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Amputé d’un bras à cause de la drogue
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Amputé d’un bras à cause de la drogue
Yannick (prénom modifié), 33 ans, vit dans un réduit haut perché dans un immeuble port-louisien. Sa mère, Francette, qui est à la retraite et qui vit à la périphérie de la capitale, lui prépare tous les jours son dîner qu’il emporte avec lui lorsqu’il se rend dans le centre d’appels où il est employé comme opérateur commercial.
Il a connu le pire après avoir goûté pour la première fois à la drogue: l’idée obsédante du besoin de substance, les symptômes de manque qui prennent aux tripes, les cures de désintoxication et les périodes d’accalmies auxquelles s’enchaînent les rechutes, quelques courts séjours en prison pour vol et recel, la gangrène en raison de veines engorgées par l’injection d’un psychotrope et l’amputation du bras récepteur qui, estime-t-il, aurait pu avoir été sauvé, n’était-ce l’attitude négative des médecins. Le coup de grâce est venu avec l’annonce de sa séropositivité.
Il est clean depuis deux ans. Pour le plus grand bonheur de sa mère, Francette, une brave femme à qui la vie n’a pas souri. Lorsqu’elle épouse le père de Yannick, au lendemain de sa nuit de noces dans un campement d’Albion, elle découvre que son mari se drogue. Comment ne l’a-t-elle pas remarqué plus tôt? «Autrefois, nous n’en savions pas autant à propos de la drogue et des drogués.» Elle patiente neuf mois, espérant que son mari changera de vie, à défaut de le faire pour ses beaux yeux, pour ceux de l’enfant à naître.
«Papa ti ladan é mo ti anvi koné, lot lot. Apré ena kamwad, fasilité, lot lot.»
C’est peine perdue. Elle le quitte à la naissancede Yannick. Douée pour la couture, elle prend de l’emploi comme machiniste dans une usine de la capitale et travaille comme une forcenée. Elle n’empêche pas Yannick de voir son père, qui est régulièrement emprisonné. «So papa intelizan. Ti pass Form VI tou, mé so trwa kar létan fini dan prizon akoz ladrog.» Yannick rend parfois visite à son père en prison.
Le jeune homme fréquente une école privée. C’est là qu’il «touss-touss» à la drogue. Ça commence par du gandia et puis il passe au brown et ensuite à l’héroïne. Il goûtera même au synthétique. Pourquoi avoir essayé alors qu’il a eu l’exemple paternel sous les yeux? «Papa ti ladan é mo ti anvi koné, lot lot. Apré ena kamwad, fasilité, lot lot.» Cela ne l’empêche pas de prendre de l’emploi. Lorsque sa mère se rend compte qu’il est drogué, elle l’envoie en cure de désintoxication. C’est ainsi qu’il fréquente le Centre d’Accueil de Terre-Rouge à deux reprises et le Centre de Solidarité. À chaque fois, c’est la rechute après plusieurs mois d’abstinence . Sa mère se saigne pour l’envoyer au CRAC à Mont-Lubin, Rodrigues. «Apré bann ti répo, mo résité akoz lanvironman kot mo ti été, mo retonb net.»
«Ladrog vinn tou solision pou tou zafer, ou priorité, ou tou. Mo ti koné mo pé détrir mwa mé mo pa kapav fer nanyen. Mo ti pé viv enn lamor lant.»
Yannick avoue avoir dépensé beaucoup d’argent. Il a épuisé son salaire car il a presque toujours travaillé. Mais à un moment donné, il vivait de façon «bric à brac, trasé, kokin dan lakaz brit kot gagné telman mo ti akro». Jusqu’à l’heure, il est incapable de dire ce qu’il recherchait dans la drogue. «Ladrog vinn tou solision pou tou zafer, ou priorité, ou tou. Mo ti koné mo pé détrir mwa mé mo pa kapav fer nanyen. Mo ti pé viv enn lamor lant.»
Sa mère, c’est presque son Dieu. «Toulétan mama inn souténir mwa, linn trouv travay pou mwa met mwa dan sant. Boukou fwa mama inn ploré. Li al ziska vinn rod mwa dan baz kot mo pé piké, dan biro CID lot lot, vinn get mwa dan prizon, li pa larg mwa.»
Un jour qu’il s’injecte un psychotrope, il sent que sa veine bloque. Son insistance rend son bras inerte. Yannick se rend alors à l’hôpital. Là, dit-il, le médecin se contente de lui donner des calmants. «Dokter-la dir mwa pa fer tapaz, al lakaz et pran konprimé.» Il s’exécute. Mais son bras lui fait un mal de chien et le lendemain, il va de nouveau à l’hôpital. Il essuie le même traitement. «Monn sey pas douler-la ar ladrog.» Francette voyant le bras de son fils passer du gris au bleu et virer au noir, l’emmène rapidement à l’hôpital où on le prend au sérieux. Le médecin aurait déclaré: «Sa nepli soutiré. Koupé.» C’est ainsi qu’il est amputé du bras droit le 1er juin 2011. «Mo pansé zot ti kapav sov lébra-la mé parski mo drogé… »
Cette amputation constitue le début d’une prise de conscience. Il recommence certes à se shooter mais réalise peu après qu’il s’est fourvoyé, qu’il est «plin ar ladrog. Lavi la toulétan mem zafer. Lontan pik enn sel kout alor ki zordi bizin pik kat-sink kout ek pa résanti nanyen. Mo koné mo pé detrir mo mama, mo fami.» Yannick se fait alors inscrire sur le programme de méthadone. Décidé à s’en sortir, il prend sa méthadone quotidiennement et travaille tranquillement. Il a d’ailleurs pris sur lui pour diminuer sa dose de méthadone et la ramener à un bouchon par jour car il ne veut pas en être esclave. «Mo pa resanti mank. Mo dormi, manzé ek viv.»
«Cela fait deux ans que je vis sans drogue mais la peur de rechuter m’habite toujours.»
Son monde s’est écroulé lorsqu’on lui a appris sa séropositivité. Il s’est accroché à la vie à cause de sa mère. «Monn adapté mo lékor ar antirétroviraux. Mo al testé mo bann antikor toulémwa. Mo afilié ar PILS ek Vivre+, é si mo pé kozé zordi, sé pou mo mama. Mo koné mo koz mem langaz ki bann zenn. J’ai envie de leur dire de ne jamais commencer à se droguer. Tournez-vous vers les gens qui seront de bon conseil et qui sauront vous détourner de cette route destructrice.»
S’il est venu habiter la capitale, c’est pour se tenir éloigné de son ancien environnement et éviter toute rechute. «Cela fait deux ans que je vis sans drogue mais la peur de rechuter m’habite toujours. Mo lé res lwin ar sa.» Il a obtenu une prothèse de la Global Rainbow Foundation qu’il porte «dan lokazion bizin prézanté ek met simiz, par exanp enn mariaz, lot lot. Mé éna tro enn ta mékanik ar li. Li zis estétik.»
Il s’estime chanceux d’être encore en vie. «Enn ta kamarad inn déza mor.» Il sait qu’à 33 ans, il a déjà brûlé la chandelle par les deux bouts et ne fait aucun plan d’avenir. «Mo pa finn plann bel bel zafer pou lavénir parski ninport kiler tou kapav sanzé ar sa malad la. Mo travay, mo rant kot mwa, mo dan mo kwin trankil. Mo mama korek, mo korek…»
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