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Que donnons-nous à manger à nos enfants ? Pesticides : il faut surveiller et punir
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Que donnons-nous à manger à nos enfants ? Pesticides : il faut surveiller et punir
On ne peut continuer avec le système de contrôle actuel, trop mou. Notre enquête a démontré que certains fruits, légumes ont un taux de pesticides supérieur à celui permis par les normes CEE. Il faut donc réglementer, imposer une traçabilité stricte, surveiller et punir les contrevenants, afin d’éliminer ces produits dangereux, tant locaux qu’importés. Voici nos propositions concrètes pour une alimentation plus sûre.
On avait tous, il y a presque une année, une anecdote à raconter, un incident à partager, une rumeur à soupeser, un fait à relayer au sujet des pesticides que l’on pourrait trouver dans ce que l’on mange. Des vomissements inattendus après déjeuner, jusqu’aux tortues qui lèvent le nez de leur verdure, des perruches qui meurent à la suite d’un repas, jusqu’aux cancers reliés aux champs «traités» d’à côté, des planteurs qui – par précaution – ne consommeraient pas les légumes qu’ils vendent mais mangeraient plutôt ceux qu’ils produisent dans un petit jardin «personnel», à la baisse avérée de la fertilité masculine dans certaines zones agricoles… Autant pour ce qui a suscité des questions. Finalement, il était devenu nécessaire de chercher des réponses !
Mais la première question à laquelle on a rapidement été confronté quand on a commencé à chercher des réponses était celle-ci : pourquoi personne ne parle des pesticides présents (ou pas…) dans ce que l’on donne à manger à nos enfants, pourquoi les préposés des ministères sont avares de commentaires, pourquoi les tests du gouvernement ne sont pas disponibles et pourquoi les gens ont généralement peur de ce sujet !
En effet, même les associations de consommateurs ne voulaient pas s’en mêler au motif de ne pas froisser «les autorités» ! On comprenait à demi-mot que c’était un sujet «délicat» et que de ne pas en parler avait au moins le mérite de ne paniquer personne… Y compris les responsables !
Fallait-il, nous aussi, pratiquer l’omerta, nous conformer et nous taire ? Sûrement pas ! On se disait que si en parler comporte évidemment quelques risques comment, en tout état de cause, faire avancer la raison et le «mieux» si l’on doit détourner le regard de ce qui ne marche pas ou pas assez bien ? Pire ! Si l’on se tait aujourd’hui, si les choses vont encore plus mal, ce qui est loin d’être improbable, la pression pour se taire dans le futur va très certainement augmenter avec le temps ! Il fallait donc rompre le silence, rassembler les faits, mobiliser les forces progressistes de circonstance… Faire avancer le dossier.
La question des pesticides dans le domaine de la santé publique nous a aussi engagés à parler de l’eau, tant celle de la CWA que celle que l’on achète en bouteille, de l’abus des fertilisants dans les champs, des résidus d’usines que l’on évacue soit dans les champs (vinasse, produits chimiques divers, cendres…), soit dans les dépotoirs, soit, de temps à autre, dans les rivières. Ce sont des sujets d’importance et il faudra bien y revenir ! Car le bon sens suggère, par exemple, que les pesticides et les fertilisants dont on abuse avec une inconscience grandissante finiront toujours quelque part (terre et nappe phréatique, par exemple), ce qui nous reviendra, finalement, directement dans nos assiettes… ou dans nos verres.
Propositions
Les tests que nous avons demandés à Quantilab (dont nous saluons le professionnalisme et le sens de responsabilité citoyen) sont sans appel : il y a un problème certain et il faut s’en occuper rapidement (voir, pour rappel, Tableaux I et II).
L’objectif, à courte échéance de six mois au maximum, doit être d’éliminer TOTALEMENT les produits dont les Limites maximales de résidus (LMR) de pesticides sont dépassées. Cen’est pas de la rigolade ! Il y a bien une raison pour laquelle des LMR existent. Il faut donc les respecter ! Il n’y a, par ailleurs, aucune logique à tenter d’établir des «normes locales» : nos enfants ne peuvent mieux digérer des restes de pesticides qu’un petit Hollandais ou un jeune Allemand. Pour contrôler les LMR, il faudra,sur la base de suffisamment d’échantillons, des contrôles de laboratoires fiables et compréhensifs sur TOUS les produits que nous importons et que nous produisons localement.Il faudra également installer un système de traçabilité strict qui décourage d’abord et punit lourdement ensuite l’opacité et l’irresponsabilité qui prévalent dans le système actuel.
Que proposons-nous effectivement et que voulons-nous dire par un système de traçabilité strict ? D’abord, posons correctement le problème : avant de punir, il faut évidemment former. Les initiatives qui existent ou qui se mettent en place à cet effet par le ministère de l’Agro-industrie, la Chambre d’agriculture, CropLife… sont capitales. Mais on ne peut continuer avec le système de contrôle mou actuel. Il y a trop d’abus ! Il faut donc réglementer, surveiller et punir les contrevenants.
● Pour la production locale il faut que tout producteur qui souhaite vendre sa production (directement au public ou à un revendeur) ait une licence et que toute vente qui se concrétise désormais se fasse sur présentation de cette licence et sur homologation de cette vente. De plus, il faut que les autorités locales(dans ce cas, le ministère del’Agro industrie) multiplient la récolte d’échantillons chez les vendeurs de fruits et de légumes, qu’elles fassent des tests beaucoup plus compréhensifs que ceux qui sont conduits ces jours-ci** et,qu’en toute transparence,elles publient ses résultats afin de rassurer le grand public et les visiteurs étrangers.
Un tel engagement a d’ailleurs été pris par le ministre Mahen Seeruttun, le 20 janvier, dans l’express. Le ministère devrait avoir le pouvoir (a) de retirer du marché tout ce qui se révèle être au-delà des LMR (pas toujours possible quand les tests de labo prennent plusieurs jours !), mais surtout de (b) sanctionner les producteurs qui auront vendu des produits au-delà des LMR. Pour une première fois, une amende sera infligée et modulée en fonction de la gravité des infractions.
En cas d’infraction subséquente, en sus de l’amende, une batterie de tests sera conduite sur TOUTES ses productions pendant un mois, aux frais du planteur. Finalement, le ministère déciderait purement et simplement du retrait de la licence de production en cas d’infractions répétées, ce retrait pouvant être temporaire, le temps de «rééduquer» le producteur aux pratiques responsables modernes.
En amont de ces mesures punitives, toutes les initiatives de formation et de responsabilisation des planteurs sont bienvenues («smart» agriculture, CropLife, etc.), les productions pouvant être certifiées par différents labels, en compétition les uns avec les autres, ce qui devrait les tenir en éveil constant, au bénéfice des consommateurs. Les labels qui, théoriquement, peuvent exiger une prime de prix en contrepartie de leur certification seront, en revanche, sanctionnés par la publication de leur nom dans chaque cas avéré de non-respect des normes.
● Pour les produits d’importation, il n’y a que très peu de contrôle à ce stade, ce qui constitue une effrayante porte ouverte pour les pays producteurs n’ayant que peu ou pas de normes dans l’alimentaire, afin d’utiliser Maurice comme déversoir. Cela est déjà démontré par le Tableau II. Il faut donc, désormais, que chaque importation de nature alimentaire nous arrive avec une certification reconnue (style norme CEE agréée). De plus, nos importations doivent être soumises à des tests occasionnels, sur base d’échantillons,avec pénalités étudiées, comme ci-dessus,à chaque fois que des LMR sont dépassées ou que des «cocktails» trop inquiétants sont repérés. La publication, officielle, des articles non conformes est sûrement au désavantage de l’importateur, mais clairement à l’avantage du consommateur ! D’autant que ces mesures toucheront l’importateur irresponsable seulement.
En passant, aucune autorité du pays, malgré notre invitation, n’a souhaité nous contacter pour connaître les produits importés identifiés «hors normes» dans notre article du 25 janvier… Ce qui est passablement inquiétant !
Nous avons, au cours de ces dernières semaines, discuté avec beaucoup de monde et le consensus général est que le sujet est grave et que quelque chose doit être impérativement fait. Nous avons délibérément choisi, à ce stade, de n’épingler personne, de ne blâmer quiconque en invitant plutôt à une prise de conscience de tous : autorités ministérielles, planteurs, importateurs, revendeurs de pesticides, commerçants et consommateurs, afin que nous puissions améliorer l’ordinaire, qui n’est pas beau à voir et qui ne peut perdurer.
À ce titre, l’express restera vigilant et exigera des résultats là où des promesses ont été faites et où des résultats et des progrès sont nécessaires. La Sentinelle sera de garde. Nous poursuivrons ainsi nos enquêtes et nous renouvellerons périodiquement nos tests, à chaque fois que nous pourrons encore nous le permettre. Après tout, ce n’est pas une mince affaire : il y va de ce que nous donnons à manger à nos enfants !
**Au titre des tests, nous rappelons que ceux que nous avons commandités à Quantilab ont recherché 250 molécules actives différentes de pesticides volatils et 200 molécules actives différentes de pesticides non volatils. Nous nous sommes laissé dire que les laboratoires du gouvernement ne sont équipés, au mieux, que pour le dixième de ces chiffres.
Qualité de l’eau : propre et limpide...
Nous avons tenté de savoir si l’eau dite potable fournie aux abonnés mauriciens et l’eau de table embouteillée étaient dépourvues de pesticides dépassant les Limites maximales de résidus. Après un tour de la place, elle serait apparemment propre et limpide.
Le plus grand fournisseur d’eau potable est la Central Water Authority qui dessert environ 360 000 abonnés. Après plusieurs appels, voici ce que le Senior Scientific Officer nous a fait parvenir par mél : «Les résultats des analyses effectuées entre 2013 et 2015 sur les étendues d’eau de surface ont révélé que des résidus de pesticides testés n’ont pas été détectés dans la plupart des échantillons d’eau brute, excepté pour quelques endroits où le niveau obtenu était en dessous des limites autorisées pour les normes d’eau potable comme prescrit par l’United States Environmental Protection Agency et les Canadian Guidelines for Drinking Water Quality.»
Le ministère de la Santé, l’enforcing agency pour l’eau potable à Maurice,effectue le monitorage de la qualité de l’eau dans le système de distribution sur une base régulière. «Jusqu’à récemment, il n’y a eu aucune plainte concernant la présence de pesticides dans le système de distribution d’eau.»
Eau Val Ltée, qui commercialise la marque Valspring, puise son eau «dans une zone protégée des risques de pollution». À la question de savoir comment cette eau est traitée, nous avons eu comme réponse de Cyril Palan, directeur de Logos Publicité, qui représente l’entreprise : «par filtration». Nous n’en saurons pas plus.
Par rapport aux tests effectués sur cette eau, il a souligné que des «tests physiques et chimiques sont effectués à travers la CWA sur de l’eau brute sur une base mensuelle. Des tests microbiologiques sont effectués à travers des échantillons de tous les lots produits et également à différents points de contrôle selon le Critical Control Point System en place à l’interne. Des échantillons d’eau embouteillée sont également envoyés sur une base mensuelle au laboratoire du gouvernement à Candos pour une analyse microbiologique officielle. Des échantillons d’eau embouteillée sont pris au hasard et soumis aux fonctionnaires de la Santé qui font des visites mensuelles. Une analyse microbiologique, physique, chimique complète est faite aussi bien sur l’eau brute qu’embouteillée une fois l’an par un laboratoire certifié (...)».
Analyses au hasard
Les deux embouteilleurs à avoir essayé de jouer franc jeu ont été Quality Beverages Ltd (QBL) et Phoenix Bev. Leena Sauhye, Quality Assurance Manager à Quality Beverages, s’est présentée avec un épais dossier. L’entreprise pompe l’eau de deux nappes phréatiques qui prennent leur source du plateau central. Cette eau est traitée à l’ozone puis filtrée à travers des filtres à sable et à charbon. QBL dispose de son propre laboratoire certifié HACCP et ISO 22000 où des analyses quotidiennes de cette eau traitée sont effectuées en vue d’y déceler d’éventuelles traces de salmonelle, bactéries coliformes, germes et autres spores pour ne citer que ceux-là. En sus, deux fois l’an, Pepsi International effectue des prélèvements de boissons gazeuses et d’eau au hasard pour des analyses complètes.
De son côté, la direction de QBL envoie des prélèvements deux fois l’an à Eurofins en France, pour des analyses identiques. Les derniers tests effectués en 2015 étaient limpides. Leena Sauhye ajoute que le ministère de la Santé effectue aussi des tests surprises sur l’eau.
À Phoenix Bev (PB), Yanessa Hurree et Rajiv Ramburn, respectivement Quality Assurance Manager et Process Coordinator, expliquent que PB puise son eau de la nappe aquifère de Curepipe : Curepipe-Vacoas-Flic-en-Flac. L’eau entrant dans la composition des boissons gazeuses est traitée différemment de l’eau de table plate et gazeuse. Celle destinée aux boissons gazeuses est chlorée d’abord puis nano-filtrée en continu. L’eau qui sera embouteillée comme eau de table plate et gazeuse est aussi chlorée et nano-filtrée mais de plus, elle est traitée en osmose inversée.Des processus qui la purifient d’éventuelles impuretés, micro-organismes, résidus de pesticides et autres toxiques.
Ces différentes étapes sont testées chaque demi-heure par le propre laboratoire d’analyse de PB, qui est en cours de demande en vue d’obtenir la norme ISO 17025. L’unité de production est certifiée selon la norme Food Safety System Certification 22000 depuis 2011, auditée annuellement par la Société Générale de Surveillance (Mauritius) Ltd.
L’usine se conforme aussi au Food Act de 1998 et aux Food Regulations de 1999. De son côté, The CocaColaCompany sous-traite annuellement avec l’Africa Technical Centre, laboratoire sud-africain accrédité, pour qu’il effectue des analyses complètes microbiologiques,physico-chimiques et toxiques sur ses prélèvements d’eau.Les derniers tests ont été effectués en mars 2015 et aucun résidu de pesticide n’y a été trouvé.
L’usine de Phoenix est aussi auditée annuellement par la Global Audit Organisation d’Afrique du Sud et le dernier audit réalisé en octobre 2015 était sans tache. En sus de ces différentes analyses, le ministère de la Santé effectue des analyses au hasard sur les produits finis.
Il n’est pas étonnant que tous nos interlocuteurs aient fait l’impasse sur les Drinking Water Standards de l’Environment Protection Act de 1999 car n’y figurent que les normes pour six pesticides dont le fameux DDT, interdit à l’échelle mondiale sous la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants dont Maurice est signataire…
La parution de ce volet de notre dossier était prévue pour il y a une dizaine de jours. Ce qui aurait dû être un exercice de collecte d’informations facile s’est avéré une galère. Nous avons littéralement navigué… entre frilosité et coopération. Retrouvez la totalité de ce dossier sur l’eau et les difficultés rencontrées sur lexpress.mu
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