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Shelter de Forest-Side: Bernard Feriot, la crème des pâtissiers

18 janvier 2016, 20:28

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Shelter de Forest-Side: Bernard Feriot, la crème des pâtissiers

 

 

Depuis qu’il est tout petit, Bernard Feriot est attiré par la cuisine. Mais pas au point d’en faire son métier. Qualifié en mécanique automobile, il gère un garage pendant une vingtaine d’années. Mais à chaque fois qu’il a du temps libre, s’il n’est pas devant les fourneaux, il bouquine, s’intéresse à la pâtisserie et aux desserts, qu’il trouve plus créatifs que les recettes salées. «En 25 ans de mariage, si ma femme a fait cinq fois la cuisine, c’est beaucoup», avoue le pâtissier amateur. Ses spécialités sont les mousses, crèmes et décorations au caramel et chocolat. «Je suis autodidacte à 100 %», précise-t-il.

Voulant plus de temps libre, il ferme son garage et ouvre un bureau de tabac. Mais le manque de contact humain lui fait tout arrêter au bout de cinq ans et retourner dans l’automobile jusqu’à sa retraite en juillet 2014. Il veut meubler son temps libre par la transmission de son amour pour la pâtisserie aux enfants.

Si la France n’est pas son premier choix c’est parce que dans son pays, explique-t- il, il y a déjà bon nombre d’institutions s’occupant d’enfants. Ensuite, seulement un tiers des dons faits vont aux enfants, le reste étant absorbé par les charges. Il pense aux pays de l’Afrique de l’Ouest. Or, lorsqu’il envisage d’y aller en 2014, Boko Haram y est très présent. Il doit donc changer de cap.

«J’ai senti que le shelter était ma deuxième maison et les résidentes et le personnel, ma deuxième famille.»

C’est par le biais de Gérard Baud, chroniqueur gastronomique connu qui a, par le passé, travaillé à l’École hôtelière des Casernes, qu’il apprend l’existence de Sheela Baguant, directrice du Shelter for Women and Children in Distress, à Forest- Side. Gérard Baud les met en contact. Ensemble, ils tombent d’accord pour l’animation d’un atelier pédagogique de pâtisserie, deux fois par semaine, à l’intention de huit filles non scolarisées de 12 à 16 ans. Bernard Feriot débarque à Maurice le 10 mai et repart le 10 juillet, la mort dans l’âme tant il a aimé les échanges avec les jeunes résidentes. «J’ai senti que le shelter était ma deuxième maison et les résidentes et le personnel, ma deuxième famille.»

Mais avant de revenir, il participe fin septembre au Canel Trophy, championnat du monde de cannelé bordelais dans la catégorie pâtissier amateur. Le cannelé, qui contient sept ingrédients, est un des gâteaux les plus longs à cuire – il doit rester 20 minutes au four à une température de 275° et 55 minutes à 180°. En allant choisir ses ingrédients, il tombe sur un sucre spécial qui vient de Maurice et décide de l’utiliser à la place du sucre blanc. Son cannelé séduit les membres du jury et il est sacré champion du monde dans sa catégorie. «Si j’ai remporté ce titre, c’est grâce au sucre spécial et donc à Maurice.»

Il revient dans l’île le 10 octobre avec 55 kilos de vêtements de seconde main pour les résidentes du shelter où il passe désormais plus de trois journées par semaine. Il a la responsabilité de quatre groupes, le premier étant les huit filles initialement formées, le deuxième huit autres de la même tranche d’âge et les deux derniers regroupant 14 enfants de cinq à sept ans. «Je sens l’engouement car à chaque fois que j’arrive, elles demandent quel gâteau on va faire. Je crois qu’elles sont intéressées et responsabilisées car elles mettent la toque et annotent les recettes.»

«Cela m’apporte beaucoup mais j’ai du mal à le définir car c’est plein d’émotions.»

Quel avantage tire-t-il de cet enseignement? «Je ne demande rien en retour mais cela vient seul de la part des filles qui m’accueillent chaleureusement lorsque j’arrive. Cela m’apporte beaucoup mais j’ai du mal à le définir car c’est plein d’émotions.» Parce qu’il veut rester à Maurice, il est en pourparlers par rapport à un projet spécifique qui, s’il aboutit, lui permettrait d’obtenir un emploi, tout en lui procurant la possibilité de continuer à donner ses cours de pâtisserie au shelter.

Ce n’est pas Sheela Baguant qui s’en plaindra. «Je ne suis pas partisane de la ségrégation. S’il y a régulièrement des visiteurs hommes au shelter, c’est la première fois qu’un homme y reste aussi longtemps. Je l’ai observé et vu faire et j’ai eu confiance. Mais il y a toujours une employée lors de l’atelier.» Elle a noté un changement radical chez les filles. «C’était des filles extrêmement introverties et aujourd’hui, elles sont plus réceptives et ouvertes. Bernard a une bonne approche et je crois qu’il est un peu la figure paternelle du shelter.»

Sheela et son personnel ont été bluffés, le 16 décembre, quand les résidentes les ont reçus à déjeuner. «Elles avaient tout préparé sous la direction de Bernard : les cartons d’invitation, la table joliment décorée, le délicieux menu qui a été servi. Elles étaient habillées en noir et blanc. C’était impeccable, comme au restaurant.» Ce déjeuner était tellement au point que Sheela Baguant n’a pu s’empêcher de fondre en larmes. Des larmes de joie et de fierté, bien entendu. «J’y ai vu la possibilité de débouchés professionnels dans l’hôtellerie pour elles», dit-elle.

Pour Béatrice et Zoya*, âgées de 17 et 16 ans et résidentes du shelter, c’est un monde nouveau qui a été mis à leur portée à travers ces cours. En sus d’apprendre à confectionner plus d’une quinzaine de pâtisseries, Béatrice a été impressionnée par les différentes pâtes à gâteau qui existent. «J’étudie le Food and Nutrition et cet atelier m’aide grandement.» Zoya dit qu’elle sait désormais comment tenir une cuisine.

«S’il a la chance de rester à Maurice, il peut apprendre encore beaucoup aux filles du shelter», estime Sheela Baguant. Comme le dit la chanson, Que sera, sera…

*prénoms modifiés