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Patrick Bouchard, ingénieur conseil et expert en qualité du ciment : «Payer un peu plus cher pour une durabilité de vie plus importante de l’ouvrage
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Patrick Bouchard, ingénieur conseil et expert en qualité du ciment : «Payer un peu plus cher pour une durabilité de vie plus importante de l’ouvrage
Patrick Bouchard a suivi l’évolution du ciment dans le secteur de la construction, tant à Maurice qu’à La Réunion. Il est partisan de l’approche qui associe un ouvrage à l’utilisation qu’on en fera. De retour en France, il continuera sa mission d’assistance technique, de conseil et d’expertise auprès de Kolos.
Le ciment, et par extension le béton, ne peut échapper aux exigences entourant une approche calquée sur un modèle de développement durable. Quelle est la place du ciment dans cette équation ?
Pour le ciment, la question de consommation d’énergie se pose effectivement dans le cadre d’un modèle de développement durable. Si on ne tient compte que de la partie construction d’un projet, le béton se situe dans le cadre d’une phase de détérioration de l’environnement. Car sa production nécessite une consommation importante d’énergie.
Cela dit, le béton est un matériau qui a une durabilité très importante. Si on examine le ratio entre la construction d’un ouvrage et son utilité, il n’y a que 10 % de la consommation de l’énergie par rapport à la construction et 90 % à l’utilisation. C’est relatif. Plus on construit durablement, plus ce ratio va diminuer.
Vous êtes associé au monde du ciment depuis une quarantaine d’années. Avezvous noté une évolution par rapport à la nature même de la place que le ciment occupe dans des projets de construction ?
Certainement. Elle s’est manifestée par une volonté à mieux cadrer un projet, où le recours au béton est inévitable, dans son environnement. Elle a également consisté à bien définir la durée de vie de l’ouvrage, chose qui est entrée dans les moeurs.
Il faut que les gens comprennent qu’il vaut mieux payer un peu plus cher si on veut obtenir une durabilité de vie plus importante de l’ouvrage. C’est le prix à payer pour avoir un ouvrage qui ne nécessitera pas de réparations quatre ou cinq ans après sa livraison.
Le développement immobilier de Maurice a ceci de particulier : des espaces couverts de verdure hier ont cédé la place à du béton. Y a-t-il une alternative au ciment et par extension au béton?
90 % des constructions ont été conçues pour être faites dans du ciment. Les 10 % restantes concernent les autres types de matériaux. Il faut reconnaître que le béton contient pas mal de propriétés, que ce soit sur les plans acoustique, thermique, phonique ou encore en termes de durabilité de vie du projet.
Si on devait opter pour du bois, il faut s’attendre à des frais d’entretien régulier. Pour le métal, le risque de rouille est réel. Si la durabilité de vie devait être une des principales motivations pour l’investissement dans un projet de construction, le matériau le mieux adapté est sans conteste le béton.
Puisqu’il est clair que la place du ciment dans le secteur de la construction est incontestable, parlons de sa qualité. La classification du ciment se fait-elle entre le bon, le mauvais ou le moins mauvais ?
C’est une question qui est régulièrement posée. Il existe une norme à Maurice comme il en existe en France. Vingt-sept types de ciment ont été préconisés par les autorités. Ce qui devrait signifier que certains types de ciment sont plus adaptés pour faire certains projets que d’autres.
Prenons le cas d’un projet associé à la construction d’un barrage. La nature même de cet ouvrage va nécessiter le recours à un type de ciment qui lui est propre – un ciment renforcé par un ajout de laitier, qui est un sous-produit de la sidérurgie et qui est utilisé comme matière première dans la fabrication du ciment…
Ce qui signifie que sur d’autres types d’ouvrages, on serait appelé à utiliser un ciment avec des caractéristiques supérieures, n’est-ce pas ?
C’est la base de mon argumentaire sur la place du ciment dans le cadre d’un modèle de développement durable. L’utilisation du ciment se fait par rapport à une approche où la performance est le maître-mot. C’est la raison pour laquelle il est indispensable de trouver le juste milieu entre la définition de la durée de vie d’un ouvrage et l’environnement où il sera installé.
Il est évident que l’on ne va pas utiliser le même type de ciment pour fabriquer un béton pour le port aussi bien qu’un béton destiné à un environnement situé au centre du pays, où il n’y a pas de risques d’agression du type de celle provoquée par le chlorure, par exemple.
«Certains types de ciment sont plus adaptés pour faire certains projets que d’autres.»
D’accord. Mais ma question concerne l’existence de ciments classifiés selon leur qualité. Y a-t-il du mauvais ciment ?
Il y a plusieurs types de ciment qui ont leurs particularités propres. Certains plus passe-partout que d’autres. Comme les ciments de type CEM II A et B, de classe 42.5 ou 32.5. Comme ce sont des ciments avec des ajouts, donc des ciments composés, on va dans le bon sens par rapport à une stratégie qui vise la protection et la conservation de l’environnement.
Comment gérer le paradoxe du béton qui, dans un pays tropical vulnérable aux phénomènes naturels, assure protection mais qui, en été, contribue à indisposer les gens ?
Ce paradoxe n’existerait pas si on osait changer d’approche dans le domaine de la conception même des projets de construction. La tendance conventionnelle consiste à considérer la climatisation comme l’élément incontournable dans le cadre d’un projet de construction. C’est un état d’esprit qu’il va falloir changer.
La climatisation n’est pas indispensable. Car il existe d’autres systèmes de ventilation capables de contribuer à créer une atmosphère où les occupants d’une maison se sentent bien et ont une sensation de fraîcheur. Il n’est pas nécessaire de climatiser à 19°C. Des pergolas, des rideaux de végétation, des vérandas, la végétation sur le toit, des bâtiments avec des fenêtres ouvertes des deux côtés de l’ouvrage sont autant de systèmes qui sont susceptibles d’améliorer le niveau de vie sans nécessairement passer par la climatisation.
La facture de la climatisation coûte chère : pas moins de 40 % du coût de toute la consommation d’énergie d’une maison. Il ne faut pas se focaliser uniquement sur la construction d’un projet mais l’insérer dans le cadre de l’utilisation qu’on en fera. Bref, tout le monde vivrait mieux sans climatisation ou avec une climatisation adaptée et raisonnable.
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