À voir les projets annoncés, la Chine est partie pour s’installer durablement dans l’économie mauricienne. Si tous les projets de développement devraient aboutir, ce sont plus ou moins Rs 100 milliards qui seront injectées. Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, de passage à Maurice, est d’avis que Port-Louis à une nouvelle carte à jouer.

Dans la sphère diplomatique le discours a évolué. On ne parle plus de «raffermir les relations sinomauriciennes», mais d’accéder à un nouveau «palier» de développement dans un décor «plus global». Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, qui a passé trois jours à Maurice dans le cadre d’une tournée africaine, a exposé la vision chinoise dans cette partie du monde.

«Nous pensons que vu son plan de développement maritime, Maurice tient une place naturelle dans le projet du 21e siècle de La Route de la soie. Nous discutons ensemble de la possibilité de bâtir cette route», a-t-il annoncé, lundi dernier, au terme d’une séance de travail avec son homologue mauricien Étienne Sinatambou.

Avec La Route de la soie, Pékin veut relier l’Asie, l’Afrique et l’Europe, et pour cela, elle doit s’associer à une bonne soixantaine de pays. L’Empire du milieu ne cache pas ses grands desseins géopolitiques.

Mais, pour l’heure, c’est l’Afrique qui est la priorité. La tournée africaine de Wang Yi fait suite au sommet Chine-Afrique en décembre dernier à Johannesbourg. La Chine avait annoncé un plan d’aide de 60 milliards de dollars pour le continent sous forme de prêts. Cette enveloppe va financer non seulement des projets spécifiques, mais aussi des projets d’infrastructures pour mieux connecter les pays africains et développer des réseaux industriels. Bien que loin du mainland.

«Nous allons inclure la coopération Chine-Maurice au plan global africain. Nous avons 10 programmes pour le continent et nous pensons que Maurice jouera un rôle approprié dans cette coopération», espère Wang Yi.

Concrètement cela signifie que la diplomatie chinoise considère Maurice comme une éventuelle base arrière pour ses futures opérations en Afrique.

«DES ACTIONS VONT SUIVRE»

«Nous allons explorer la possibilité de faire de Maurice une plateforme financière pour appuyer et former les hommes d’affaires chinois qui iront en Afrique. La situation linguistique de Maurice pourra aussi nous aider à étendre nos relations avec l’Afrique», explique Wang Yi.

La liste de grands projets chinois annoncés ces derniers mois, de JinFei à Roches-Noires, en passant par Pailles et l’extension du port à Bain-des-Dames (voir encadrés), intègre en partie la nouvelle stratégie économique de la Chine vis-à-vis de Maurice «qui a une situation géographique unique», selon Wang Yi.

En combinant ses investissements, ce sont plus ou moins Rs 100 milliards qui seront injectés à Maurice si les projets se matérialisent durant les prochaines années ou la décennie qui suit.

Pour le chef de la diplomatie mauricienne, Etienne Sinatambou, c’est une «nouvelle dynamique» qui s’installe dans les relations sino-mauriciennes. En présence de son homologue chinois, il s’est dit «confiant que des actions vont suivre pour produire des résultats conséquents.»

En prévision de ces investissements et de l’intention des promoteurs chinois d’utiliser la plateforme financière mauricienne, Bank of China ouvrira son troisième bureau africain à Maurice.

JinFei ressuscité

Graduellement des constructions émergent des terres de Riche-Terre. Une superficie de 175 arpents a été attribuée aux promoteurs chinois Shanxi JinFei Investment. Cette zone économique spéciale fera de la place aux industries légères, à un centre financier et à des espaces résidentiels. Le projet initial, Tianli, devait coûter environ Rs 30 milliards. Les nouveaux promoteurs n’ont pas encore avancé l’enveloppe qui sera nécessaire. Mais vu la qualité des infrastructures qui sont prévues et les acteurs qui envisagent de s’y installer, dont Bank Of China, JinFei pourrait coûter autant sinon plus que le projet initial.

Un vaste jardin chinois à Pailles

Le projet a été baptisé MauritiusYihai Garden. Il bénéficiera, dans sa première phase, d’un investissement de Rs 11 milliards de l’homme d’affaires chinois Li Hai. Les promoteurs veulent créer, sur une zone de 97 hectares à Pailles, un espace commercial et résidentiel en épousant le concept de smart city. Le projet est aussi connu comme la Smart City de Pailles. Il comprendra des villas, un casino, des restaurants et un hôtel. La State Investment Corporation est aussi actionnaire du projet.

Smart City de Roches-Noires

De tous les grands chantiers annoncés, c’est celui qui est le plus ambitieux et le plus coûteux : Rs 44 milliards. La cité intelligente de Roches-Noires comprendra au moins 24 zones réparties en différents hubs. On y trouvera tout ce dont on aura besoin dans une ville, dont des espaces résidentiel, éducatif, commercial et de loisirs. Le principal promoteur est le groupe chinois YIHE, qui s’est enregistré sous le nom de Island Summer Palace à Maurice.

Port de pêche à Bain-des-Dames

Bain-des-Dames sera l’extrémité sud du projet d’expansion du port qui s’étendra des Salines à Baie-du-Tombeau. Cette partie du grand Port-Louis sera construite par le group chinois LHF Marine Development au coût de Rs 3,5 milliards. La Mauritius Ports Authority a alloué 4,5 hectares de terres à Fort William et une concession de 6,35 hectares en mer au promoteur chinois. Celui-ci a prévu deux quais. L’un pour la pêche, le traitement des produits de la mer et le stockage. L’autre, un quai flottant, pour des activités commerciales de vente et de restauration.