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Suresh Hurry: «Si l’environnement se détériore, les économies risquent de tomber en panne»

24 février 2016, 14:30

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Suresh Hurry: «Si l’environnement se détériore, les économies risquent de tomber en panne»

Depuis le début des années 90, Suresh Hurry, directeur d’IT Power US, est impliqué au sein des initiatives des Nations unies pour la lutte contre les effets du changement climatique. Il tire la sonnette d’alarme sur les risques encourus si on ne rebondit pas face aux dangers de ce phénomène.

En tant que consultant pour la société américaine MWH, vous avez participé aux travaux de la Conférence de Paris de 2015 sur le climat (COP21) Quelle a été la nature de votre contribution?

J’ai été appelé à faire partie d’une mission composée de quatre consultants pour aider Maurice à préparer sa feuille de route en ce qui concerne la contribution du pays dans la lutte contre le changement climatique pour la période 2020-2030.

Maurice a pris l’engagement de réduire de 30% son taux d’émission de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Un tel engagement a-t-il sa raison d’être sur le plan économique?

La COP21 a mis tout le monde d’accord sur un point. Il s’agit des liens directs entre l’économie et l’environnement. Il n’est nul besoin de souligner que les activités économiques ont un impact sur l’environnement, et les signes résultant de l’effet des activités humaines sont nombreux. Les nations ont pris l’engagement de rebondir. Petits et grands se doivent d’agir car la situation environnementale se détériore, tout le monde en souffrira.

Et les petits pays, comme Maurice, souffriront davantage. Les économies risquent de tomber en panne. Or, le développement économique et la protection et la conservation de l’environnement doivent aller de pair. La contribution de Maurice pour ce qui est de l’émission de gaz à effet de serre est certes négligeable si on la compare à celle d’autres pays.

Mais Maurice ne pouvait pas rater l’occasion de montrer sa volonté de lutter contre les effets du changement climatique.

Et d’en payer le prix…

Pas tout à fait, si on entend par cela l’injection de capitaux propres en vue d’honorer les obligations prises en décembre lors de la COP21. Il n’est pas interdit d’imaginer que les pays développés ont une grosse part de responsabilité dans l’émergence du changement climatique.

Il faut, en même temps, reconnaître que les pays du G20 ont institué une cagnotte dont le but consiste à venir en aide aux pays pauvres, qui sont d’ailleurs les plus vulnérables aux conséquences des changements climatiques.

C’est dans ce contexte que le Fonds vert pour le climat a été créé en 2009 à Copenhague, au Danemark. L’objectif des initiateurs de ce fonds est de recueillir, d’ici à 2020, une somme de quelque 100 milliards de dollars américains par an.

Maurice peut-il accéder à ce fonds pour financier les investissements qu’il se propose d’effectuer en vue de concrétiser les engagements pris à la COP21?

Exact. Les engagements pris s’inscrivent dans deux axes. D’abord, il s’agit de mettre en place toutes les mesures que le pays juge nécessaires pour atténuer les effets des changements climatiques et pour honorer ses engagements concernant la réduction du taux de ses émissions de gaz à effet de serre.

Puis, il y a les stratégies à mettre en place pour compenser les sacrifices consentis dans le cadre de ces mêmes engagements. Par exemple, la décision de limiter la dépendance aux énergies produites à partir des hydrocarbures a certainement un impact direct sur l’économie nationale. Le recours à des énergies plus respectueuses de l’environnement entraînerait des coûts.

C’est ainsi que Maurice a évalué l’implication financière des engagements pris lors de la COP21 à quelque 5,5 milliards de dollars américains.

Malgré les effets d’annonce de la COP21 et la prédisposition des membres du G20 à créer ce Fonds vert, croyez-vous que les enjeux économiques céderont face à la cause environnementale?

Il est sans doute un peu trop tôt pour tirer des conclusions. Il ne faut pas non plus faire des procès d’intention.

Les partis présents à Paris en 2015 ont un an à compter du 22 avril prochain pour ratifier leurs engagements. La mise en place de ceux-ci aura peut-être des implications économiques dont on a du mal à cerner la pertinence aujourd’hui.

La croissance économique de bien des pays repose, dans une large mesure, sur un modèle qui ne tient pas toujours compte de la nécessité de protéger et de conserver l’environnement. Donc un changement de posture risque de provoquer des problèmes structuraux que certains pourront être réticents à assumer et à gérer à court, moyen ou long termes.

Les liens entre les économies et l’environnement sont tels que le processus visant à une réduction de l’émission de gaz à effet de serre risque d’être long.

Qu’à cela ne tienne, la COP21 a quand même permis d’arriver au consensus suivant : il est indispensable de contribuer à l’atténuation des effets du changement climatique.

Grâce au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), vous avez côtoyé les économies de pays en proie aux effets du changement climatique. Quelle est la situation qui vous a le plus marqué?

Le phénomène de la sécheresse touche toute la région de l’Afrique australe. Le Lesotho, qui en fait partie et que je viens de visiter, est en situation de catastrophe naturelle. De toute évidence, la vulnérabilité de la population sera accentuée. Comment assurer la croissance économique d’un tel pays lorsqu’une partie de sa population est menacée par un risque de famine?

Aussi, prenons le cas des îles Fidji. Elles ont été littéralement mises à genoux par les vents et les rafales associés au cyclone Winston. Les services météorologiques locaux indiquent que des vents de 220 kilomètres/heure et des rafales de 315 kilomètres/heure ont été enregistrés.

Si on parvient à établir des liens de cause à effet avec les changements climatiques, il y aura de quoi s’inquiéter au cas où les engagements pris à Paris sont ignorés.

Quelle a été votre contribution directe aux initiatives effectuées à Maurice pour la lutte contre les effets du changement climatique?

La COP21 en 2015 est, en quelque sorte, l’aboutissement des échanges qui ont eu lieu depuis le début des années 90. C’est durant cette même période que le Fonds pour l’environnement mondial, aussi connu comme le Global Environment Facility, le GEF, a été créé.

L’objectif de ce fonds a été d’accorder des subsides pour la réalisation de projets associés, entre autres, à la biodiversité, à la lutte contre les effets du réchauffement climatique et contre la réduction de la couche d’ozone.J’ai été impliqué comme team leader pour la mise en place du Small Scale Distribution System. Il y a également eu le projet de production d’énergie éolienne à Grand-Bassin, initiative placée sous la supervision des services météorologiques. Ce projet a été réalisé avec l’aide du PNUD.

Au début des années 80, je m’étais rendu à Rodrigues dans le cadre de l’installation d’un système de distribution d’eau aux résidents du village d’Anse Quitor, grâce aux éoliennes.

Le progrès réalisé par Maurice dans le domaine de la production d’énergie verte n’a pas été négligeable.