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Grossesses précoces: montée alarmante chez les adolescentes
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Grossesses précoces: montée alarmante chez les adolescentes
Ces chiffres de la Mauritius Family Planning & Welfare Association (MFPWA) font peur. Rien qu’en 2015, sur 515 cas de relations sexuelles avec mineurs référés à cette instance, 208 cas de grossesses précoces ont été notés. Pour Vidya Charan, directrice de la MFPWA, le constat est sans appel, les cas de grossesses précoces sont en hausse.
D’abord les chiffres. Depuis 2013, les statistiques de la MFPWA démontrent que les cas de grossesses précoces montent en flèche. Elles impliquent des adolescentes entre 12 ans et 17 ans. En 2013, sur 371 cas où des adolescentes ont eu des rapports sexuels, 147 d’entre elles sont tombées enceintes. En 2014, ce chiffre est passé à 200. «C’est clair, les cas de grossesses précoces augmentent. Il y a là un problème de fond et plusieurs facteurs expliquent cela», souligne Vidya Charan.
Avec son équipe, elle voit passer des centaines de filles au drop-in-centre de la MFPWA. Des jeunes filles qui y viennent pour se faire aider, et bénéficient d’un accompagnement psychologique, entre autres.
Cela fait cinq ans que Kunal Bhagan, psychologue à la MFPWA, les côtoie au quotidien. «Ces filles ont entre 13 et 17 ans. Elles viennent de différentes régions. Certaines ont été victimes de violence sexuelle, mais la plupart des cas concerne des jeunes filles qui ont eu des relations sexuelles avec leur petit ami.» Et d’ajouter que tomber enceinte durant l’adolescence dans la majorité des cas signifie la fin des études. «Aujourd’hui même (NdlR : vendredi), une fille de 17 ans qui devait prendre part aux examens du School Certificate (SC) est venue au centre. Elle est découragée et ne veut plus continuer.»
Familles brisées
Selon Kunal Bhagan, il existe des cas où les «petits amis» sont aussi jeunes que les futures mamans. Il avance que la MFPWA a déjà pris connaissance de cas où le père et la mère avaient chacun 15 ans. «Même à 12 – 13 ans, ces adolescents disent avoir eu des relations sexuelles consentantes.» Pour le psychologue, les jeunes ont des relations sexuelles tôt. Mais plusieurs sont également issus de familles brisées et recomposées. Vidya Charan abonde dans le même sens. «Beaucoup de ces filles sont issues de poches de pauvreté où la violence est chose quotidienne. Ce sont des situations familiales difficiles.»
Manuels d'éducation sexuelle en préparation
L’éducation sexuelle devrait être introduite à partir de l’année prochaine dans les écoles primaires et secondaires. Au Mauritius Institute of Education, l’on travaille sur l’élaboration de manuels scolaires. En ce qui concerne le secondaire, les manuels sont presque finalisés. S’agissant du primaire, une équipe se penche actuellement sur le contenu. L’on avance également vouloir intégrer l’éducation sexuelle à la matière de la Health & Physical Education.
Ce que dit la loi
Les relations sexuelles avec des jeunes de moins de 16 ans sont interdites. Et ce, même si les adolescents affirment qu’ils étaient consentants. Le consentement n’est pas reconnu par la loi. Par conséquent, lorsque deux mineurs ont des relations sexuelles, ils commettent tous deux un délit. Mais souvent, même si la fille déclare qu’elle était consentante, c’est uniquement le garçon qui est poursuivi. Pourquoi ? Nous avons posé la question à Shirin Ameerudy-Cziffra, avocate. «La loi ne fait pas de discrimination. Mais dans la réalité, les femmes et les filles sont perçues comme étant at risk», explique-t-elle. Par ailleurs, l’article 11 de la Child Protection Act stipule que si une personne, que ce soit dans une école ou dans le domaine médical soupçonne qu’il y a un cas d’abus sexuel, le cas doit être référé au Permanent Secretary du ministère de l’Égalité des genres, du Développement de l’enfant et du Bien-être de la famille et éventuellement à la Child Development Unit.
Une hausse qui s'explique par l'ignorance
Quels sont les facteurs qui expliquent la hausse de grossesses précoces ? Interrogée à ce sujet, Shirin Aumeeruddy-Cziffra, ancienne Ombudsperson for Children, avocate et actuelle présidente du Public Bodies Appeal Tribunal (PBAT), explique qu’elle a déjà rencontré une petite fille de 12 ans qui était enceinte. «Cette fille n’avait visiblement pas la moindre idée de ce qu’était l’acte sexuel. L’éducation sexuelle est primordiale. Il ne faut pas parler que des aspects techniques mais il faudrait aussi donner une dimension humaine.» Elle ajoute que les parents devraient dire la vérité aux enfants et ne pas utiliser un langage voilé. «Il faudrait dire aux enfants jusqu’où ils peuvent aller. Un enfant qui a un enfant, ce n’est pas une bonne chose.» Shirin Aumeeruddy-Cziffra estime également que les jeunes sont moins encadrés à présent. «Quand on parle d’éducation sexuelle, beaucoup de parents sont contre. C’est toujours tabou, ils croient que quand on va expliquer les relations sexuelles aux enfants, ils essaieront. Il faut enseigner la responsabilité sexuelle et mettre l’accent sur l’aspect humain.» Pour Monique Dinan, du Mouvement d’aide à la maternité (MAM), les jeunes ne semblent pas avoir de retenue ces jours-ci. «Il n’y a qu’à voir les élèves. Ils ont des amours de jeunesse très profonds, passionnés et finissent trop souvent par avoir des relations sexuelles.» Et d’ajouter que maintenant tout est accepté. «Il y a un travail à faire pour situer les responsabilités, pour les garçons comme pour les filles.»
Un fils d’un mois à 15 ans
C’est une adolescente qui, il y a un an, pensait que son avenir était tout tracé. Une fois les études secondaires terminées, elle se voyait à l’université et, un jour, travailler comme architecte. Mais en septembre dernier, en se rendant à l’hôpital pour ce qu’elle pensait être une gastro, elle comprend qu’elle est enceinte de trois mois. À 15 ans, elle devient maman (photo).
«Ma fille m’a déçue. J’avais de grands espoirs pour elle. Elle a toujours été très intelligente et fréquente d’ailleurs un excellent collège», explique la mère de l’adolescente. Nous l’avons rencontrée à son domicile dimanche matin. Son bébé dans les bras, l’élève regarde le sol. Le bébé est né en mars, il a à présent un mois. Cependant, elle a pu compter sur le soutien de sa maman. «Après ma colère, j’ai compris que si j’abandonnais mon enfant, elle risquerait de prendre une mauvaise voie. Et puis, je ne voulais pas mettre sa vie en danger en choisissant un avortement. C’était hors de question», dit la mère.
Comment cette fille qualifiée de brillante par ses proches, est-elle tombée enceinte ? Timide, elle explique qu’elle a fait connaissance de son copain dans une fête. «Je suis tombée amoureuse. On est sorti ensemble pendant quelques mois…» N’était-elle pas au courant des risques de tomber enceinte ? «Oui…Mais je ne pensais pas que cela m’arriverait à moi…» Mais une fois que l’homme de 22 ans a pris connaissance de la grossesse, il a pris ses distances. «Je n’ai pas voulu porter plainte, je voulais éviter que ma fille aille en cour, en sus de gérer études et bébé. Ma seule priorité c’est que ma fille puisse continuer ses études. C’est ce qu’elle a fait d’ailleurs, jusqu’à ses huit mois de grossesse», souligne la maman.
«Moqueries»
L’élève a continué à fréquenter son collège jusqu’à février. «J’ai pu compter sur le soutien de mes amis proches. Il y’avait des filles qui se moquaient de moi mais je n’ai pas pris tout ça en considération. J’ai tout fait normalement, sauf les classes d’éducation physique.» Elle devrait d’ailleurs reprendre le chemin de l’école dans deux mois. Même à la maison, elle n’a pas totalement décroché, ses amies lui apportent les notes qu’elle étudie soigneusement.
«J’espère que cela lui serve de leçon. J’ai été très claire, ses priorités devront être ses études et son bébé. Elle devra jongler entre. Bien sûr, elle pourra compter sur mon soutien mais c’est sa responsabilité», souligne la mère. Et d’ajouter qu’elle sait que sa fille n’est pas prête. «Une fois, le bébé pleurait et ma fille aussi s’est mise à pleurer. Elle ne comprenait pas pourquoi l’enfant pleurait, elle paniquait. C’est dur pour elle.» L’adolescente, elle, reste confiante de pouvoir gérer à la fois ses études et son bébé. D’ailleurs, elle dit ne pas se soucier du regard des autres. «Dimounn la pou kozé.»
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