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Richard Arlove, Chief Executive d’ABAX : «Maurice est un centre financier international et pas un centre offshore»
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Richard Arlove, Chief Executive d’ABAX : «Maurice est un centre financier international et pas un centre offshore»
Au centre financier offshore, note le Chief Executive d’ABAX, est souvent associée la notion de paradis fiscal. Or, Maurice doit combattre toute tentative de lui coller une telle étiquette. Ce sera une des tâches de la Financial Services Promotion Agency, dit-il.
Si vous deviez faire un diagnostic du secteur mauricien des services financiers, quel serait-il ?
Ce serait un diagnostic positif, de par ce que nous avons accompli. Ce qui nous reste à faire est extrêmement intéressant, excitant et met à l’épreuve notre capacité à relever les défis. Nous avons parcouru du chemin depuis que le secteur du Global Business a vu le jour en 1992. Comme dans beaucoup d’industries, nous sommes arrivés à un point où nous devons repenser la pertinence du secteur sur l’échiquier économique. Un avenir extrêmement intéressant s’ouvre à nous.
À la lecture du commentaire de Vishnu Lutchmeenaraidoo, alors ministre des Finances, sur le Double Taxation Agreement (DTAA) (NdlR : les négociations techniques du comité mixte qui ont eu lieu du 1er au 3 mars se sont terminées en eau de boudin), on a l’impression qu’entre l’Inde et Maurice, c’en est terminé. Comment en est-on arrivé là ?
C’est une longue histoire. Il y a eu beaucoup de failles de notre part en ce qui concerne la communication. Nous n’avons pas réagi à temps pour expliquer au monde des affaires que le traité de non-double imposition entre Maurice et l’Inde doit reposer sur davantage de «substance économique» pour les sociétés domiciliées à Maurice mais qui investissent en Inde.
Le traité a été utilisé et pourra continuer à l’être. Tous les acteurs impliqués dans l’industrie à Maurice doivent jouer le jeu et comprendre la nécessité d’avoir suffisamment de substance. C’est d’ailleurs la raison d’être une compagnie qui utilise le centre financier mauricien pour investir en Inde.
Si on continue à jouer le jeu correctement, les opérateurs pourront continuer à utiliser le traité. Le volume de business qui utilise la plateforme mauricienne pourrait diminuer mais la qualité services offerts dans ces sociétés devrait s’améliorer. C’est là où se trouve l’avenir du centre financier mauricien.
L’ex-ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo parlait également de bâtir le Global Business sur des bases nouvelles du «clean business». Il note que le premier souffle est venu de l’Inde et que le second viendra d’Afrique. Justement, vous avez fait partie des opérateurs visionnaires. L’Afrique est-elle donc l’alternative à l’Inde ?
L’Afrique nous offre des possibilités autrement plus valorisantes que celles offertes par l’Inde, dans la mesure où il y a 54 pays en Afrique et que l’Inde ne représente qu’un seul pays. Ces 54 pays ont besoin de services réels, que Maurice peut leur offrir. Nous n’avons pas seulement un DTAA avec l’Inde, nous avons plein d’accords de coopération avec différents pays africains. Ce sont des accords bilatéraux ou multilatéraux, qui offrent une grande possibilité de coopération mutuelle.
D’autre part, en raison du niveau et de la qualité de ses services financiers dont Maurice dispose déjà, le marché africain constitue une véritable plateforme pour réaliser des activités à valeur ajoutée. L’avenir se trouve donc davantage en Afrique, dont nous faisons partie.
Il ne faut pas se limiter qu’aux possibilités conventionnelles d’un centre financier international. Les clients peuvent s’appuyer sur le potentiel existant pour créer, à Maurice même, une société opérant dans le secteur du Global Business. Au-delà des services financiers, Maurice peut être utilisé comme un centre international de procurement, où on peut enregistrer la propriété intellectuelle de ces sociétés. Ces dernières peuvent prendre avantage du bilinguisme de Maurice pour faire du marketing en Afrique. Ces sociétés peuvent trouver à Maurice même tout le personnel dont elles ont besoin dans le cadre de leurs projets de délocaliser une partie de leurs opérations hors des frontières.
L’African Leadership College sera inauguré en grande pompe cette semaine. Vous avez joué un rôle déterminant dans la décision de Fred Swaniker, fondateur de l’African Leadership University, à s’implanter à Maurice. Pourquoi l’incitation des opérateurs du Global Business à s’installer à Maurice a-t-elle été intégrée comme une option de votre stratégie ?
Fred Swaniker est extrêmement connu sur le continent africain. Maurice a la chance et l’honneur de l’avoir comme résident, qui croit en la capacité du pays à offrir des services totalement intégrés à la cause de l’African Leadership College. Il s’agit de mettre en place 25 campus universitaires en Afrique. C’est un projet d’envergure unique sur le plan mondial. C’est une chance que Fred ait choisi Maurice pour abriter son premier campus universitaire. C’est de bon augure. C’est ce genre d’entrepreneur que nous voudrions attirer à Maurice parce qu’ils voient les possibilités qu’a Maurice d’offrir un ensemble de services intégrés. Il a compris que Maurice peut offrir beaucoup d’autres avantages.
Par exemple, le pays permet à une majorité de résidents africains de venir à Maurice sans nécessairement disposer de visa d’entrée. Cela a pesé dans leur décision de s’établir à Maurice. Bien que formant partie de l’Afrique, nous à Maurice, nous avons un problème : parfois nous, ne nous sentons pas suffisamment africains.
Or, la présence d’une institution comme l’African Leadership College devrait nous aider à nous sentir plus africains. Et chez ABAX, nous encourageons nos clients qui font des affaires sur le continent africain à s’établir ici afin de profiter de tout ce que notre île peut leur offrir. À ce jour, Maurice a déjà attiré beaucoup de multinationales et de sociétés engagées dans la filière de Private Equity.
Si nous parvenons à inciter ces personnes à utiliser d’autres services disponibles dans le secteur des services financiers, cela pourrait favoriser le développement d’autres filières d’activités. Cela, avec des clients qui évoluent aujourd’hui dans le Global Business mais qui ne sont pas présents physiquement à Maurice.
C’est aussi pour cela que le concept de smart cities, s’il aboutit, pourrait être un excellent moyen d’attirer des professionnels et des entrepreneurs internationaux, qui peuvent installer le siège social de leur société à Maurice. Ce qui devrait déboucher sur la création d’emplois, et en même temps leur offrir la possibilité de rayonner sur l’ensemble du continent, à partir de Maurice.
«Il est primordial que Maurice devienne non seulement un Financial Hub mais également un Business Hub, comme c’est le cas pour Singapour, Hong Kong, Dubai ou Londres…»
Les pays tels que l’Afrique du Sud, le Kenya ou encore le Malawi souhaitent revoir les bases sur lesquelles reposent les Double Taxation Agreements. Quelle devrait être notre approche au cas où le gouvernement accepte de revoir ces accords ?
C’est essentiel que nous ayons une approche proactive plutôt que réactive. Il nous faut comprendre que le rôle de Maurice en tant que centre financier n’est pas de diminuer les taxes qui sont reçues ou obtenues par les pays africains, mais d’aider à ce qu’il y ait un flux dans l’investissement.
Dans ce contexte, il nous faut plutôt développer non seulement des Double Taxation Agreements mais aussi des accords de développement et de coopération économique et prendre en considération la nécessité d’inclure dans cette démarche des éléments aussi importants que l’Investment Promotion & Protection Agreement (IPPA).
Il y a tout un écosystème à mettre en place afin qu’il y ait des bénéfices mutuels. En ce qui concerne les accords de coopération qui incluent bien évidemment les accords de taxation, il faut aller au-delà des perspectives qu’offre un Double Taxation Agreement et s’assurer que les deux pays en sortent gagnants.
Il est essentiel, au niveau de notre diplomatie économique, que nous ayons des ambassades dans des pays avec lesquels nous voulons véritablement établir également une relation d’affaire, ce qui sous-entend que ces ambassades disposent de compétences capables de comprendre les enjeux et non pas installer des personnes sur la base de leur affiliation politique. Les nominés politiques n’ont pas nécessairement l’expérience voulue dans tous les domaines de coopération entre Maurice et un pays particulier.
Maurice avait été cité comme ayant joué un rôle prépondérant dans le transfert d’argent dans l’affaire Vijay Mallya, propriétaire de Kingfisher Airlines. Peut-on échapper à l’accusation selon laquelle Maurice pratique le «round-tripping» ?
C’est tout à fait possible. Maurice a été une juridiction très transparente. Nous avons des règles pour combattre le blanchiment d’argent qui sont très strictes. C’est important aujourd’hui que les régulateurs mauriciens – et surtout les opérateurs du secteur du Global Business – comprennent tous les enjeux associés aux Common Reporting Standards qui vont s’assurer que le principe de l’Automatic Exchange of Information entre différents pays est respecté.
Maurice a toujours évolué et veut continuer de le faire en toute transparence. Il faudrait être vigilant. Dans tous les centres financiers, il y a toujours des personnes qui essaient de contourner les règles. Avec un contrôle accru et des garanties de plus en plus rigoureuses, on a toutes les chances de pouvoir résoudre ce problème.
Il y a aussi une perception que Maurice est un paradis fiscal et le pays doit faire en sorte que cette image ne nous colle pas à la peau. Nous ne sommes pas un paradis fiscal. Maurice n’a qu’environ 25 000 sociétés engagées dans le Global Business. Or, d’autres centres financiers abritent des centaines de milliers de compagnies! Le secteur des services financiers mauriciens a été orienté dans la bonne direction. Nous devons poursuivre sur cette voie.
Nous devons réfléchir à la possibilité de disposer d’un mécanisme de contrôle des plus efficaces. Les Management companies devraient elles-mêmes s’assurer que leurs activités sont en conformité avec les règles établies par l’organisme régulateur. Quant à la Financial Services Commission, elle devrait disposer de l’aide de spécialistes afin de vérifier si les Management Companies opèrent dans les paramètres établis. Les mêmes exigences s’appliquent tant aux opérateurs qu’aux banques.
La Financial Services Promotion Agency a été lancée la semaine dernière. Dans un contexte où le secteur financier est à la croisée des chemins, quelle est la pertinence d’un tel organisme ?
Maurice est un centre financier international. Il est important que nous l’affirmions haut et fort. Nous devons toutefois dire ce que nous ne sommes pas. Nous ne sommes pas un Offshore Financial Centre. Celui-ci, bien souvent, est associé à la notion de paradis fiscal. Le secteur financier du pays est loin de représenter 50 % ou plus de notre produit intérieur brut. Notre économie peut être utilisée par nos clients pour avoir une palette de services. Il ne faut pas que le pays soit uniquement un tremplin pour faire du business ailleurs. Les investisseurs peuvent aussi faire du business à Maurice.
Les sociétés du Global Business ont besoin d’avoir suffisamment de substance à Maurice pour faire la démonstration qu’elles sont partie prenante de l’économie mauricienne. C’est pour cela que nous pouvons promouvoir Maurice comme un centre financier international et combattre toute tentative visant à nous coller le label d’un centre offshore. Un des rôles de la FSPA est d’établir clairement cela.
Un centre financier international n’offre pas que des services financiers. Si nous arrivons à encourager des multinationales, des sociétés engagées dans la filière de l’Equity Fund à utiliser le centre financier mauricien, il nous faut pouvoir les inciter à utiliser d’autres facilités que la panoplie de services dont dispose le secteur mauricien des services financiers.
Il est primordial que Maurice devienne non seulement un Financial Hub mais également un Business Hub, comme c’est le cas pour Singapour, Hong Kong, Dubai, Londres, etc. Ces business hubs ont, dans une grande mesure, transformé leur centre financier en une base incontournable de développement. L’avenir de notre pays se trouve là.
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