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Soodesh Callichurn: «Les travailleurs ne connaissent pas bien leurs droits»
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Soodesh Callichurn: «Les travailleurs ne connaissent pas bien leurs droits»
Récemment au cœur d’une polémique concernant le recrutement d’ouvriers bangladais, Soodesh Callichurn en profite pour annoncer les différentes mesures qu’il compte apporter à tous les niveaux.
L’affaire de la bande sonore évoquant le paiement de Rs 140 000 à un ministre a connu son dénouement.
À aucun moment je ne me suis senti concerné par cette affaire. Mais comme je suis contre l’utilisation du nom de personnes influentes, dont celui des politiciens, à des fins personnelles, j’ai dénoncé cette bande sonore à la police. Il faut mettre un terme à cette pratique trop courante.
Il n’empêche que vous êtes soulagé…
Définitivement.
Comptez-vous tout de même entamer des poursuites légales contre celui qui vous a porté préjudice ?
Il y a des implications légales, certes. Mais vu qu’il n’a nommé personne dans cette bande sonore, je vais voir quelle est la marche à suivre au niveau du ministère. Si une telle situation devait se reproduire à l’avenir et que le nom de quelqu’un est mentionné, il y aura certainement des poursuites au civil pour diffamation.
Vous disiez à l’express que le ministère est au courant pour les faux agents recruteurs et que la loi prévoit même des sanctions. Comment expliquer alors qu’ils continuent à opérer ?
Normalement, le ministère du Travail émet des permis aux agents recruteurs quand ils ont satisfait certains critères. Ils doivent, par exemple, avoir un bureau et s’acquitter d’une caution de Rs 500 000. La police vérifie le casier judiciaire de la personne et de la compagnie. Et ce n’est qu’après avoir obtenu l’aval du bureau du Premier ministre que le dossier est envoyé au ministère en vue d’être finalisé.
Les faux agents recruteurs, eux, n’ont rien mais ils parviennent à convaincre la personne de retenir leurs services. Et ils savent être convaincants. Les grosses entreprises savent qu’il faut retenir les services d’un agent recruteur accrédité, mais pas les petites. Certains employeurs ne font pas la distinction entre les deux. Cela, alors que le recrutement des travailleurs doit se faire par des professionnels et non des amateurs. À l’étranger, les agences de recrutement sont très professionnelles, mais à Maurice, l’amateurisme tue.
Comment le ministère compte-t-il lutter contre ce problème ?
On vient de l’avant avec une série de mesures. Parmi, l’interdiction du recrutement direct qui est devenu une pratique courante depuis un certain temps. D’autres responsabilités seront attribuées aux agents recruteurs accrédités.
En parallèle, il faut aussi conscientiser les employeurs pour qu’ils passent par des agents recruteurs professionnels.
Effectivement. Comme vous le savez, toute demande pour recruter des travailleurs se fait au ministère du Travail. On est en train de mettre sur pied un comptoir où, dorénavant, tout sera centralisé. Les compagnies qui viendront faire leur demande en vue de recruter des travailleurs étrangers se verront remettre une liste des d’agents et d’agences accrédités. Ils pourront alors faire leur choix.
Vous avez annoncé une révision du système de recrutements des travailleurs étrangers. Qu’est-ce qui va changer ?
Cela concerne principalement les accords entre gouvernements. Si on a des accords avec l’Inde et la Chine, tel n’est pas le cas avec le Bangladesh, le Sri Lanka et Madagascar, qui sont pourtant des pays qui nous fournissent un nombre important de travailleurs. Pour y mettre bon ordre, je compte voir si on peut signer des accords avec ces pays-là.
Où en sont les négociations avec les pays mentionnés ?
J’ai été invité par le gouvernement bangladais mais avant de m’y rendre, je me penche sur les points dont nous allons discuter car il y a plusieurs implications. Les pratiques frauduleuses sont tellement ancrées dans ce pays qu’on ne peut pas juste y aller. Il faut au préalable analyser les choses dans leur globalité.
J’ai aussi demandé à l’ambassade de Maurice en Inde d’entamer des négociations avec le gouvernement népalais. Dès que j’aurai le feu vert, j’irai au Népal pour discuter avec mon homologue. J’envisage la signature d’un Memorandum of Understanding concernant les travailleurs étrangers.
Est-ce que l’accord «governmentto-government» sera aussi étendu à d’autres pays concernés ?
Définitivement. Même si le gros problème demeure le Bangladesh.
Comptez-vous rétablir la «bank guarantee» qui a été enlevée par votre prédécesseur ?
Personnellement, la bank guarantee ne me posait aucun problème. Mais de ce que j’ai compris, les compagnies sont contre cette pratique en raison de la lourdeur administrative. On verra si on va la rétablir. J’ai déjà soulevé la question avec la Mauritius Export Association mais elle n’était pas d’accord. Il y a d’autres organisations. Il faut voir ce que cela va donner.
Certains syndicalistes sont d’avis qu’il est temps que le ministère se rende chez les travailleurs étrangers à leur arrivée à Maurice pour leur parler de leurs droits, dont celui de se syndiquer. Qu’en pensez-vous ?
Tout le monde a le droit de se syndiquer à Maurice. C’est vrai que les travailleurs ne connaissent pas bien leurs droits. C’est la responsabilité de l’employeur car il est le premier point de contact. Il aurait été souhaitable que cela se passe ainsi mais dans la pratique, ce n’est pas le cas. On pourra voir comment sensibiliser les travailleurs.
La proposition des syndicalistes en soi est intéressante. Mais comment cela va se passer concrètement, c’est une autre paire de manches car il y a des travailleurs étrangers qui arrivent à Maurice tous les jours. On ne peut pas déployer un officier quotidiennement. Il nous faudra des effectifs additionnels. Peut-être que les différentes ambassades pourraient informer leurs compatriotes de leurs droits.
Beaucoup de dortoirs laissent à désirer…
Les officiers de la Migrant Unit font des contrôles réguliers pour veiller à ce que les conditions soient respectées. Avant d’émettre le lodging and accommodation permit, on s’assure que les critères soient respectés. Mais parfois, quand des ouvriers sont restés durant plusieurs années, les infrastructures sont endommagées et l’employeur ne les rénove pas. Or, il devrait le faire.
Ensuite, il y a des dortoirs partout. Avec le peu de personnel dont on dispose, les officiers n’arrivent pas à faire des inspections partout. J’envisage de faire comme Dubayy et Singapour où il y a des dortoirs régionalisés aux normes. Cela sera plus facile pour les officiers. Il nous faut aussi du personnel supplémentaire. Au niveau du ministère, cela fait un bout de temps déjà qu’on en a fait la demande. Le ministère des Finances a agréé à notre demande, mais c’est la Public Service Commission qui tarde. Je pense même à une Flying Squad qui sera sur le terrain en permanence.
Le ministère compte offrir des cours aux Mauriciens afin qu’ils trouvent du travail. Et si ce n’était pas une question de manque de formation, mais plutôt le refus des locaux de faire certains métiers ?
Je ne crois pas les employeurs lorsqu’ils disent que les Mauriciens n’ont pas les compétences. Cela ne prend pas beaucoup de temps pour former quelqu’un à devenir machiniste. Pa pé al fer dégré la. Le problème, c’est le salaire. Le Remuneration Order dans le secteur du textile n’a pas été revu depuis des années.
La zone franche figure parmi les secteurs où les employés sont les moins bien payés à Maurice, ce qui décourage les gens. Si les patrons donnent un salaire intéressant et des mesures incitatives, je vous garantis que les Mauriciens s’intéresseront de nouveau à ce secteur. Le National Remuneration Board a émis des recommandations pour que le salaire de base passe de Rs 5 000 à Rs 6 500.
À quand le salaire minimum ?
Le National Wage Consultative Council a presque terminé son travail. On va présenter le projet de loi à la rentrée parlementaire. J’espère que ce chiffre va redonner confiance à des gens pour aller travailler dans les secteurs textile et manufacturier. On importera ainsi moins de travailleurs étrangers car on favorisera l’emploi des Mauriciens.
Et qu’en est-il de l’amendement à la loi du travail ?
Les consultations ont été lancées. Plusieurs syndicalistes ont soumis leurs recommandations. On est en passe de tout finaliser. Le draft bill sera circulé et à partir de là, on prépare le projet de loi qui devrait être présenté d’ici juin.
(Voir aussi notre dossier dans l’express-dimanche du 24 janvier)
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