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La semaine vue par Gilbert Ahnee

5 juin 2016, 09:58

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La semaine vue par Gilbert Ahnee

 

Lundi 30 mai 2016

SVP, M. Dev, le Supplementary-là, ça passe pas par e-mail ? Quoi, y’a pas d’ordi au Sun Trust ? Ah, ils ont des tablettes mais pas de wi-fi…

Terrifieur n’est pas tagueur…

Terrorriste non plus. Avant 9/11 à New-York, avant le carnage de novembre dernier à Paris ou de mars à Bruxelles, les agresseurs n’ont pas prévenu leurs victimes de leurs projets. Le terrorisme ne pratique pas le teaser publicitaire. Ni les diverses déclinaisons du jihadisme en ce siècle, ni les Brigades Rouges, la bande à Baader ou les Républicains irlandais du siècle précédent n’ont lancé d’ultimatum ou prévenu de leurs méfaits à venir. Il y a surtout eu, ce lundi matin, un exercice de confirmation d’illétrisme, de surcroît par de vrais johalas – pluriel de jahil, ignorants, notamment des fondements de l’islam car désignant comme «prophète» le calife autoproclamé de Daech. Si ces esprits manifestement inéduqués étaient de surcroît effectivement animés d’une volonté de nuire, leur coming out anticipant l’action indiquerait bien qu’ils n’ont rien appris auprès des pros de la terreur.

Un premier questionnement préoccupant : combien de Mauriciens ont effectivement rejoint Daech en Syrie et en Irak ? Nous inquiétons-nous de savoir, également, combien sont retournés au pays, sont parmi nous ? Sont-ils aussi revenus au hanafisme des origines à Maurice, aux écoles de pensée de leurs pères, en sympathie avec notre société plurielle, ou restent-ils disponibles pour le salafisme combattant armé ? Il y a, là, une question de fond et cela ne concerne pas que nos concitoyens musulmans.

Deuxième questionnement : se pourrait-il que nous ayons assisté à une provocation manipulée pour entraîner le pouvoir à réagir plus brutalement que de raison ? Ultimement, au bénéfice de qui ?

Mardi 31

AN : M. Bhadain souhaite-t-il vraiment pendre Dawood Rawat et les autres ? On nous avait parlé d’un esprit moderne. Qui serait pro-pendaison ?

How it works

Succession. On a le droit d’être sceptique quant aux intronisations de fils. Surtout quand ils n’ont rien réalisé de très probant, n’ayant jamais rien été d’autre que des garson zot papa. On peut juger que Pravind Jugnauth n’a pas l’étoffe, le charisme ou la poigne requise pour diriger le pays. Ce sont des opinions, chacun est libre de les partager ou de penser exactement le contraire. En revanche, quand on se prononce sur la légitimité du choix d’un nouveau Premier ministre par le parti majoritaire, on a intérêt à ne pas dire n’importe quoi.

On a pu lire, sur les réseaux sociaux et ailleurs, que le pouvoir, si sir Anerood démissionnait, devrait revenir automatiquement au nº 2 du gouvernement, Xavier-Luc Duval. Ou qu’il faudrait de nouvelles élections pour légitimer Pravind Jugnauth. Balivernes ! Dans un système politique de type westminstérien, c’est du parti constituant la majorité à la Chambre ou, en cas d’alliance gouvernementale, du parti assurant le plus de membres à la majorité qu’est issu le PM.

Comptant 35 députés depuis la défection de Mme Selvon, le MSM, au pire, en aura 34, si SAJ avait déjà démissionné de l’AN lorsqu’il s’agira de désigner un nouveau Leader of the House et chef de gouvernement. Ce n’est pas la majorité absolue mais cela désigne clairement le parti à même de la rassembler.

Parfaitement autorisé à désigner Bodha, Jhugroo, Jahangeer ou Pravind Jugnauth comme PM. Choix, relevant de la démocratie interne du MSM. Comme Major après Thatcher ou Brown après Blair.

Mercredi 01 juin 2016

S’il y avait un métro, des voies dédiées à des autobus, bref, moins de voitures, y aurait-il moins d’accidents ? Peut-on en chiffrer le coût ?

Si éna kiltir, biznes marsé…

Y croire dur comme ferraille. Est-ce une déclinaison du matérialisme historique marxiste ? Est-ce la corrélation entre la créativité culturelle et la propriété des moyens de production et d’échange ? Jugez-en un peu, appréciez cette déclaration forte du tout nouveau président du Centre culturel télégou, Rajiv Gowressoo : «Si biznes gagné, kiltir marsé.» Cela pour justifier, croit-on, qu’il annonce la création d’une Telegu Business Chamber comme projet de son centre… Culturel. De nombreux Mauriciens acceptant l’amalgame entre culture et culte, le président Gowressoo se propose aussi de faire organiser à son centre des pèlerinages religieux.

«Pourquoi ne pas exiger que tous les Mauriciens de culture telugu connaissent obligatoirement la langue ? Nous allons faire un forcing en ce sens», déclare Rajiv Gowressoo, dans un Questions à… de l’express. Faudra-t-il légiférer pour mettre en oeuvre ce forcing ? Ne serait-il pas moins contraignant de faire découvrir la vitalité culturelle contemporaine de l’Andhra Pradesh et du Telengana ? Le premier roman en télégou, Rajashekara Charitra, de Kandukuri Veeresalingam, parut en 1878 et, depuis, des milliers d’oeuvres de fiction ont été publiées. Toutefois, selon les recensements disponibles, seulement une douzaine de ces ouvrages ont été traduits. On en trouve une liste sur le site www. telegu. com et M. Gowressoo pourrait trouver là une porte d’entrée peut-être plus… ouverte – pour un centre culturel – qu’une chambre de commerce à admission limitée.

Romans, théâtre, cinéma, kuchipudi, cuisine, peinture narrative nakashi… Vraiment de quoi… ne pas chambrer commerce ainsi disposé…

Jeudi 2

Un fusil à lunette est-il une arme de défense ? Estil autorisé pour la chasse sportive du cerf, du sanglier, du lièvre, voire du tangue ?

Prévenir surtout

Libre adhésion. De 1967 à 1974, la Grèce fut dirigée par une junte militaire, le régime des colonels. Ils avaient interdit, entre autres, la minijupe, la musique des Beatles, les chansons de Mikis Theodorakis. Aujourd’hui, on a même inventé la microjupe, Paul McCartney a été anobli et Theodorakis est devenu, en 1990, ministre du gouvernement grec. Comme quoi interdire ne sert à rien. Et d’ailleurs, si un régime militaire peut réprimer des courants de pensée qu’il réprouve, une démocratie ne peut le faire, faute de renoncer à ce qui la définit, précisément, la démocratie. Et c’est la raison pour laquelle nous ne pouvons combattre, par la force, le harcèlement ou la répression, les courants islamistes qui pourraient nous sembler salafistes ou djihadistes, au sens donné à ces mots par Daech, Boko Haram ou les Shebab.

On a du mal à concevoir qu’une famille mauricienne puisse, en vue de retrouver un beau-frère, se rendre allègrement en zone dangereuse, sur la frontière de la Turquie et de la Syrie. Mais on devra croire ce concitoyen qui nous affirme qu’il n’est pas de l’école de pensée d’Abou Bakr Al-Baghdadi, le calife de l’Etat islamique. Celui que les auteurs de l’attentat à la bombe… Aérosol décrivaient, sur les murs de l’ambassade de France, comme leur «prophète», ce qui les sépare fondamentalement de l’orthodoxie sunnite.

Ni réprimer, ni faire confiance à ces «religieux» qui voudraient nous faire admettre que, désormais, l’habit et la barbe font le moine. Intégrer plutôt. Comment ? Commençons à y réfléchir.

Vendredi 03 

La réciproque – une ambassade mauricienne au Japon – est plausible. Enfin peut-être en Asie le critère de compétence plutôt que l’origine…

Diversité favorisée

Différences positives. Théoriquement, nous proclamerons tous que les sociétés les plus innovantes, les universités engageant les recherches les plus pertinentes sont celles dont les ressources agissantes sont les plus diversifiées. Pratiquement, concrètement, une grande majorité d’entre nous dira aussi que le secteur privé mauricien – surtout quand nous utilisons ces deux mots pour évoquer le plus old money de notre monde des affaires – ne rend pas suffisamment compte de notre diversité. Cela est vrai et certaines grandes entreprises comprendraient mieux, du moins plus rapidement, le marché mauricien si leurs équipes de cadres, voire leurs boards, étaient davantage pluriels. Ce manque de diversité, toutefois, on l’évoque moins pour expliquer les dysfonctionnements du secteur public où c’est davantage l’appartenance partisane qui clôture et exclut.

Ah, tiens, cela est moins souvent évoqué, cela pourrait même être l’objet d’une sorte de tabou : les défauts de diversité de nos quartiers d’habitation. Des lotissements où le prix de la perche exclut les moins fortunés aux régions où des immigrants venant d’un pays avec une longue histoire de ségrégation sont parfois accusés de vouloir recréer un univers disparu. Puis aussi ces quartiers mauriciens devenus, au cours du dernier demi-siècle, des neighbourhoods n’accueillant plus qu’une seule communauté ethnique.

S’il y avait effectivement des Mauriciens gagnés à l’idéologie de Daech, quelle serait la probabibilité qu’ils viennent d’un de ces quartier ? Là où on a peu l’occasion de partager la convivialité du voisinage avec des Mauriciens d’autres religions ou cultures. Et cet éloignement, nous en sommes tous responsables.

Samedi 4 

Doit-on s’assurer qu’il y ait toujours au moins une femme on duty dans les postes de police ? Pour éviter à des victimes de l’être à nouveau…

The return of the Jedi

Tonbé-lévé bizin admet. Estce imputable à Roland Garros, aux matches presque simultanés de l’Euro et de la Copa América qui s’annoncent, voire aux incidents de la rue St-Georges ? Lassitude après une actu ministérielle agitée, enthousiasme sportif ou stupeur, le fait est que l’ambiance dans le pays a changé ces derniers jours. Et qu’on le veuille ou non, cela a aussi correspondu au retour aux affaires de Pravind Jugnauth. On entrevoit mieux aujourd’hui ce qu’est susceptible d’être la stratégie du MSM pour conserver le pouvoir. Cela semble moins aléatoire qu’il y a un mois et, qu’on soit partisan ou non du soleil, force est d’admettre que le pays est moins condamné, désormais, à une instabilité prolongée.

Le calendrier n’a pas laissé beaucoup de temps au leader du MSM pour mettre à l’épreuve le regain d’avenir que lui a valu le jugement en appel contre sa condamnation préalable. En effet, dans moins de deux semaines, Pravind Jugnauth devra présenter le Budget 2016/17, le cinquième discours budgétaire de sa carrière. Avec si peu de temps pour laisser son empreinte sur l’exercice, le ministre aurait peut-être intérêt à annoncer des objectifs modestes mais à coup sûr réalisables, de quoi lui donner de bâtir sa crédibilité à ce poste avant, éventuellement, de faire valoir des ambitions plus élevées.

La politicaille nous a suffisamment occupés ces derniers mois. En sympathie avec le pouvoir ou nous méfiant toujours de lui, nous pouvons néanmoins souhaiter travail et sérieux pour les trois ans qui restent. Apré nou gété…