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Richard d’Avrincourt: «Maurice a un retard considérable à rattraper concernant l’usage de l’Internet en affaires»

20 janvier 2016, 18:53

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Richard d’Avrincourt: «Maurice a un retard considérable à rattraper concernant l’usage de l’Internet en affaires»

Ancien élève du collège Royal de Curepipe, Richard d’Avrincourt est détenteur d’une maîtrise en informatique de l’université de Hertfordshire, en Angleterre. Middleware Architect d’IBM pour la région Asie-Pacifique, il jette un regard critique sur le secteur des TIC à Maurice. Il dit souhaiter que les «smart cities» fassent une utilisation maximale du potentiel que représente ce secteur.

Vous êtes ingénieur architecte en logiciel médiateur pour la région Asie-Pacifique pour le compte d’IBM, une référence en matière d’informatique. Quelle est votre évaluation du secteur de la technologie de l’information et de la communication (TIC) à Maurice ?

Dans certains cas, il paraît que Maurice est sur le même pied d’égalité que certaines économies avancées. Je prends pour preuve, entre autres facteurs, la prolifération de smartphones et des tablettes qui sont disponibles et largement utilisés à Maurice. Les utilise-t-on uniquement pour des échanges de messages et de données sur le réseau social Facebook, pour visionner des vidéos sur YouTube ou bien sont-ils plutôt utilisés pour accroître le niveau de productivité des utilisateurs ? C’est la question que l’on devrait se poser.

La connexion Internet se répand à Maurice à une vitesse étonnante. Ce qui compte, c’est l’impact que ce vaste réseau de connectivité a sur l’économie du pays. Sur ce point, Maurice a un retard considérable à combler. L’Internet est peu utilisé dans les affaires, notamment les transactions entre les sociétés. Il n’a pas été suffisamment exploité pour permettre à Maurice de consolider sa place dans le domaine du commerce électronique.

Grâce à ses déclinaisons que sont, entre autres, la structure significative des données, le réseau de l’informatique mobile ou encore le système de gestion massive de données, la technologie de l’information pourrait permettre à Maurice de prendre la mesure de sa capacité dans ce domaine. Il n’est pas trop tard pour que les leaders de ce pays se ressaisissent. Une exploitation poussée du potentiel des TIC peut révolutionner la façon dont les affaires sont faites à Maurice. Cela peut faire surgir le potentiel du business, augmenter la productivité, accroître la profitabilité et réduire les coûts de production.

D’accord, mais comment résoudre l’éternel problème de disparité entre les besoins de cette industrie et la formation reçue des futurs employés de ce secteur ?

C’est un problème qui peut être résolu par la formation. Si la base fondamentale d’une formation exigée par une industrie n’a pas été acquise préalablement, cela devrait être possible sur le tas grâce à une politique rigoureuse en matière de transfert de savoir-faire. C’est un principe qui devrait s’appliquer également lorsque le pays ne dispose pas d’une compétence localement et doit faire appel à des étrangers. La formation, le tutorat, l’apprentissage par l’observation devraient faire partie de tout programme de transfert de savoir-faire. Je suis résolument en faveur d’une tendance qui favoriserait les produits et les projets qui portent l’empreinte du Mauricien.

Cependant, il est indispensable qu’au niveau décisionnel, on ait recours à la compétence appropriée. Si on n’en trouve pas localement, tout recours à une compétence étrangère devrait s’appuyer sur une politique de transfert de savoir-faire. Il faut qu’au départ de l’expert étranger, la main-d’oeuvre locale puisse prendre le relais. C’est ainsi que l’on pourrait s’assurer que la connaissance survive à la fin d’un programme de travail réalisé par un expert étranger.

Quelles sont les filières où le secteur mauricien des TIC pourrait s’engager ?

Il y a certainement un avenir pour ce secteur à condition que le plus grand nombre possible de dispositifs destinés tant à l’individu qu’à l’entreprise soit connecté au réseau de communication de l’Internet. Ceci dans le but de disposer dans le temps de toute forme d’information sur tous les secteurs possibles.

Il faut résolument se communier à la tendance globale qui veut que toute chose soit porteuse d’une répercussion sur la toile. Qu’on le veuille ou non, il existe bel et bien une infrastructure mondiale mise à la disposition de toute société désireuse de tirer le plus grand profit de tous les services que le secteur des TIC est capable de fournir. Les possibilités sont innombrables.

C’est dans le domaine de la santé que le potentiel du concept de l’Internet se manifestera. Le transfert de données médicales peut désormais se faire par le biais de smartphones. Grâce à un service de stockage de données, des informations critiques peuvent être transmises au médecin d’un patient. Imaginez combien de drames un tel service virtuel peut éviter.

L’aménagement de «smart cities» est une des options de développement identifiées par le gouvernement. Comment les différents instruments virtuels des TIC peuvent-ils contribuer à rendre ces «smart cities» plus «smart» ?

En voilà une excellente opportunité qui devrait permettre au pays de faire la démonstration de sa capacité à utiliser au maximum les différents instruments de ce secteur. Je les verrais bien disposant chacun de sa propre plateforme cloud pour, entre autres, contrôler le flot du trafic routier, assurer la réorientation permanente des panneaux solaires en fonction du mouvement du soleil, superviser la gestion du mouvement des foules et le renforcement des lois en utilisant des drones, garantir la gestion de la distribution de l’eau, ou encore fournir un service Internet haut débit.

Chaque smart city devrait être en mesure de se connecter à d’autres entités du genre grâce à une infrastructure semblable à des noeuds de réseaux pour des échanges d’informations au profit des résidents de ces smart cities. Il n’est donc pas impossible d’imaginer que les concepteurs des smart cities mauriciennes s’inspirent des initiatives comme, par exemple, celle du groupe IBM, à savoir le Smart Planet où un nombre impressionnant d’instruments technologiques ont déjà été conçus. Leur application pourrait se faire selon les besoins spécifiques du pays. Cela peut s’effectuer à Maurice même.

Le pays a des fois recours à l’expertise des Mauriciens installés à l’étranger. Que faut-il faire pour amener un fils du sol à revenir au pays ?

Le facteur déterminant serait, sans aucun doute, de lui offrir concrètement et sincèrement la possibilité d’aider le pays à franchir une étape décisive de son développement et de son évolution. Bon nombre de ces experts ont une carrière déjà établie à l’étranger. L’aspect rémunération pourrait ne pas peser lourd dans la balance vu que, théoriquement, Maurice n’a pas les mêmes moyens qu’un pays développé de payer ses experts.

Je suis convaincu que certains sont prêts à abandonner leur carrière juste pour avoir la possibilité de se dire un jour qu’ils ont apporté leur pierre dans la construction de la nation mauricienne. Il arrive dans le parcours d’un expatrié que la flamme patriotique est telle qu’elle rend superflue toute tentative de rechercher la récompense financière.

Le conservatisme latent chez certains ne risque-t-il pas de décourager les plus enthousiastes ?

Cela est possible si l’expert mauricien tente de prendre la place d’un autre. Bien au contraire, connaissant la mentalité locale, il devrait être en mesure, plus qu’un étranger, de ne pas dramatiser certains aspects inévitables du comportement de ses compatriotes. Une des façons d’éviter une confrontation avec les professionnels locaux est de ne pas les concurrencer sur leur propre terrain.

Il ne doit pas s’engager dans une activité qui dispose déjà des compétences appropriées sur place. Il doit démontrer qu’il est venu apporter et non prendre quelque chose au pays. C’est pour cette raison qu’il devrait opter pour la mise en place d’un service de consultance. C’est ce qui lui permettra d’employer les compétences locales, donc de donner du travail et de faire en sorte que le pays puisse bénéficier de son savoir-faire.

La bande passante du réseau de retransmission numérique de Maurice est réputée pour sa lenteur. Comment peut-elle, dans un cas pareil, contribuer au développement économique ?

Pour certains, la vitesse d’une bande passante est une préoccupation majeure. Soit. À mon humble avis, ce n’est pas sous cet angle que le rôle d’une bande passante devrait être considéré. C’est l’utilisation qu’on en fait qui importe et non sa vitesse ou sa lenteur. C’est un excellent outil qui peut potentiellement contribuer à améliorer la productivité et le développement économique. C’est dans cette perspective qu’on devrait considérer le rôle de la bande passante.