréat, il sait qu’il veut travailler dans l’hôtellerie. Il part donc à Boston, aux États-Unis, pour rejoindre une école hôtelière. Au bout de deux mois, il claque l’argent que sa mère lui a confié pour ses cours et va en France. À Paris, il habite chez une vieille tante dont l’opiniâtreté lui ouvre les portes de l’École hôtelière. Il a pour directeur Pierre Héry.
Son brevet d’aptitudes professionnelles en poche, il part faire son service militaire à Neustadt, en Allemagne. Il s’amuse comme un petit fou, surtout lorsque le capitaine insiste pour monter la tragédie Britannicus et que le rôle de Brutus lui est confié.
Quand son père décède, il regagne la Martinique et apprend que son ancien directeur à l’École hôtelière de Paris y a été nommé pour ouvrir une école. Il reprend donc contact et est recruté. Devant les prouesses de son élève, Pierre Héry lui fait suivre un cours accéléré sur l’enseignement des techniques de base en pédagogie et c’est ainsi que Tiburce forme les élèves à plein-temps.
«SUR LES BATEAUX DE CROISIÈRE, LES JEUNES SONT PAYÉS RS 40 000 POUR ÊTRE SERVEURS.»
Au Congo-Brazzaville, il va former le personnel d’un hôtel construit par les Russes. C’est l’époque du socialisme et on le nomme «camarade expert», raconte-il en prenant l’accent russe. Il vit deux coups d’État avortés. «C’était drôle. Un matin, on frappe chez moi et c’est le standardiste qui me dit que dorénavant, le camarade expert doit prendre les ordres de lui. Dans l’après-midi, l’ancien directeur reprend son poste et le standardiste avait disparu.»
De retour en France, Tiburce pose ses valises en Savoie où il doit mettre sur pied une centrale de réservations. Il s’y fâche à jamais avec l’informatique car le jour de l’ouverture de la station, les ordinateurs ont des ratés et il doit tout réécrire à la main : «J’ai compris que l’ordinateur et moi nous ne sommes pas copains !»
En 1972, il pose les pieds pour la première fois à Maurice. Il anime une formation d’une semaine au Chaland et ne voit pas grand-chose du pays. Il forme le personnel de l’hôtel dans une chambre témoin où le tableau est installé sur la coiffeuse et le personnel assis sur le lit. En 1981, le poste de directeur de l’École hôtelière de Maurice lui est offert. Au bout de trois ans, il est envoyé au Togo, où son rôle est de vérifier les hôtels d’État. Un matin, il se réveille en apprenant que la présidence a réduit de moitié le salaire du personnel hôtelier. «Et le personnel devait remercier le président Eyadema pour cela.»
Tiburce retourne dans l’île au début des années 80. Il officie au Gourmet avec Jacqueline Dalais. Le groupe Beachcomber le débauche une première fois pour assurer la formation du personnel de l’hôtel Le Paradis. Et lorsque l’École hôtelière passe sous la direction de Ricaud Dumée et de Germain Commarmond, Tiburce est sollicité pour la diriger. Il travaille sur le projet du nouvel établissement d’Ébène. Puis Herbert Couacaud l’approche pour mettre sur pied la BTA en 1996. «Nous sommes partis de zéro. J’ai ouvert les bureaux, fait le contenu et le catalogue des cours et j’ai animé beaucoup de cours également.»
Le septuagénaire paraît tellement en forme qu’on le voit mal rester chez lui à savourer le temps qui passe. «Au bout de deux semaines, je vais m’ennuyer ferme ! Je crois toujours à ma bonne étoile. Peut-être qu’il y aura quelque chose qui va me tomber dessus !» Allez savoir…
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