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Penny Hack, avocat d’affaires: «Le prêt à Lutchmeenaraidoo pourrait aller à l’encontre des intérêts commerciaux de la SBM»
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Penny Hack, avocat d’affaires: «Le prêt à Lutchmeenaraidoo pourrait aller à l’encontre des intérêts commerciaux de la SBM»
Penny Hack, avocat d’affaires, jette un regard critique sur la transaction bancaire impliquant l’ex-ministre des Finances. Il affirme que l’enquête entamée par la commission anticorruption pour démasquer le ou les coupables de la fuite de documents officiels est mal inspirée.
Quelle lecture faites-vous de toute l’affaire entourant le prêt contracté par Vishnu Lutchmeenaraidoo auprès de la SBM Ltd ?
Le prêt en soi est incroyable. Il est possible qu’un individu puisse négocier un prêt en devises. Le montant dépendra essentiellement de sa capacité de remboursement, de la garantie ou de la sécurité engagée. Il est même possible d’avoir un taux d’intérêt quelque point au-dessus du «libor rate» mais je n’ai jamais entendu parler d’un prêt individuel au «libor rate» sur deux ans. Le «libor rate» est utilisé en Angleterre normalement sur le marché des prêts interbancaires où les banques accordent des prêts entre elles pour une durée déterminée. La plupart des prêts sont à échéance d’une semaine ou moins, la majorité étant du jour au lendemain.
Au vu de son statut de Very Very Important Person (VVIP) ou de «High Net Worth Individual » (HNWI), estimez-vousque l’ancien ministre des Finances a pu bénéficier de certains privilèges de la part de la SBM, contrairement aux clients ordinaires ?
Le fait qu’il soit ministre des Finance ou peut-être un HNWI, c’est-à-dire une personne ayant une valeur nette (actifs financiers, à l’exclusion de la résidence principale) de plus de 1 million USD, la SBM peut bien sûr lui accorder certains privilèges en termes de services et de rapidité contrairement à des clients normaux. Néanmoins, le prêt accordé dans les circonstances que nous savons reste exceptionnel, même pour un ministre ou un HNWI. Le prêt pourrait même aller à l’encontre des intérêts commerciaux de la banque.
Au moment où l’ex-ministre des Finances avait négocié et obtenu le prêt de 1,1 million d’euros, la SBM, comme une banque d’État, tombait et tombe toujours sous la tutelle du ministère des Finances. Peut-on aller jusqu’à dire qu’il aurait pu y avoir conflit d’intérêts dans cette transaction ?
La State Bank of Mauritius (SBM) n’est pas une banque d’État, c’est une banque commerciale. Elle est aussi une compagnie publique cotée en Bourse. Cela dit, on peut parler de proximité car le gouvernement est actionnaire, avec un représentant, qui doit être un directeur indépendant, siégeant au conseil d’administration.
Mais si au moment des faits, le représentant était un fonctionnaire, un proche, ou nominé politique, on peut envisager la possibilité d’un conflit d’intérêts. Le terme «sous la tutelle du ministère des Finances» vient du droit bancaire, sous le Banking Act où le ministre des Finances est le ministre de tutelle pour le secteur bancaire – donc un autre facteur de proximité.
Du coup, vous comprenez la démarche de l’Independent Commission against Corruption (ICAC) visant à saisir ce dossier, d’autant plus que le gouverneur de la Banque de Maurice a vivement critiqué la fuite, dans la presse, des conditions de prêt obtenues par Vishnu Lutchmeenaraidoo. Il a même été jusqu’à qualifier cette démarche de «suicide» pour notre secteur des services financiers. Partagez-vous son point de vue ?
L’ICAC enquête actuellement sur la fuite de documents et d’informations confidentielles concernant un client de la SBM. Je comprends que cette décision, expliquée d’ailleurs par la Banque de Maurice, a été prise afin de protéger la réputation de notre juridiction financière. Mais je trouve que l’enquête est mal inspirée. L’ICAC existe essentiellement pour combattre la corruption. S’il faut ouvrir la boîte de Pandore concernant le prêt ou la pratique autour des VVIPs, je suis pour.
Concernant notre réputation au niveau international, après les fiascos de nos institutions et autres ministères quant à la gestion des affaires Bramer Bank et BAI, une petite histoire de confidentialité bancaire n’est pas un gros problème en soi car les vrais kamikaze se trouvent toujours dans les institutions et ministères concernés.
L’ICAC a obtenu un ordre de la cour pour enquêter sur la fuite de documents relatifs au prêt d’un client VVIP. Jusqu’où va le secret bancaire ? Quelles sont les limites à une enquête sur une transaction privée ?
À Maurice, le secret bancaire n’existe pas, mais nous avons des règles sur la confidentialité qui comprennent aussi environ 25 exceptions sous l’article 64 du Banking Act. Au-delà de ces exceptions, il y a la possibilité accordée à nos institutions (ICAC, Financial Services Commission, Mauritius Revenue Authority, AssetRecovery Enforcement Authority ou le commissaire de police) de demander, au juge en chambre, une ordonnance de divulgation concernant toutes les opérations bancaires d’une personne ainsi que son compte, qui seraient nécessaires dans le cadre d’une enquête ou d’un procès.
On ne sait pas s’il y a eu un «whistleblower» dans la divulgation de ces documents confidentiels. Êtes-vous favorable à la protection d’informateurs, d’autant plus qu’il y aura prochainement un projet de loi proposant un «whistleblowing council» ?
Je suis pour la protection de ceux qui dénoncent la corruption, mais pas pour une institutionnalisation formelle en créant un «Council». J’avais déjà commenté le Good Governance and Integrity Reporting Act dans la mesure où cette loi va ouvrir la voie à la protection d’informateurs par des institutions sous le contrôle de l’exécutif gouvernemental ou des proches sous la forme d’une «agence». Cela me rappelle les débuts du ministère de la Sécurité de l’État, connu sous le nom de la Stasi, où la police secrète espionnait la population, par le biais d’un vaste réseau de citoyens devenant informateurs, pour réprimer toute opposition.
Le ministre Bhadain fait un forcing pour convaincre trois institutions financières d’État (SICOM, SBM et NPF) de participer au capital dela NIC. Qu’est-ce que cette transaction vous inspire ?
Cette situation à mon avis est grotesque. Une fois encore, le gouvernement impose indirectement aux contribuables les frais de ses erreurs et de ses incompétences, et ce dans la gestion de l’affaire BAI. Il n’y a aucune raison commerciale qui puisse justifier cet investissement dans la NIC. Les conseils d’administration respectifs de la SICOM, de la SBM et du NPF seraient mal avisés – voir négligents – de procéder à une telle participation. Cela ne sert à rien d’injecter autant de capitaux pour n’acheter que des dettes, car une telle démarche fragiliserait ces institutions, voire même l’économie du pays.
Parlons du secteur du Global Business et du traité fiscal avec l’Inde. Avec le recul et au vu de l’intransigeance des autorités indiennes à amender la clause 13 du traité fiscal, ne pensez-vous pas qu’il faut aujourd’hui faire une croix sur ce traité ?
Cela fait déjà une décennie que nous constatons l’érosion des avantages du traité IndeMaurice. Cette intransigeance est un signal fort que la fin approche à grands pas. Pour les Management Companies axées sur le marché indien, les effets se font déjà sentir car les sociétés offshore, les firmes d’audit, les cabinets d’experts-comptables ou encore les cabinets juridiques subissent une baisse persistante dans leur chiffre d’affaires.
Qu’adviendra-t-il au secteur offshore sans ce DTAA avec l’Inde ?
Le secteur continuera avec seulement les opérateurs qui ont su s’adapter ou qui travaillent déjà avec d’autres juridictions. Cela dit, il est difficile de prévoir l’avenir car le gouvernement semble vouloir aussi réorienter complètement ce secteur. Le ministre de la Bonne gouvernance a avisé que tous les Double Taxation Avoidance Agreements avec d’autres pays vont tôt ou tard disparaître, et qu’il introduira prochainement une loi afin de permettre aux firmes étrangères de travailler à Maurice en compétition avec les compagnies de gestion et des firmes juridiques opérant localement. Il semblerait aussi qu’il permettra aux auditeurs étrangers de travailler sans être enregistrés auprès du «Financial Reporting Council».
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