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Chef inspecteur Bhojesh Domun: «Il ne faut pas nous comparer aux acteurs des Experts»

7 mars 2016, 21:15

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Chef inspecteur Bhojesh Domun: «Il ne faut pas nous comparer aux acteurs des Experts»

Les éléments du Scene of Crime Office (SOCO) sont là pour passer au peigne fin chaque centimètre carré à la recherche de tout précieux indice pouvant conduire à l’identification des criminels.

Que contient la mallette du SOCO ?
Nous avons des brosses à empreintes, différents types de poudre permettant de détecter des empreintes, des gants, un plumeau, une loupe, des pinceaux, des étuis et enveloppes spéciaux dans lesquels nous emballons les indices avant de les étiqueter. Tout ce que nous recueillons de sec, nous le scellons sur place. Si un item est humide, nous le ramenons au bureau où nous le faisons sécher avec un séchoir spécial.

C’est tout ?
Quand nous nous rendons sur une scène de crime, de vol, d’incendie et autre, nous avons dans notre véhicule des combinaisons, des gants, des masques, des surchaussures, des tripodes pour pouvoir prendre des photos en gros plan, des torches spéciales, des plaques de marche pour ne pas marcher n’importe où. Tout est stérilisé avant utilisation sur une scène de crime.

Êtes-vous bien équipés ?
Maurice n’a que 48 ans d’indépendance. Nous ne pouvons, du jour au lendemain, nous mettre au même niveau que les Européens. Un exemple, ce n’est qu’en 2009 que la loi sur le test ADN (acide désoxyribonucléique, NdlR) a été promulguée à Maurice alors que la technologie existe depuis 50 ans. Et ce n’est qu’en 2011 que nous avons mis en place notre unité ADN qui est basée au Central Criminal Investigation Department, avec une équipe affectée dans chaque district. 

Nous évoluons mais avec le temps que ça prend. Il ne faut pas nous comparer aux agents des séries télé telles que Les Experts. En réalité, cela ne se passe pas comme ça. C’est juste pour le show.

Des équipements que vous auriez souhaité avoir ?
Le Low Copy Number DNA testing pour de meilleurs résultats. Nous espérons aussi que bientôt la police n’aura plus à compter sur des laboratoires étrangers pour effectuer des tests plus avancés qui nous coûtent au moins Rs 1 million. Et que le SOCO aura enfin son bâtiment spécialisé.

Votre banque d’ADN compte combien d’échantillons à ce jour ?
Plusieurs milliers. C’est tout ce que je peux dire car c’est une information confidentielle. Ces échantillons d’ADN proviennent de la salive prélevée avec le consentement de toute personne arrêtée après avoir commis une offense passible d’un emprisonnement, comme prévu par la loi. Ils sont stockés au Forensic Science Laboratory (FSL).

Que se passe-t-il si la personne arrêtée n’est pas consentante ?
C’est la cour qui tranche.

À quand remonte votre dernière formation ? Qui l’a dispensée ?
Chaque année, nous avons des Refresher courses lors desquels les membres du SOCO qui ont été formés à l’étranger viennent nous inculquer ce qu’ils ont appris. Récemment, un de nos membres est parti aux Seychelles pour une formation anti-piraterie dispensée par des Américains. Un autre était en Inde pour un cours sur les dernières technologies concernant les empreintes.

Combien d’effectifs compte votre unité ?
Le SOCO comprend une équipe de 80 photographes, d’une trentaine de Scene of crime examiners et d’une trentaine de dessinateurs qui sont chargés de recréer la scène de crime. Ce sont tous des policiers à la base.

Outre de proposer un service 24/7 à travers l’île, le SOCO a aussi une vingtaine d’effectifs qui doivent se présenter en cour chaque jour pour des cas précédents. Des fois, un expert du FSL nous accompagne sur un lieu de crime ou d’accident. Cela peut être un expert balistique, scientifique ou autre. Chaque jour, le SOCO traite quelques 20-25 cas.

Quels sont les critères pour devenir membre de la police scientifique ?
Le policier doit avoir au moins cinq ans d’expérience, connaître le travail de terrain et les rouages d’une enquête. Il doit aussi avoir étudié la biologie et la chimie, être une personne sur laquelle on peut compter et qui détient un bon track record. La sélection est faite par le bureau du commissaire de police.

À quand remonte le dernier recrutement ?
2012. Sur une cinquantaine de postulants, 12 avaient été confirmés. Actuellement, nous procédons à un nouvel exercice. Nous recruterons 25 personnes pour travailler à Flacq.

Le personnel bénéficie-t-il d’un suivi psychologique?
Oui, je l’ai introduit quand j’ai pris la responsabilité du SOCO. Je me suis dit que chaque jour les limiers vont sur des scènes de crime où ils voient du sang, des cadavres, des pendaisons qui peuvent les affecter à la longue. Au moins une fois par an, nous faisons un appel à un psychologue durant nos formations.

Combien de membres du SOCO ont fini par abandonner le travail ?
Personne. Sauf ceux qui se sont vus offrir des opportunités pour aller travailler à l’étranger. Six de nos agents sont partis travailler au Canada.

Les membres du SOCO sont-ils tous basés aux Casernes centrales ?
En tant que responsable, je suis le seul à être basé au CCID d’où je coordonne toutes les activités. Le SOCO a trois bases d’opération avec chacune un inspecteur à sa tête : à Piton pour couvrir le Nord et l’Est, à Curepipe pour le Sud et à Rose-Hill pour la Western Division. Cette année, nous ouvrons une antenne à Flacq et nous aurons incessamment trois véhicules spécialisés.

Combien de temps après la découverte d’un cas devez-vous être présents sur le lieu ?
Dans la demi-heure qui suit. Ce qui n’est pas évident des fois car c’est la même équipe qui est sur une scène de crime, de vol ou autre à Grand-Baie qui doit se rendre à Quatre-Soeurs puisque ça tombe sous sa division. C’est ce qui explique le retard du SOCO sur une scène de crime. Il nous arrive également de solliciter le soutien d’autres équipes.

Votre travail dure combien de temps ?
Au moins deux jours pour un examen de qualité. C’est la raison pour laquelle on revient souvent sur le lieu après les funérailles. Entre-temps la scène du crime est quadrillée avec un sentry pour veiller à ce que personne n’y accède. Dans bien des cas, le SOCO pose aussi des scellés avant de revenir les enlever le lendemain.

Combien de temps après vos prélèvements a-t-on les résultats des tests?
Pour les empreintes, c’est dans les minutes qui suivent. Quand aux tests ADN au FSL, ça prend trois mois. Pour un cas majeur, c’est un mois.

Combien de fois les preuves et prélèvements collectés par les membres du SOCO sur une scène de crime ont permis d’élucider une affaire ?
À Maurice, 95 % des cas d’homicides sont élucidés. La contribution de la police scientifique est énorme. La police ne peut frapper un suspect, ni même le toucher maintenant. Celui-ci a aussi son droit au silence. Comment élucider une affaire à partir de là ?

D’où l’importance des preuves scientifiques – votre sang, vos cheveux sur place, le liquide biologique comme du sperme sur la victime ou ses vêtements dans des cas sexuels, toute particule sur votre vêtement, votre ADN, vos empreintes. Dans plusieurs cas d’homicides, les tests ADN se sont révélés des preuves contre l’accusé. Comme pour le double meurtre à Lallmatie où l’on a pu collecter des preuves même si l’auteur du crime avait déjà nettoyé le sang.

L’année dernière, 150 cas de vols ont été élucidés grâce aux empreintes collectées sur les lieux du vol. Il y a aussi d’autres affaires dont on ne peut parler pour le moment car leurs procès n’ont pas encore démarré en cour.