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Bullying dans les collèges: un phénomène inquiétant

26 juin 2016, 21:06

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Bullying dans les collèges: un phénomène inquiétant

 

Coupe de cheveux hors norme, rarement en uniforme, le bully (tyran) par excellence tient à tout prix à se démarquer des autres élèves. C’est ce que laissent entendre de nombreux enseignants et recteurs que l’express a interrogés pour apporter un éclairage sur les brimades (bullying), véritable fléau qui ronge des établissements scolaires du pays. La semaine dernière, deux cas ont été enregistrés, à la Mahatma Gandhi Secondary School (MGSS) de Nouvelle-France et au John Kennedy College (JKC) respectivement. Qui sont ces élèves ? Pourquoi terrorisent-ils leurs semblables ? Incursion.

«Les brutes de l’école sont, pour la plupart, des élèves qui ont un problème de personnalité. Ils effraient les autres élèves en tentant de les intimider physiquement ou en les harcelant moralement», fait ressortir Yash Bujun, le Head Boy du collège Royal de Port-Louis (RCPL). Et de préciser que ces tyrans cherchent souvent à soutirer de l’argent ou de la nourriture à leurs victimes (des élèves plus jeunes qu’eux), ou les harcèlent tout simplement pour montrer leur force. «La plupart du temps, les tyrans viennent de familles pauvres ou vivent des situations familiales difficiles», fait-il valoir.

Ally Yearoo, président de l’Education Officers' Union, explique que les tyrans tentent toujours de se démarquer, en adoptant un look qui les différencie des autres collégiens, avec un style vestimentaire hors norme, par exemple. «Ils portent rarement l’uniforme», dit-il. Et d’ajouter que ces intimidateurs opèrent en groupe, avec quelques «ringleaders» et des suiveurs. C’est l’influence de leurs pairs (peer pressure), selon cet enseignant, qui encourage des élèves à  harceler leurs condisciples. Une tendance qui prend forme dès la Form III, dans la majorité des cas.

 AllyYearoo fait état de deux exemples. Il y a ceux dont les places sont réservées sur les banquettes arrière de l’autobus. Les «petits» n’y ont pas droit. AllyYearoo explique qu’il y a de plus en plus de cas impliquant des téléphones portables. «Si un élève a un téléphone dernier cri, les tyrans peuvent le  lui voler ou simplement l’endommager.»

Dans de nombreux cas, des élèves plus âgés réclament de l’argent aux plus jeunes pour s’acheter de l’alcool et des cigarettes. Selon un recteur ayant longtemps travaillé dans un collège dit «difficile», les brimades   découlent souvent d’une habitude.

Humiliation profonde

«Il y a des cas où un élève demande, par exemple, à un plus jeune de lui acheter à manger. Cela se fait une fois, deux fois, et puis cela devient une obligation», indique le recteur. Dans les collèges pour garçons, le fait de «pran nisa» est aussi un type de brimade, poursuit-il. Des adolescents timides sont notamment affublés d’un sobriquet méprisant et risible.

Le harcèlement scolaire est, cependant, loin d’être un phénomène nouveau. Comme en témoigne un ancien élève du collège Royal de Curepipe dans les années 80. «À cette époque-là, les élèves des grandes classes descendaient nos pantalons quand on marchait dans la cour de l’école. Et puis, ils nous empêchaient de jouer au foot sur le terrain. Si on faisait de la résistance, on recevait des coups», explique ce quadragénaire aujourd’hui devenu enseignant. Il soutient qu’à présent, l’Internet a tout changé. La possibilité de filmer et de poster des clips crée ainsi une prise de conscience.

Quand ces brimades dégénèrent- elles ? Selon les enseignants interrogés, c’est lorsque les «petits» font de la résistance. «Tant que les jeunes encaissent sans rien dire, il est rare que les tyrans utilisent la force. Du moment que les premiers décident de résister, cela risque de mal se passer», confie un enseignant d’une Star School.

Les collégiens victimes arrivent-ils à en parler ? Pour Ally Yearoo, il est difficile, pour les garçons surtout, de s’exprimer, l’humiliation étant trop profonde. «Parfois, nous (NdlR : les enseignants) remarquons que le comportement de certains élèves a changé. Nous les interrogeons en privé et c’est là que nous apprenons qu’ils ont été harcelés par leurs camarades », souligne-t-il.

Interrogé sur le cas d’intimidation au JKC, Taariq Abdullatif, Head Boy, déclare qu’il s’agit d’un incident isolé. «Le bullying n’a pas lieu uniquement à l’école mais est omniprésent dans la société. Il y a également le cyber bullying. Il n’y a pas qu’au JKC que des cas de brimades existent.» Il affirme que les adolescents devraient être encouragés à dénoncer ces actes de violence s’ils en sont victimes. «C’est un acte qui cause des dommages énormes. Il faut dénoncer pour décourager les tyrans.»

Sommes-nous bien équipés pour lutter contre les brimades dans les écoles ? Pour Ally Yearoo, ce n’est pas le cas. «Le personnel enseignant croule sous tout le travail qui leur est attribué. La discipline est reléguée au second plan», dit-il. Et de rappeler que la demande d’affecter un Discipline Master dans les écoles secondaires n’a pas été retenue. Même si, en théorie, un psychologue doit être attaché à chaque établissement secondaire, celui-ci ne s’y trouve pas en permanence.

Pour sa part, le Head Boy du RCPL est d’avis que le système éducatif mauricien n’adopte pas une approche holistique. «Les écoles sont là pour des besoins institutionnels et n’arrivent pas à inculquer les valeurs civiques. Avec la montée de l’indiscipline et une attitude qui prône le laisser-aller, cela devient encore plus difficile de contrôler la situation.»

Une solution ? Pour Yash Bujun, le «student monitoring» doit être introduit. «Le modèle éducatif finlandais est un bon exemple. Les sanctions et règlements ne sont que des moyens utilisés pour effrayer les élèves. Il faut voir le problème à la base et adopter une approche holistique avec le sens des valeurs.»


Versions des faits divergentes au MGSS

<p>La&nbsp;MGSS de Nouvelle-France était sous le feu des projecteurs cette semaine. Un cas de &laquo;bullying&raquo; a été rapporté dans la presse. Un élève en Upper VI a fait plusieurs dépositions à la police sans que rien ne change. Son<em> &laquo;calvaire&raquo;</em> durerait depuis deux ans. Il soutient que ses anciens amis le harcèlent.<em> &laquo;Nous étions dans la même classe, mais après l&rsquo;examen du SC, ils ont redoublé et pas moi.&nbsp;C&rsquo;est là que mes problèmes ont débuté.&raquo;</em> Ils auraient commencé par des moqueries, pour ensuite l&rsquo;agresser physiquement. L&rsquo;élève indique avoir rempli un<em> &laquo;Form 58&raquo;</em> à l&rsquo;hôpital à deux reprises.<em> &laquo;Une fois, c&rsquo;était des coups au ventre et une autre, ils ont essayé de me pousser hors du bus qui était en marche.&raquo;</em> Il affirme que malgré ses nombreuses plaintes à la direction, rien n&rsquo;a été fait.<em> &laquo;La première fois que je suis allée voir le recteur, son seul souci était que je n&rsquo;aille pas vers les médias&raquo;,</em> s&rsquo;insurge sa mère. On lui aurait dit que la police ne peut intervenir quand des mineurs sont impliqués.</p>

<p>Après plusieurs plaintes, la direction a finalement proposé des solutions, mais qui étaient comme un emplâtre sur une jambe de bois, selon la mère. <em>&laquo;Ils m&rsquo;ont demandé de dire à mon fils de cesser de voyager par le bus scolaire et de passer la récréation au staff room. Ce ne sont pas des solutions durables.&raquo; </em>Pas plus tard que lundi, elle a dû retourner au collège 15 minutes après avoir déposé son fils car ce dernier s&rsquo;était encore fait agresser. Après maintes rencontres avec la direction, une solution a été trouvée en fin de semaine. L&rsquo;enfant devrait être en permanence accompagné &nbsp;d&#39;un <em>&laquo;Discipline Master&raquo; </em>à l&rsquo;école. La direction donne, elle, une tout autre version des faits. Un membre du personnel explique que l&rsquo;élève en question est à l&rsquo;origine de plusieurs cas d&rsquo;intimidation. Il se ferait passer pour &nbsp;victime afin de&nbsp;se protéger.<em> &laquo;C&rsquo;est pour cette raison&nbsp;que les élèves ont fait un sit-in contre son retour.&raquo;</em></p>