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Une attention personnalisée aux enfants de SOS Village
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Une attention personnalisée aux enfants de SOS Village
C’est à l’étage d’une maison située non loin du collège La Confiance, à Beau-Bassin, que Marie-Lourdes Martin, 50 ans, a pris ses quartiers en décembre dernier avec six enfants de trois fratries, âgés de neuf à 17 ans. Mercredi 22 juin, lorsque nous débarquons chez eux, elle trie des brèdes qui figureront au menu du soir, tout en bavardant avec Ingride, 14 ans. Dehors dans la cour, Anu et Nathalie attendent le retour du frère de la première citée pour l’accompagner chez son instituteur de leçons particulières. L’ambiance est à la relaxation et à la franche camaraderie.
Cela fait quatre ans et six mois que Marie-Lourdes Martin a pris de l’emploi à SOS Village, après des années de labeur en usine et dans une blanchisserie. Divorcée et mère d’une fille qui lui a donné trois petits-enfants, elle avait toujours dans l’idée qu’un jour, elle s’occuperait de personnes âgées en institution. Entre-temps, une connaissance lui propose de faire du baby-sitting de deux enfants. Son amie, à qui elle s’en ouvre, est employée à SOS Village et lui conseille d’en faire autant en raison d’une plus grande sécurité d’emploi. Elle se laisse convaincre. C’est ainsi qu’elle intègre le village situé à Beau-Bassin et, pendant neuf mois, elle agit comme «tante» d’un groupe d’enfants, puis comme «maman SOS».
Pour elle, c’est une révélation. «J’ai pris la responsabilité de six enfants. Ils pouvaient se montrer difficiles parfois, mais nous étions proches. Oui, il y a certes des fois où j’étais sur des charbons ardents. Et le jour où j’ai le plus souffert, c’est quand l’un d’eux a été placé au Rehabilitation Youth Centre. Sé la ki mo ti gagn plis douler. Mem si zot fer mové parfwa, mo konsider zot kouma mo zanfan.»
«Ce sont mes héritiers, mo lafors. Kan nou partazé, zot donn mwa boukou. Pou mwa, li plis ki enn travay.»
Les choses lui tiennent tellement à coeur qu’elle ne prend pas son congé hebdomadaire régulièrement. Une décision pas toujours bien vue par ses proches, qui ne comprennent pas pourquoi elle ne se ménage pas du temps à elle. «Je leur explique alors qu’entre le faire et le dire, il y a un pas. Bizin viv sa moman-la pou ou koné ki so rézon. Ce sont mes héritiers, mo lafors. Kan nou partazé, zot donn mwa boukou. Pou mwa, li plis ki enn travay.»
Ce n’est pas pour autant qu’elle a fait une croix sur sa vie privée. «Encadrer des enfants ne m’a jamais empêchée de vivre ma vie personnelle. Monn soizir kikenn ki kompran mo langazman ek ki pa pou met baton dan larou.» Les bons moments, elle les a vécus «presque tous les jours avec mes collègues, le personnel et mes ‘enfants’».
Au bout de quatre ans de ce régime, elle se laisse tenter par le modèle de SOS House-in-Community. «On m’a demandé d’essayer. J’ai dit que je ne pouvais en garantir le succès, mais que j’étais prête à tenter l’expérience.» Elle s’est alors retrouvée avec six adolescents. Cette période entre l’enfance et l’âge adulte n’est pas une étape toujours facile. «Oui, mais moi aussi je redeviens adolescente avec eux et on se comprend.»
Elle ne s’attendait pas à ce que la vie soit aussi agréable hors du village. «À SOS Village, notre vie était plus structurée et réglée comme du papier à musique. Là, j’arrive à leur donner une attention individuelle.»
«Ici, c’est plus libre et plus participatif.»
Ses journées sont un peu particulières. Du lundi au vendredi, elle prépare les enfants pour l’école et, dans l’après-midi, elle attend qu’ils rentrent. Une fois qu’ils sont de retour à la maison, et s’ils n’ont pas de cours particuliers, ils regardent les «tikomik» à la télé jusqu’à 17h15. Puis, place aux devoirs de classe. À 18h30, la télé est rallumée pour regarder les séries «palab». Et ensuite, c’est le dîner en famille. Après avoir visionné les informations télévisées, ils se rencontrent pour prier et évoquer leur journée respective, de même que les difficultés rencontrées.
En étant seuls en famille au sein de la communauté, cela leur a permis de resserrer les liens et de faciliter la communication. Marie-Lourdes Martin fait de l’écoute active et donne des conseils éclairés sur tous les sujets. Même les questions de sexualité sont abordées et répondues en toute franchise. «Ici, c’est plus libre et plus participatif», précise-t-elle.
Ses «enfants» le reconnaissent. Ingride, qui a passé dix ans au SOS Village des enfants de Beau-Bassin, aime cette cellule familiale restreinte en comparaison avec la structure du village. Anu, 16 ans, qui a aussi passé dix ans au village, évoque une facilité de dialogue et de partage en petit groupe. «Ler nou kozé, maman/matant kapav ékout nou ek okip nou plis. Mo prefer sa formul-la», dit-elle, tout en avouant que ses parents biologiques lui manquent parfois. Mais elle n’aurait pas voulu vivre avec eux.
Nathalie, 16 ans, qui a connu aussi bien le village de Beau-Bassin que celui de Bambous, regrette ses camarades. «Laba ti ena boukou kamarad. Par contre, lorsque nous avions un problème à évoquer au village, il y avait tant d’enfants que la maman disait ‘taler to vini mai apré li bliyé. Ici, c’est le partage parce que nous sommes comme une vraie famille. Et puis, dans les villages, avec le grand nombre d’enfants, il y avait beaucoup de bagarres, de petites crises de jalousie et d’hypocrisie, surtout entre les adolescents. Ce n’est pas le cas ici.»
Christina Appadoo, General Manager du SOS Programme qui coordonne ce projet de SOS House-in-Community, déclare que dans les villages, les repères familiaux se desserrent à l’adolescence et la pression des pairs joue à fond. «Et c’est le plus souvent une peer pressure négative. Ici, ils vivent comme en famille et Marie-Lourdes leur donne la vie la plus confortable possible.» Cette attention de tous les instants commence déjà à porter ses fruits. «Que ce soit au niveau éducatif, à celui du langage ou du comportement, les enfants ont évolué de façon positive. Il y a un progrès visible. Cette formule facilite la préparation à la réinsertion sociale.»
Qu’en pensent les propriétaires qui vivent au rez-de-chaussée? «Ils sont très gentils et ont une conscience sociale très développée. Personne, pas même les voisins, ne met une étiquette d’enfants de SOS Village sur eux. Ils les ont très bien accueillis au sein de leur communauté.» Énoncé que seconde Nathalie. «Tous les voisins sont gentils avec nous et nous donnent des gâteaux dès qu’il y a une fête.»
Christina Appadoo précise que les enfants resteront là jusqu’à ce qu’ils soient autonomes à tous les niveaux. «Ziska ki nou kapav tom dan nou lakaz», ajoute Nathalie qui a la langue bien pendue.
Ce projet vient de se répliquer à Eau- Coulée, où les propriétaires de la maison sont aussi accueillants que ceux à Beau-Bassin. SOS Village recherche des «mamans», des «tantes» et des couples pour étendre ce projet sur plusieurs autres régions. «C’est un projet vraiment prometteur…»
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