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Ciné: un traître idéal, un polar haletant
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Ciné: un traître idéal, un polar haletant
Perry Makepiece, professeur à Oxford, et sa compagne Gail Perkins, avocate, sont un couple d’Anglais en vacances à Marrakech. Ils font un soir la connaissance de Dima Krasnov, un milliardaire russe extravagant et charismatique, et le lendemain, sympathisent autour d’une partie de tennis. En peu de temps, Dima devient l’ami du couple qui fait alors connaissance avec sa famille élargie. Son épouse Tamara souffre de stress post-traumatique et le couple a un fils de quatorze ans. Ils ont aussi adopté les deux filles adolescentes d’un couple d’amis assassinés et il y a Natasha, née d’une aventure extra-conjugale de Dima.
Un soir, l’homme d’affaires finit par avouer à Perry et Gail que son activité consiste en fait à blanchir l’argent de la mafia russe. Il aimerait se retirer des affaires, mais sa vie et celle des siens serait alors menacée. C’est pourquoi, il demande à ses nouveaux amis de servir d’intermédiaires entre lui et les services secrets britanniques dont il sollicite la protection en échange d’informations. Perry et Gail acceptent. Ils vont vite se retrouver dans un univers où la moindre erreur de jugement peut leur coûter la vie…
LA NOTE : 7/10
Ces dernières années, les adaptations de John Le Carré se multiplient sur grand écran: La Taupe, Un homme très recherché, pour ne parler que des plus récentes. Les histoires sont bien écrites, pleines de rebondissements, et permettent d’en faire des adaptations cinématographiques relativement faciles. Ici le scénario est signé par Hossein Amini, le réalisateur de The Two Faces of January et le scénariste de Drive. Autant dire que nous sommes en de bonnes mains.
Sans trop dévoiler le dénouement d’Un traître idéal, dans les derniers temps du récit, a lieu un face à face tendu. Les deux duellistes sont cadrés, serrés, au maximum en plan américain, volontairement placés dans un appartement étroit. L’un donne à l’autre un objet qui s’est transmis de main en main durant tout le film. Les détenteurs de cet objet ont tour à tour été tués. Le fait même de le recevoir est de l’ordre d’une condamnation à mort.
La mise en scène tendue donne l’impression que la narration va une nouvelle fois rebondir – comme elle l’a fait plusieurs fois durant le film – et dévoiler le traître qui aurait très bien pu tirer les ficelles du récit. Il y a des indices pour le croire. Sauf que non, le suspect tout désigné s’avère bel et bien intègre.
Quelques minutes plus tôt, une scène de fusillade s’annonce. La réalisatrice Susanna White nous y prépare en enchaînant les plans d’attente. La menace est là quelque part au milieu des Alpes françaises. Mais le temps passe sans que le déchaînement de violence attendu ne survienne. Et puis un chien se met à japper, un animal qu’on croyait jusqu’alors n’être qu’un simple élément de décor mais qui se révèle en fait un moyen d’alerte pertinent pour des agents secrets en planque. Les combattants partent au front mais la caméra reste avec les civils qui se terrent dans la cave. Toute la fusillade reste hors champ, seulement perceptible au son. Le procédé anti-spectaculaire n’est pas nouveau mais la remontée à la surface n’en est pas moins angoissante.
Voici en deux séquences résumer comment Susanna White traduit en images l’univers de John Le Carré. Venant de la télévision où elle a réalisé de nombreux épisodes de séries (pour Generation Kill ou Broadwalk Empire, entre autres), elle filme en courte focale au plus près des acteurs. Les plans larges se comptent ainsi sur les doigts de la main. Tout au long du film, elle va s’attacher à faire évoluer l’action dans un tout petit périmètre.
Ce choix de mise en scène lui permet d’insister sur l’une des composantes essentielles des livres de John Le Carré. L’espionnage n’y a rien à voir avec celui que nous conte un James Bond ou un Jason Bourne. Les gadgets ultra-sophistiqués n’existent pas, seul compte le renseignement humain avec sa part de manipulation. Les agents secrets travaillent non pas en solitaire, mais en cellules autonomes de quelques individus, ce qui renforce la sensation d’un huis clos étouffant, propice à l’élaboration d’un suspense basé sur la psychologie des personnages et les rapports de force géopolitiques dont ils ne sont que les marionnettes.
En adoptant cette forme volontairement rétractée, Susanna White fait aussi ressurgir le questionnement moral au coeur du travail d’écriture de l’auteur britannique: la notion de traîtrise. Pour lui, sans traître, il n’y a pas de récit. C’est celui qui crée le mouvement initial. Plus globalement, le surgissement du traître amène les autres personnages présents à s’interroger par effet miroir sur leur propre nature. Ce point de vue est particulièrement intéressant car il traite en simultané de l’image renvoyée en premier lieu, belle d’apparence, et de son envers moins glorieux, ce qui crée à l’écran une tension permanente entre ce qui est montré et ce qui est tu.
Quand elle ne se perd pas dans quelques ralentis et autres effets de flou superflus, Susanna White sait parfaitement capter l’essence et la subtilité du propos de Le Carré. À voir pour les fans de bon polars bien ficelés.
FICHE TECHNIQUE
Titre original : Our Kind of Traitor
Genre : Espionnage, thriller, drame
Durée : 1 h 50
De : Susanna White
Avec : Ewan McGregor, Naomie Harris, Stellan Skarsgård, Damian Lewis, Alicia von Rittberg, Velibor Topic
Salles : Star Caudan, La Croisette, Bagatelle
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