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Romeela Mohee, vice-chancelière de l’université de Maurice «Je n’ai favorisé personne»

24 février 2016, 08:16

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Romeela Mohee, vice-chancelière de l’université de Maurice «Je n’ai favorisé personne»

Ces derniers jours, plusieurs polémiques secouent l’université de Maurice (UoM). Des enquêtes de l’Independent Commission against Corruption (ICAC), des «Attendants» qui sollicitent l’intervention de proches du pouvoir, la situation financière dans le rouge ou encore des fraudes… «Ce sont des attaques personnelles», rétorque la vice-chancelière Romeela Mohee.

Cela fait deux ans et demi que vous êtes à la tête de l’UoM. Votre nomination avait causé des remous. L’actuelle présidente de la République, Ameenah Gurib- Fakim, avait porté l’affaire devant l’Equal Opportunities Commission. Vos relations avec elle se sont-elles améliorées depuis ?

Ameenah a toujours été mon amie. Malgré ma nomination, nous avons gardé d’excellentes relations. Nous avons postulé pour le même poste et pour des raisons propres à elle, elle est allée à l’Equal Opportunities Commission. Elle a perdu son cas.

Mais cette affaire n’a jamais pris une tournure personnelle. D’ailleurs, l’année dernière, l’UoM avait organisé une grande fonction en son honneur. Même si nous ne nous voyons pas souvent, nous sommes toujours amies.

Peu de temps après votre nomination en 2013, vous étiez au centre d’une affaire de plagiat…

Vous savez, il y avait 27 candidatures au poste de vice-chancelier, il y avait des gens qui voulaient vraiment cette place. Deux ou trois mois après, il y a cet incident de plagiat et nous avons tout démenti.

À travers le monde et même à Maurice (NdlR : elle montre des documents), dans des publications de Reviews of Papers, cela se fait. Le papier dont on parle avait été écrit par mon élève, deux ou trois phrases avaient été citées verbatim avec la référence à côté.

Ce n’est pas du plagiat, (elle montre des extraits d’articles d’auteurs américains, indiens entre autres et locaux qui ont adopté la même méthode) dans certainsde ces papiers mentionnés, ce n’est mêmepas référencé. Les publishers utilisent un logicielqui s’appelle Cross Check. Si c’est du plagiat celase sait et l’article n’est pas publié. À Maurice, onn’a rien compris. C’était vraiment un complot.

L’ICAC enquête sur plusieurs dossiers en ce moment à l’UoM. L’un d’eux concerne l’allocation d’un étage à EON Reality au bâtiment de l’UoM à Ébène. Votre époux est le directeur général de State Informatics Limited (SIL), qui a investi dans EON Reality. Expliquez-nous.

D’abord il faut que vous sachiez qu’en 2014, EON Reality m’a contactée dans le cadre d’un Knowledge Hub qu’ils voulaient lancer en Afrique du Sud. J’étais emballée car ce projet s’aligne sur le Strategic Plan de l’UoM. Quelques semaines après, EON Reality est venue à Maurice et un Memorandum of Understanding a été signé à la fin de 2014. L’UoM est devenue un partenaire académique. En février 2015, Mauritius Telecom a décidé d’investir et SIL, où travaille mon époux est devenue un technology partner. Dès que SIL est devenue partenaire, à chaque fois qu’il y a eu des discussions sur le sujet, I declared interest, j’ai quitté la pièce.

En même temps, en 2014, EON Reality a décidé de louer un bâtiment. L’UoM est un partenaire académique et nous avions de l’espace dans notre bâtiment à Ébène. EON Reality a adressé une demande pour la location d’un étage. Je ne suis pas concernée par de telles demandes, elle a procédé par les filières normales. Et je précise que j’ai tout le temps declared interest, c’est écrit noir sur blanc et ça, je peux le prouver.

Autre polémique, qui fait également l’objet d’une enquête de l’ICAC, le cas des trois chargés de cours qui ont travaillé dans une autre université. Certains pensent que vous les avez favorisés…

Depuis des années, des chargés de cours donnent des cours à l’extérieur. C’est autorisé, les critères sont clairs et il faut l’autorisation en écrit du vice-chancelier. Environ un tiers du salaire perçu revient à l’UoM.

 

En janvier 2014, trois chargés de cours viennent me voir. Ils me disent qu’ils ont été approchés par Amity pour enseigner et qu’ils me donneront le contrat dès qu’ils l’obtiendront. D’habitude, j’écris «approved as per consultancy guidelines» (elle montre des documents avec cette mention) sur ce genre de demandes. Mais cette fois-ci, ils m’ont dit «Please Note» et j’ai écrit «noted». J’attendais toujours le contrat.

En octobre 2015, lors d’une discussion au conseil, l’on a fait circuler une liste avec les noms des chargés de cours qui enseignent à l’extérieur de l’UoM. Je me suis souvenue que je n’ai pas vu les noms des trois chargés de cours. De bonne foi, j’ai cherché ces lettres et je les ai remises à la filière normale.

Vous dites que vous avez écrit «noted». L’University of Mauritius Academic Staff Union, elle, insiste que vous avez donné l’autorisation. Qui dit vrai ?

Je le certifie, j’ai écrit «noted», ce qui n’est pas la même chose que de donner l’autorisation. Quand j’autorise une demande, j’écris «approved». Je le maintiens, en janvier 2014, j’ai uniquement pris note de la demande des trois chargés de cours. Je n’ai favorisé personne.

Le transfert des Attendants a fait grand bruit, surtout lorsque l’un d’eux est allé voir des proches du pouvoir. Y a-t-il des ingérences politiques à l’UoM ?

Non, il n’y a pas d’ingérence quelconque à l’UoM. L’année dernière, nous avons signé le Magna Carta, qui certifie l’autonomie de l’institution. S’il y a des gens qui vont solliciter des politiciens, ça nous ne pouvons pas l’empêcher.

Les opérations ont été décentralisées à l’UoM. Pourquoi alors êtes-vous intervenue dans le cadre des transferts ?

Je le précise, je n’ai jamais stoppé le transfert. J’ai uniquement demandé où on en était avec le Transfer Policy. Il y a eu des représentations d’une dizaine d’employés à mon bureau, le transfert n’avait pas été effectué sur des bases bien définies. Ce n’était pas clair. J’ai demandé que l’on crée le Transfer Policy ; lorsqu’il sera approuvé par le conseil jeudi, l’exercice de transfert aura alors lieu pour tous les employés sur une même base.

Venons-en aux sommes que perçoivent certains employés en termes d’heures supplémentaires. Certains toucheraient le double de leurs salaires. N’y a-t-il pas d’abus ?

Des abus, peut-être qu’il y en a dans certains cas. Mais il faut bien situer le contexte. Certains jobs ne peuvent se faire que les dimanches ou la nuit, comme la vidange des septic tanks. De toutes les façons, nous sommes en train de revoir le fonctionnement du paiement des heures supplémentaires.

L’University of Mauritius Staff Union (USU) réclame, je cite, «votre tête». Le président insiste que vos décisions ne sont pas en faveur des employés non académiques. Quel est le problème ?

Ce n’est pas vrai ; 99 % des employés non académiques sont de bonne foi. Ils sont prêts à travailler pour la chose la plus importante : le bienêtre des étudiants. La perception selon laquelle je ne prends pas de décision en leur faveur est complètement fausse.

À mon avis, le problème est parti du projet de réduire les heures supplémentaires. Le samedi 4 juillet 2015, je suis allée en mission en Côte d’Ivoire. Le mercredi suivant, un sous-comité du conseil travaille sur un plan pour réduire les heures supplémentaires et le jeudi 9 juillet, la pro-vicechancelière Planning and Resources envoie un mail à tous les chefs de département leur disant qu’il faut réduire les heures supplémentaires à zéro avec effet immédiat. Cela crée une vive polémique, l’USU réclame ma tête alors que je n’étais même pas à Maurice ! Je ne suis rentrée que le 12 juillet.

Selon moi, ce sont des attaques personnelles. On a même fait croire que j’ai diminué les heures de pause déjeuner alors que je n’ai jamais pris cette décision. Énormément de mensonges circulent à mon sujet, une poignée de personnes sont derrière. Selon moi, c’est parce que j’ai stoppé des abus comme la fraude qui a eu lieu de 2008 à 2013. Cela dérange des gens.

Les comptes de l’UoM affichent un déficit budgétaire de plus de Rs 50 millions. Comment en est-on arrivé là ?

Nous recevons Rs 500 millions du gouvernement alors que Rs 400 millions sont générées par nous. Les recommandations du Pay Research Bureau (PRB) de 2013 ont fait pencher la balance. Et puis, nous n’avons pas augmenté les frais universitaires depuis trois années alors que nous avons dû investir dans de nouveaux projets tels que la Faculty of Ocean Studies.

Pourquoi ne peut-on pas augmenter les frais et comment redresser la situation ?

La décision d’augmenter ou pas les frais sera prise au niveau du conseil d’administration. Vous savez, il y a aussi au conseil des étudiants qui confient que revoir à la hausse les frais est dur pour eux. Nous sommes une université nationale, nous voulons nous assurer que tous les étudiants ont accès à l’enseignement supérieur.

Nous essayons de faire des propositions à des agences externes pour générer de l’argent à travers des travaux de recherches. Et puis, nous sommes en discussion avec la Tertiary Education Commission pour obtenir un grant additionnel.