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Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children: «Il n’y a toujours pas d’Internet à Agaléga!»
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Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children: «Il n’y a toujours pas d’Internet à Agaléga!»
Les chiens errants et les rats constituent un véritable fléau à Agaléga. Bien que le gouvernement dise s’intéresser à cette île qui fait partie de la République de Maurice, la situation y est alarmante.
Vous êtes la première Ombudsperson à être allée en mission à Agaléga. Quel est votre constat ?
Bien que je sois effectivement la première Ombudsperson à avoir mis les pieds à Agaléga, mon prédécesseur, Vidya Narayen, avait initié les démarches en vue de s’y rendre. Et s’il n’y avait pas eu une panne de bateau, elle m’y aurait précédée. Ses démarches auprès de l’Outer Island Development Corporation (OIDC) ont facilité ma mission. J’avais visité cette île lorsque j’étais directrice du CEDEM; j’y avais fait de l’animation et parlé des droits des enfants.
Généralement, lorsqu’on entend les Mauriciens parler d’Agaléga, ils disent : «Pou nou sa.» Mais ce n’est pas vrai. Agaléga fait partie de la République de Maurice au même titre que Rodrigues, St Brandon, les Chagos et Tromelin. Il est important que les enfants mauriciens connaissent toutes les îles faisant partie de la République de Maurice, pas seulement en trois lignes dans les manuels scolaires comme c’est le cas pour Agaléga.
J’ai quitté Maurice à bord du Trochetia le 17 février. Il était question que j’y reste trois à quatre jours mais un retard du bateau m’a fait y séjourner une semaine. Cela m’a permis de mener une enquête en profondeur sur la condition des enfants agaléens.
Je suis très inquiète par rapport à l’environnement à Agaléga tant il y a de chiens errants. Leur nombre est effarant. Sans compter les maladies que ces animaux véhiculent, à commencer par la gale.
Les Agaléens trouvent-ils ce phénomène de chiens errants normal ?
Pas du tout, mais ils n’avaient pas fait le lien entre l’environnement et la santé des enfants qui est un de leurs droits fondamentaux. Les rats posent un autre problème. Ils pullulent.
J’ai eu une réunion avec les enseignants mauriciens vivant à Agaléga et tous déclarent qu’ils ne peuvent dormir la nuit tant les rats font un boucan. À Agaléga, ils font la collecte de l’eau de pluie. Les rats s’en donnent à coeur joie. Il faudrait un système de filtration pour éliminer les déjections de rats dans l’eau et surtout un contrôle régulier de toutes les nuisances. Ce qui est inexistant.
L’OIDC a pris quelques initiatives dans le passé mais il n’y a pas eu de suivi. Cela pose des risques sanitaires pour les Agaléens et leurs enfants. On ne peut parler de droits de l’enfant sans développement durable. Il est important que les décideurs politiques comprennent cela et bougent.
Est-ce à dire que rien n’a été fait sous l’ancien régime ?
Non, je n’ai pas dit cela. En 2012, lorsque je me suis rendue à Agaléga en tant que directrice du CEDEM, il y avait énormément de déchets rejetés par les bateaux qui finissaient sur la plage. L’OIDC a fait nettoyer cela. Il y a aussi eu une prise de conscience des conditions de travail des employés de l’OIDC. Mais c’est insuffisant.
La condition sine qua non pour que les petits Agaléens jouissent pleinement de leurs droits est la bonne gouvernance dans les interventions les concernant. On parle du gouvernement central certes mais les autres organismes doivent avoir leur contribution comme les ministères de l’Éducation, de la Santé, de l’Environnement, des Infrastructures publiques, sans compter l’OIDC.
L’éloignement de l’île par rapport à Maurice pourrait-il expliquer cette situation ?
La Réunion est éloignée de la France et de Paris... Nous n’avons pas les mêmes moyens que la France mais gérer, c’est aussi le faire en tenant compte des obstacles. Ce n’est pas parce qu’Agaléga est loin de Maurice qu’on ne peut la gérer convenablement. L’ancien régime et le régime actuel se sont intéressés à Agaléga. Mais il ne suffit pas de s’y intéresser.
Le ministère de l’Éducation a fait des efforts et il y a une possibilité que les élèves de la Form IV poursuivent leurs études à Agaléga. C’est en pourparlers. Les enseignants que j’ai rencontrés sont motivés. Il y a une volonté de la part de ceux de MEDCO et du primaire de faire avancer les choses. Mais il faut leur en donner les moyens en leur offrant des logements décents et habitables, de l’eau potable.
Comment voulez-vous par exemple promouvoir l’autosuffisance alimentaire lorsque les chiens errants viennent tout saccager ?
Le bateau ne desservant l’île que tous les trois mois, les enfants ne mangent pas de fruits et de légumes mais beaucoup de poisson. Comment assurer le droit à la santé des enfants quand ils n’ont pas une alimentation saine? Pourtant, les Agaléens votent à Maurice dans la circonscription nº 3. Il faut revoir tout cela.
Avez-vous eu d’autres contacts dans l’île ?
J’ai remarqué que les enfants agaléens n’ont pas de culture de participation et n’ont pas voix au chapitre. Lors de ma mission, nous avons constitué un Students’ Council avec l’école MEDCO; ce conseil comprend huit élèves. Ils ont pris l’engagement de travailler en faveur de leur île et de participer aux décisions les concernant. Qui connaît mieux son île que l’Agaléen?
Autre fait à mentionner: je trouve déplorable que l’association Les Amis d’Agaléga, qui accueille les étudiants agaléens poursuivant leurs études à Maurice, n’ait pas obtenu de financement pour continuer ce travail.
Maintenant que vous êtes rentrée à Maurice, qu’allez-vous faire pour Agaléga?
D’abord, j’ai choisi d’en parler dans les médias pour briser leur isolement. Nous sommes au courant de tout ce qui se passe à travers le monde par le biais des technologies. Or, il n’y a toujours pas d’Internet à Agaléga! Il existe un réseau de téléphonie mobile dans l’île mais il est limité à une quinzaine de personnes!
Comment voulez-vous que les enfants agaléens soient ouverts sur le monde quand la technologie n’est pas mise à leur portée? Comment éduquer une communauté dans l’isolement? Pour gérer Agaléga, il faut des gens compétents et par conséquent, le système éducatif doit pouvoir sortir l’île de son isolement. On ne peut parler de développement durable sans Internet.
En sus de parler à la presse, je serai à l’antenne de Kool FM pour évoquer toute cette question car cette chaîne de radio est captée dans l’île. L’Ombudsperson for Children a aussi une carte maîtresse et c’est celle de faire des recommandations. J’ai écrit à l’OIDC pour dire que je mène une enquête sur la protection des droits des enfants agaléens.
J’organise une réunion consultative le 10 mars avec les représentants de l’OIDC et des ministères de la Santé, de l’Egalité du genre, des Infrastructures publiques, de l’Environnement, des Sports pour leur parler de mon constat. Aurore Perraud, que j’ai rencontrée récemment, a prêté une oreille attentive à mes remarques.
Cette consultation avec les parties prenantes a pour but de voir comment sortir Agaléga de son isolement, en travaillant en synergie. J’invite aussi les Agaléens vivant à Maurice à contacter le bureau de l’Ombudsperson for Children. Ma porte leur est ouverte.
L’OIDC a un rôle plus important à jouer dans la gestion d’Agaléga. Beaucoup reste encore à faire. L’année prochaine, je compte me rendre à nouveau à Agaléga pour voir ce qui a été fait.
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