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Will Fitzgibbon, Panama Papers : «On s’intéresse à Maurice pour réduire ses impôts»

9 avril 2016, 16:25

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Will Fitzgibbon, Panama Papers : «On s’intéresse à Maurice pour réduire ses impôts»

Vous êtes à combien dans l’équipe du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) à travailler sur les Panama Papers ?

À l’ICIJ, dont le siège est à Washington DC, nous sommes une équipe de huit personnes. Nous travaillons avec des journalists data en Espagne, au Venezuela et au Costa Rica. Donc, au total, environ une douzaine de personnes travaillent sur les Panama Papers.

Depuis combien de temps êtes-vous sur cette enquête ?

La première fuite de ces documents est arrivée aux journalistes allemands, qui font partie du réseau d’ICIJ. En février 2015, dès qu’ils ont vu la quantité de données qu’ils ont reçues, ils se sont dit qu’ils ne pourront pas faire cela seuls. Ils ont contacté l’ICIJ pour qu’on puisse les aider. De là, nous avons contacté des journalistes d’investigation un peu partout dans le monde, pour former un réseau. C’est à partir du début de 2015 que l’ICIJ s’est mis en marche pour identifier des partenaires, pour commencer à mettre en ligne de façon sécurisée les documents pour que les journalistes dans le monde puissent commencer les investigations.

Pourquoi cette enquête est-elle importante pour Maurice ?

Nous avons vu que le cabinet Mossack Fonseca n’a pas de bureau à Maurice. Mais nous savons que Maurice est un centre financier qui est très favorable à certains. Ce qui est important avec les Panama Papers, c’est que pour la première fois des journalistes ont pu dévoiler au monde que certes il y a des raisons légitimes pour avoir une société offshore, mais qu’il y a des acteurs, des hommes et des femmes politiques, des sociétés qui se servent de ces sociétés offshore pour pratiquer l’évasion fiscale ou même faire circuler de l’argent venant d’actes corrompus, voire illégaux.

Quelle est l’implication de Maurice dans ce que dévoilent les documents des Panama Papers ?

J’ai vu des échanges de courriels dans les Panama Papers qui parlent de la rédomiciliation à Maurice par exemple et des sociétés qui s’intéressent à l’île uniquement pour réduire le montant de leurs impôts. Ce qui est passionnant dans les documents des Panama Papers, c’est que pour la première fois nous voyons des motivations parfois concrètes et explicites de certains qui ne veulent pas jouer en suivant les mêmes règles que le citoyen lambda.

Y a-t-il des Mauriciens qui sont impliqués directement ?

Il est presque sûr et certain qu’il y aurait des Mauriciens dans les Panama Papers. Mais il nous faut élargir les recherches. Nous travaillerons avec nos partenaires locaux pour enquêter en profondeur et déterminer l’implication des Mauriciens. Ces documents datent de 1977 à 2015, donc près de 40 ans de documents et de transactions offshore de la société de Mossack Fonseca. C’est une des raisons pour lesquelles c’est la fuite de documents journalistiques la plus grande de l’histoire.

Avoir son nom ne signifie pas forcément que la personne ait commis un délit. Quelle est la distinction à faire pour éviter cet amalgame ?

La distinction se trouve justement dans les détails. Avoir son nom dans les Panama Papers ne veut rien dire d’illégal ou de compromettant. Il y a tout une montagne de raisons pour lesquelles des noms et des personnes auraient une présence dans les documents de Mossack Fonseca. Ce qui est important, c’est le travail journalistique, de creuser et d’aller trouver quels sont les indicateurs des actes soit illégaux soit qui méritent plus d’attention

Comme disent les experts dans le domaine, les problèmes ne sont pas forcément ce qui se passe dans l’offshore. Le problème, c’est que tout ce qui est licite peut être problématique, par exemple, l’évasion fiscale. Une société peut faire cela par exemple sans violer aucune loi nationale, mais il y a de plus en plus d’hommes politiques, de gouvernements et d’experts qui se demandent si cet acte est juste et justifiable et ce, bien qu’il soit licite

Quelle a été la réaction des autorités face à toutes ces informations qui sont ressorties des Panama Papers ?

Il y a des autorités qui veulent réagir. Nous savons par exemple qu’en Australie le service des impôts s’intéresse aux 800 Australiens qui se trouvent dans les données. Des autorités de revenus nous ont écrit pour nous demander, à l’ICIJ, de les aider. Mais notre principe à l’ICIJ, c’est de ne pas travailler avec les agences gouvernementales. Nous ne sommes pas une agence du gouvernement mais bien évidemment, il y a un grand intérêt à ce que ces gouvernements réagissent.