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Entretien avec des banquiers: «Non, vous ne pouvez pas contracter un emprunt en euros»
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Entretien avec des banquiers: «Non, vous ne pouvez pas contracter un emprunt en euros»
La State Bank of Mauritius (SBM) a accordé un prêt de 1,1 million d’euros (environ Rs 45 millions) à l’ancien ministre des Finances. Mais qu’en est-il de ceux qui ne s’appellent pas Vishnu Lutchmeenaraidoo? M. et Mme Tout-le-Monde ont-ils le droit de contracter des emprunts en euros? Pourrait-on bénéficier d’un taux d’intérêt de 1,5 %? Pour obtenir des réponses à ces questions, direction la SBM de Quatre-Bornes, en ce beau vendredi matin. Il a également fallu, par la suite, faire un petit détour par le bureau d’un ancien banquier averti, pour des détails sur les définitions.
Bonjour M. le banquier. Dites, les taux d’intérêt sont à combien chez vous pour (i) un «personal loan» et (ii) un «home loan», s’il vous plaît?
Pour un personal loan, le taux tourne autour de 12,6% par an. Si vous avez un ou deux garants, si vous empruntez au-delà de Rs 100 000, le taux est de 11,95%. Si vous n’avez pas de garant, que vous empruntez entre Rs 50 000 et Rs 100 000, le taux est de 12,45%. La période de remboursement s’étale sur 7 ans dans tous les cas. Concernant le home loan, mettons que vous empruntez Rs 1 million. Le taux est de 6,69% par an. Cela vous fait des mensualités de Rs 6 871 remboursables sur 25 ans. (NdlR, au final, donc, vous remboursez Rs 2 061 300).
Et si le taux d’intérêt grimpe ou descend, est-ce que ça influe sur le montant qu’on rembourse?
Bien entendu. Si ça descend, vous payez moins et vice versa.
Et si, contrairement à certains, on n’a pas de superbe villa ? Comment fait-on pour la garantie?
Pour la garantie et les garants, il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu. Déjà, pour bénéficier d’un home loan, il faut que vous ayez des économies, la banque ne va pas tout payer pour vous. Vous pouvez présenter un bien comme garantie, mais la banque évaluera celui-ci avant de se prononcer.
Pour les garants, cela dépend du montant de votre salaire, de la somme que vous voulez emprunter. Il se peut que l’on demande un seul garant ou deux. Si votre compagnie est sur notre liste «spéciale», par exemple, il se peut que l’on ne vous demande pas de garant. La banque analyse votre compte, voit si vous avez d’autres dettes avant de vous accorder un prêt. Pour résumer, il faut qu’à la fin du jour, il vous reste au moins Rs 5 500 sur votre compte pour pouvoir subvenir à vos besoins.
Parlons-en des comptes en banque «misérables». Est-ce que M. et Madame Tout-le-Monde peuvent contracter des emprunts en euros?
Cela dépend du montant de votre salaire, du FDI du… (NdlR, on n’a pas tout capté)
Et si vous branchez le décodeur, ça donne quoi ?
C’est non ! Il faut que le montant de votre salaire dépasse les Rs 150 000 au moins et là encore… Les prêts en euros sont en général accordés à des investisseurs et c’est le board de la banque qui donne son approbation, après avoir analysé votre dossier. L’on scrute les risques, votre «poids» financier en tant que client, etc.
Et le taux d’intérêt à 1,5 %, on y a droit, s’il vous plaît, Monsieur ?
Non plus ! Comme pour le prêt, c’est le board qui décide s’il veut vous accorder un taux préférentiel ou pas.
Si on a déjà un «loan» chez vous, est-ce qu’on peut le convertir en euros ?
Vous n’êtes pas sérieuse ?
Qu’est-ce qu’un taux d’intérêt, M. Larousse ?
Le taux d’intérêt fait référence à un pourcentage, fixé à l’avance, qu’une personne morale ou physique devra verser à un organisme ou un particulier qui lui prête une somme d’argent.
(On s’adresse à un ancien banquier qui travaille désormais dans une firme privée) Comment calcule-t-on le taux d’intérêt ?
Plusieurs facteurs entrent en jeu : le coût pour le consommateur dépend du coût de cet argent-là pour le banquier. Par exemple, si le prêt est en euros ou en dollars, ça ne coûte rien, c’est même négatif, donc le taux d’intérêt est faible. Deuxième facteur, c’est la marge de profits, elle-même tributaire d’autres facteurs: normalement, si vous avez des euros chez vous et que personne ne veut les emprunter, c’est de l’argent «inutile», qu’on ne peut même pas placer dans une autre banque, puisqu’ils ne vont rien payer. Donc, quand il y a trop de liquidités (NdlR, caractère d’une somme d’argent liquide, dont on peut disposer immédiatement ou presque) dans les banques, les marges de profits rapetissent. C’est une question d'offre et de demande.
On demande davantage d’explications…
Quand la demande est plus forte que l’offre, la marge de profits pour le banquier peut augmenter. Quand la demande est plus faible que l’offre, les banques ont tendance à raboter ladite marge pour essayer de grappiller quelques sous. Cette règle s’applique aussi bien à la roupie qu’à l’euro.
Et le taux directeur dans tout ça ?
Le taux directeur (NdlR, taux d’intérêt fixé par la Banque centrale d’un pays ou d’une union monétaire, et qui permet à celle-ci de réguler l’activité économique), comme son nom l’indique, est un indicateur quant à la tendance. S’il bouge, les banques regardent et très souvent suivent, mais elles ne sont pas obligées de le faire.
Gardons le cap. Si le taux directeur est à 4,4% et le taux d’intérêt à 11,95%, comment expliquer ce gouffre, ce grand canyon entre les deux pourcentages?
Le coût de l’argent à la banque est très peu lié au taux directeur. Qu’est-ce que le coût de l’argent? C’est ce que l’on paye globalement sur toutes les ressources en roupies - épargne et dépôts fixes. La banque calcule la moyenne, pense aux frais qu’il faut couvrir et ajoute une marge de profits. Une marge qui n’est pas pareille pour les prêts, précisons-le.
Paradoxe : plus le prêt est petit, plus on paye d’intérêt. Pourquoi ?
Prenons un exemple : si la banque prête Rs 50 millions à une grosse compagnie, elle a une seule série de frais de dossier. Le risque qu’elle prend est minime. Par contre, si pour prêter Rs 50 millions à plusieurs personnes, il faut débourser 500 fois Rs 100 000, il y a 500 frais de dossier à prendre en charge. Les risques qu’elle prend sont plus grands, les prêts sont moins sécurisés. Elle doit alors modifier sa marge de profits en conséquence. Aussi, plus un client peut montrer qu’il est «solide», et que les risques de non-paiement sont minimes, plus le taux d’intérêt descend.
En parlant de clients «solides», qui sont les clients VVIP d’une banque, à part le ministre des Finances?
Cela dépend de deux choses : du cash-flow de la VVIP, c’est-à-dire de ses revenus et, d’autre part, de ses actifs (NdlR, ce qui, dans un bilan, comprend l’ensemble des biens matériels et immatériels détenus par un individu ou une entreprise). Le troisième critère, non négligeable, c’est une question d’intégrité personnelle, de réputation, de track record.
Sinon, vous savez, vous, où on pourrait emprunter quelques euros à des taux très très bas?
Non.
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