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L’alcool au féminin: une tendance alarmante
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L’alcool au féminin: une tendance alarmante
La National Non-Communicable Diseases (NCD) Survey 2015 souligne le fait qu’en cinq ans, le dernier rapport remontant à 2009, le nombre de consommateurs d’alcool en général est passé de 48,5 % à 52,8 %. Si les hommes restent les plus grands consommateurs avec un pourcentage de 66,2 %, le pourcentage de femmes consommatrices a connu une nette augmentation, passant de 33,8 % en 2009 à 41 % en 2015.
L’association Alcooliques Anonymes se dit choquée par un tel constat. «C’est une augmentation importante et choquante. Avec la prolifération des soirées, les jeunes commencent très tôt à consommer de l’alcool. La variété de boissons alcoolisées disponibles n’arrange pas non plus les choses. L’alcool mélangé à du jus de fruit attire surtout les jeunes. Ils consomment un verre puis quatre sans s’en rendre compte et ils sont vite ivres. Il est malheureux de dire qu’à Maurice, il n’existe pas de soirées sans alcool. Et si on ne suit pas la tendance, on n’est pas ‘dans le coup’», fait ressortir Armand, des Alcooliques Anonymes.
Pour Étoile d’Espérance, association et centre de réhabilitation accueillant les femmes dépendantes de l’alcool, si cette augmentation est alarmante, elle était prévisible. «L’année dernière, nous étions pratiquement house full. Nous avons repris nos activités depuis une semaine et, déjà, nous avons eu six demandes d’admission. Il s’agit là d’une augmentation drastique», explique Priscilla Martial, directrice thérapeutique chez Étoile d’Espérance.
La dépendance à l’alcool a tendance à s’installer dans deux groupes d’âges. «Dans le premier, il s’agit de femmes âgées entre 27 et 31 ans. Ce sont pour la plupart des cas des personnes qui ont commencé à boire depuis longtemps, souvent à l’adolescence, mais qui n’avaient jamais demandé d’aide. Pourtant elles devaient souffrir de problèmes de santé mais qui n’ont pas interpellé les professionnels. Ce n’est que quand les choses ont atteint un stade avancé qu’elles ont cherché des solutions. Dans le second groupe d’âge, on retrouve des femmes âgées entre 45 et 50 ans qui font leur ménopause. C’est aussi la période où les enfants quittent la maison pour voler de leurs propres ailes. C’est le syndrome du nid vide qui s’installe.»
Le nombre de rechutes à Étoile d’Espérance a également augmenté. «Nous avons eu pas mal de rechutes. Un élément déclencheur, comme une séparation, peut provoquer une rechute. Et la rechute est souvent plus difficile à vivre», souligne Priscilla Martial.
Les jeunes également se tournent de plus en plus vers l’alcool. Pour la psychologue d’Étoile d’Espérance, Aarti Banymandhub, cette féminisation de l’alcool est due à l’évolution de la société. «Le statut social de la femme a changé. La femme est aujourd’hui plus émancipée.»
DÉPRESSION ET DÉPENDANCE
Le National NCD Survey souligne aussi le fort taux de pourcentage de dépression chez la femme soit 20 %. Or, la dépression chez la femme et la dépendance à l’alcool s’avère être intimement liées. «La dépression sous-jacente chez la femme risque de provoquer une dépendance à l’alcool», explique la psychologue Aarti Banymandhub. «La consommation d’alcool apporte un apaisement à la personne qui souffre et elle va en avoir recours à chaque fois. Au final, elle devient dépendante de l’alcool», fait ressortir Priscilla Martial.
Si l’Organisation mondiale de la santé estime qu’une consommation modérée et responsable de l’alcool chez la femme est de deux verres par jour, tout en respectant un jour de consommation zéro par semaine, pour les personnes oeuvrant avec les personnes malades de l’alcool, il convient de ne pas consommer de l’alcool tous les jours. «Nous ne disons pas qu’il ne faut pas consommer d’alcool. Mais si une personne a besoin de consommer deux verres d’alcool par jour, c’est déjà une forme de dépendance», souligne Priscilla Martial.
Pour renverser la tendance de la féminisation de l’alcool, il conviendrait donc, dans un premier temps, de ne pas banaliser sa consommation d’alcool. «Il ne faut pas dire que ce n’est qu’un verre ou deux par jour», souligne Priscilla Martial. Pour la psychologue Aarti Banymandhub, il faut aussi plus de campagnes de prévention, notamment dans les écoles, ainsi qu’un suivi psychologique pour les personnes fragiles. Comme le souligne Priscilla Martial, quand une femme se porte bien, c’est toute la famille qui en bénéficie et par ricochet toute la société.
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