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Les cyber-activistes ne se tairont pas !
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Les cyber-activistes ne se tairont pas !
Grande gueule pour certains, les cyber-activistes se disent prêcheurs de vérités et défenseurs de la liberté d’expression. Et leur action est plus que jamais sur le devant de la scène depuis l’arrestation d’un internaute pour un post sur Facebook, Hassenjee Ruhomally la semaine dernière. Qui sont ces cyber-activistes ? Que pensent-ils ?
Dr. Rajah Madhewoo est connu pour sa lutte contre la carte d’identité biométrique, mais également pour ses publications sans concession sur Facebook. Suite à l’arrestation controversée d’Ish Sookun, il pense être le prochain sur la liste.
Mais le risque de se faire arrêter ne l’intimide pas pour autant. Au contraire, il estime que les Mauriciens ne défendent pas suffisamment leurs droits. «Je ne peux pas rester assis les bras croisés !», confie-t-il.Avant d’ajouter que pour sauver la planète, l’on doit pouvoir «défier les dictateurs qui essaient de nous forcer à porter des menottes pour leurs intérêts personnels».
Les menottes, Hassenjee Ruhomally les a portées la semaine dernière pour avoir fait circuler sur Facebook des factures concernant le vice-premier ministre, Showkutally Soodhun. Mais pas question pour cet informaticien de faire profil bas après sa remise en liberté. «Nous vivons dans un pays démocratique, dit-il, mon but n’est pas de mettre le pays à feu et à sang mais je ne fais que poser des questions en tant que citoyen responsable.»
Hassenjee Ruhomally avoue, toutefois, que plusieurs de ses abonnés sur Facebook ont exprimé des craintes depuis son arrestation et refusent de commenter ou de partager ce qu’il publie. Il est d’avis qu’il s’agit-là d’une «semi-dictature», si les internautes ne peuvent s’exprimer contre le gouvernement par peur de représailles.
Alain Bertrand avait lui aussi été arrêté le 12 mars 2013 pour avoir, avait-on dit à l’époque, ridiculisé le quadricolore mauricien. Ce restaurateur et homme politique est devenu l’une des plumes les plus virulentes des réseaux sociaux. Il souligne qu’il ne baissera pas d’un ton malgré les récentes arrestations.
La preuve, pas plus tard qu’hier, il a publié un long monologue contre Showkutally Soodhun. «J’ai ma liberté de pensée et de parole. Toutefois s’exprimer sur Facebook, ne donne pas tous les droits. Je suis un cyber-activiste, j’ai la responsabilité de mener un débat. Je critique et je dénonce tout en restant dans la légalité», souligne Alain Bertrand.
Iam pense lui aussi que le peuple a le devoir de dénoncer ce qui est mauvais. Il est membre d’un groupe de penseurs qui essaient de lutter pour une meilleure société. Pour le jeune homme, l’arrestation d’Hassenjee Ruhomally est simplement «la dernière d’une longue liste d’arrestations arbitraires perpétrées depuis plusieurs années».
«C’est révoltant que la police puisse agir ainsi alors que les crimes continuent à ravager notre société»,dira-t-il. Et Iam affirme qu’il continuera à dire ce qu'il pense et dénoncer ce qu'il appelle «la connerie humaine» même si certains se sentent visés. «Personne n’est aujourd’hui à l’abri d’une arrestation. Alors pourquoi rester tranquille ? C’est le peuple, notre argent, nos votes qui font le gouvernement et, aujourd’hui, les membres de ce même gouvernement se croient tout permis ? »
Si certains continuent à lutter contre le système, d’autres ont déjà jeté l’éponge. Paul Lismore, une plume connue des adeptes des réseaux sociaux, a abandonné la bataille. Cela fait plusieurs années déjà que cet individu faisait des sorties virulentes sur Facebook. De Navin Ramgoolam à Pravind Jugnauth en passant par Paul Bérenger ou encore Dan Baboo, le clavier tranchant de Paul n’a épargné aucune personnalité politique. Pourtant, il a tiré sa révérence dimanche soir, citant l’acharnement de certains à découvrir qui se cache derrière ce faux-compte. Il a toutefois laissé entendre qu’il fera son retour au moment propice.
Bruno Savrimootoo, membre du parlement populaire est, lui, très actif dans la campagne contre la construction d’un hôtel à la Cambuse. Il est l’un des premiers à avoir pris position en faveur d’Ish Sookun. A savoir que la page du Parlement Populaire a été signalée à Facebook après cette prise de position.
Selon Bruno Savrimootoo, c’est le courage qui doit guider les engagés dans la société. «Notre démocratie se perd souvent et il faut avoir du courage pour prendre position sans fléchir. Souvent, on baisse les bras mais il faut défendre nos positions avec courage. Des actes individuels de courage peuvent contribuer à unifier nos forces pour une cause commune», soutient Bruno Savrimootoo.
Débat : qui oriente l’information ?
«Information is power», disent les anglophones. Ceux-ci ont aussi théorisé que «medium is the message» (Mc Luhan). Aujourd’hui, le média préféré sur le plan mondial est incontestablement Facebook, avec plus de 1,5 milliards d’utilisateurs à travers le monde. Maurice n’y échappe pas avec environ 500 000 utilisateurs. Cependant, le réseau social comporte aussi sa part de risques et responsabilités à prendre. Et la récente arrestation controversée du couple Ruhomally, à la suite d’une plainte du ministre Showkutally Soodhun, démontre que les autorités prennent désormais les réseaux sociaux très au sérieux.
«On a commencé à surveiller les messages sur Facebook dans le sillage des événements à relent communal. Récemment, la police avait procédé à plusieurs arrestations dans le cas des lieux de culte qui ont été saccagés. Puis, il y a eu l’événement Daech ou une fois encore des débats séditieux ont lieu»,explique une source autorisée aux Casernes centrales.
Mais s’exprimer sur des sujets d’intérêt national, comme les frais de clinique d’un ministre, et propager des messages séditieux, est-ce la même chose ? «Il faut faire la distinction entre les pyromanes qui sont criminels et qui veulent mettre le pays à feu et à sang et ceux qui veulent s’exprimer librement sur la société», fait-on ressortir dans le milieu légal.
On l’a vu sur le plan international : lors des printemps arabes, les réseaux sociaux ont pris une ampleur phénoménale parce que les médias traditionnels étaient censurés ou tout bonnement mis hors d’état de fonctionner. “When traditional media are cowed, censored or simply shut down, it only takes a cell phone and ten seconds to post text and images on the world wide web. What happened in Tunisia proved to the world that social media and technology can definitely make protests way more effective. Twitter, Facebook and Youtube got thousands into the streets and contributed to toppling decades-long dictatorships”,faisait ressortir Ali, journaliste tunisien qui est actif sur Facebook et Twitter.
Les révolutions en Tunisie et en Egypte ont en revanche braqué les gouvernements d’autres pays comme l’Iran et la Chine qui ont décidé de contrôler les réseaux sociaux au maximum. Ainsi, si ceux-ci permettent aux cyber-activistes de se regrouper et de mettre sur pied des chiens de garde pour veiller à la liberté d’expression, en revanche, les informations qui y sont postées permettent aussi aux autorités de remonter jusqu’aux militants du Net.
La “Twitter Revolution” qui a eu lieu en Iran en 2009 apporte un éclairage intéressant sur comment un gouvernement peut utiliser les tweets et les posts pour intimider ceux qui le critiquent sur le Web. Les autorités iraniennes ont patiemment collecté et trié les messages et ont par la suite arrêté les auteurs. En même temps, elles ont mis sur pied une armée de propagandistes pour contrer les critiques et donner un autre sens aux débats publics.
“In an era when social media proves to be a tool for social change, it is obvious that digital activists will be more and more monitored. Ben Ali and Mubarak did not get it, but others are quickly downloading the lessons and developing the software to protect their regimes”,explique un bloggeur iranien.
La question n’est plus que les réseaux sociaux regorgent d’infos, mais le challenge est : qui et comment orienter les informations diffusées largement ?
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