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Grève de la faim: à la mode de chez nous

1 mai 2016, 20:00

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Grève de la faim: à la mode de chez nous

Des marchands ambulants qui ont menacé de faire souffrir leur estomac en signe de protestation. Des syndicalistes qui ont boudé la nourriture pour protester contre le rapport du Pay Research Bureau (PRB). La grève de la faim est une «arme» que l’on a souvent brandie ces derniers temps. Était-ce le dernier recours ? Les résultats ont-ils été probants ?

Oui, dans le cas de Jeff Lingaya. L’activiste et militant écologiste avait entamé une grève de la faim en 2013, pour protester contre le projet de centrale à charbon de CT Power. Celle-ci avait duré 13 jours, au bout desquels une National Energy Audit Commission avait vu le jour.

Mais il n’en était pas à son coup d’essai. En mars 2011, il avait entamé une première grève de la faim en signe de solidarité avec les employés d’Infinity BPO, après la fermeture de la boîte. Il a ainsi passé 21 jours sans se sustenter, alors que le centre d’appels a été mis en liquidation afin que les employés puissent être payés.

Avant d’en arriver là, dans les deux cas, il y a eu des lettres, des rencontres, des sollicitations et des manifestations, précise Jeff Lingaya. «Ce n’est que lorsqu’il n’y avait vraiment plus d’issue que j’ai eu recours à la grève de la faim», souligne-t-il.

Ses propos rejoignent ceux de Jayen Chellum, qui a, lui aussi, martyrisé son ventre, ses intestins et tout son système digestif, en 2010… La raison étant que le gouvernement d’alors avait supprimé les vivres de l’Association des consommateurs de l’île Maurice, dont il est le secrétaire général. Il avait ainsi refusé de s’alimenter pendant 12 jours. Allant même jusqu’à se raser le crâne devant le Parlement et se faire arrêter dans la foulée. Ébouriffant.

«Il avait ainsi refusé de s’alimenter pendant 12 jours. Allant même jusqu’à se raser le crâne devant le parlement et se faire arrêter dans la foulée. Ebouriffant.»

Mais avant cela, «nous avions d’abord rencontré la ministre de la Sécurité sociale et avions écrit pas moins de six lettres au Premier ministre afin que l’on puisse trouver une solution, mais en vain», fait valoir Jayen Chellum. Il ajoute que pendant cette période, il a travaillé sans avoir de salaire. La démarche s’est-elle avérée payante ? Affirmatif, puisqu’une rencontre avec les ministres Sithanen et Bappoo et deux heures de négociations plus tard, il obtenait gain de cause.

Oui, mais voilà. Ce n’est pas toujours le cas. Plus récemment, le 13 avril plus précisément, les syndicalistes Boopa Brizmohum et Rashid Imrith mettaient fin à leur courte grève de la faim, celle-ci ayant duré environ deux jours. Ils protestaient, en fait, contre certaines recommandations du rapport du PRB. Mais, ils ont dû se contenter de miettes, après une rencontre avec le ministre de la Fonction publique, Alain Wong.

Par ailleurs, si certains entament «vraiment» une grève de la faim, d’autres «trichent», affirme Catherine Boudet, qui a analysé le sujet sous toutes les coutures et écrit plusieurs articles à ce propos. Des noms à nous donner ? Non. Par contre, la triche est un des principaux ennemis de ce moyen de pression, fait valoir la journaliste et politologue.

Les ingrédients

La recette d’une bonne grève de la faim ? Le soutien de ses pairs, ses collègues et ses proches. Mais aussi une forte mobilisation et une grande visibilité, à travers les médias. L’endroit choisi a également son importance. Nombreux sont ceux, par exemple, qui optent pour le kiosque situé au Jardin de la Compagnie, devenu l’antre des grévistes de la faim. Parmi ceux qui y ont posé leur matelas : les membres des Verts Fraternels qui, en 2013 notamment, réclamaient une compensation pour les descendants d’esclaves. Ils sont restés sur leur faim, malgré les promesses des autorités, les manifestations, les courriers, entre autres.

L’historique


Si les grèves de la faim sont aujourd’hui «tendance», l’on retiendra que c’est le chef de file du MMM qui a été le premier à lancer la «mode», en 1971. Le parti avait alors pris la General Workers’ Federation (GWF) «sous son aile» et le négociateur avait pour nom Paul Bérenger. Au mois de décembre de cette année-là, la GWF entame une grève générale, ce qui paralyse le port, les transports et l’industrie sucrière, entre autres. Quelques mois plus tôt, Paul Bérenger, lui, avait entamé une autre grève de la faim. Pour Jack Bizlall, l’homme qui mène plusieurs combats et qui était proche de Paul Bérenger à l’époque, «cette grève qui a eu lieu au mois d’août était la plus importante, car elle a ouvert la porte aux actions syndicales». Cette soif de justice avait-elle eu des échos positifs ? «La démarche avait eu des retombées historiques et conduit à une augmentation de salaires de 12 %…