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Inondations : mauvaises habitudes = très mauvaises répercussions

14 février 2016, 21:30

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Inondations : mauvaises habitudes = très mauvaises répercussions

Comme à l’accoutumée, les critiques fusent après les pluies torrentielles, les inondations et accumulations d’eau. Parmi ceux qui ont bon dos : les autorités, les organismes publics, les voisins, entre autres coupables. Il semblerait en effet que la culture du «pa mwa sa li sa» est bien ancrée dans nos mœurs. Si la nature nous joue parfois de mauvais tours, qu’en est-il de l’incivisme ? De l’urbanisation sauvage ? Du non-respect des lois ? Ne serait-il pas temps de pointer un doigt accusateur vers soi-même et de remettre en question certaines habitudes ? Urbanistes, scientifiques et techniciens nous donnent leur avis.

Drains naturels, obstruction artificielle

S’il y a une manie que l’on note chez certains Mauriciens, c’est sa tendance à vouloir se protéger de l’extérieur, à cloisonner sa propriété. Quitte à obstruer, pour cela, les drains naturels qui permettent à l’eau de s’écouler en cas de fortes averses. Raison pour laquelle des habitants de Fond-du-Sac en ont vu de toutes les couleurs lors des intempéries, mercredi, selon leurs propres dires. Ainsi, lorsque l’eau est parvenue au niveau des champs de canne, elle n’a eu aucun moyen pour ressortir du village car les habitants avaient tous muré leur propriété. Même chose pour le planteur, qui a, lui, tendance à aplanir la terre ou enlever les pierres qui s’y trouvent. Ce faisant, «ils modifient la nature du sol et en même temps rétrécissent ou obstruent les drains naturels pour avoir plus d’espace», déplore Vasant Jogoo, consultant en environnement et urbanisme.

Cours d’eau dénaturés

Obstruer les cours d’eau, comme les rivières, serait également un des passe-temps préférés de certains Mauriciens frappés par l’incivisme. Une pratique condamnable dénoncée par le ministre de l’Environnement, Raj Dayal, avant les intempéries, il y a deux semaines, alors qu’il était à Brisée-Verdière. Des planteurs avaient en effet «bloqué» des ruisseaux pour capter l’eau. D’autre part, bon nombre de gens qui habitent en bordure des rivières ne respectent pas la zone tampon de 16 mètres imposée par la loi. Vasant Jogoo explique que très souvent, cette zone tampon, qui est annexée à la propriété d’une personne, est occupée par des plantations, après l’exercice d’épierrage. Cela a pour effet de dénaturer les lieux. Sans parler du fait que, pour des raisons aussi diverses que variées, pratiquement toutes nos rivières ont été «bétonnées» et dénaturées à certains endroits.

Le déboisement prend racine

Qui dit moins d’arbres et de plantes, dit plus de catastrophes. Pour cause, «la végétation retient l’eau de pluie et diminue le ruissellement permettant ainsi d’éviter des inondations», rappelle Prem Saddul, géomorphologue et ancien patron de la Central Water Authority (CWA). Mais, la plupart du temps, certains Mauriciens préfèrent abattre les arbres car ils font de l’ombre à la maison et ses alentours. Ces précieux végétaux sont ainsi souvent remplacés par de la pelouse ou des arbustes décoratifs.

Saleté de pollution !

Des détritus par-ci, des saletés par-là. Polluer semble être une seconde nature chez certains Mauriciens, affirme d’emblée Prem Saddul. Ruisseaux et canaux sont ainsi devenus de véritables dépotoirs pour certains, selon lui. Et de confier qu’il lui est même arrivé d’enlever des tonnes de débris qui obstruaient un ruisseau sur plusieurs centaines de mètres. «Le problème, c’est que les gens profitent également des grosses crues pour balancer leurs ordures dans les rivières ou les ruisseaux, pensant que l’eau emportera les déchets. Mais où iront-ils ?» Résultat des courses, les déchets s’accumulent plus bas, là où un autre Mauricien a rétréci le ruisseau pour agrandir sa propriété…

 

Mauvais planning

Ils poussent comme de la mauvaise herbe. Maisons, appartements, commerces – pour ne citer qu’eux – obéissent à la loi du «chaos», déplore Vasant Jogoo. À ce propos, «un rapport intitulé National Physical Development Plan avait été commandé par le gouvernement en 2004. Mais les recommandations n’ont jamais été mises en pratique». L’aménagement du territoire se fait donc, dans bien des cas, au petit bonheur, ce qui peut, par la suite, causer bien des malheurs. «Le Mauricien ne sait pas où il faut et où ne faut pas bâtir.»

Pourtant, poursuit l’urbaniste, le pays possède des cartographies de zones sensibles comme les marécages et les zones inondables. Et d’ajouter qu’il s’agit aussi d’une question de bon sens, si l’on ne veut pas que sa maison prenne l’eau. «Construire une habitation en bordure d’une rivière et sur un terrain se situant dans une zone avec une basse ‘cuvette’ n’est pas la meilleure chose à faire. Lors d’inondations, l’eau descendra logiquement vers le point le plus bas.»

Ceux qui seraient tentés de construire leur demeure sur des terrains pentus devraient également y réfléchir à deux fois, renchérit Prem Saddul. «C’est à la mode surtout chez ceux qui sont aisés. La Tourelle du Tamarin, Candos, Chitrakoot, Quatre-Sœurs, comportent tous des habitations construites sur des pentes avec plus de 30° d’inclinaison.» Avec les grosses averses, la terre aura tôt ou tard tendance à glisser, emportant les habitations sur son passage, «surtout que la végétation a été remplacée par du béton, ce qui n’est pas idéal pour retenir le sol».