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Aurélien Azie, «champion du monde» du SC 2015: «Le secret, c’est la passion»
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Aurélien Azie, «champion du monde» du SC 2015: «Le secret, c’est la passion»
A 16 ans, il vient de recevoir les honneurs de l’université de Cambridge. La raison? Aurélien Azie fait partie du «top of the world» du School Certificate 2015. Dans sa filière, l’agriculture, le jeune Rodriguais a décroché la timbale au niveau mondial. Une prouesse qui méritait bien une cérémonie au Mauritius Examinations Syndicate... et un brin de causette avant le retour à Mont-Lubin.
Cambridge vous a célébré en grande pompe. Impressionnant?
Non, ce n’est pas le genre de truc qui m’intimide. C’était super bien organisé, j’étais à l’aise. C’est plus facile de recevoir un trophée que de faire une interview! (rires)
Un retour à Mont-Lubin en héros?
Des petites attentions m’ont touché. Au collège (NdlR, le Rodrigues College, à Port-Mathurin), tout le monde m’a félicité, même des élèves que je ne connaissais pas. Ils ont vu mon nom dans le journal, ils sont venus me serrer la main, me dire bravo, ça fait chaud au cœur.
Pourquoi avoir choisi cette filière, l’agriculture?
C’est un choix, disons, naturel. À Rodrigues, tout le monde ou presque pratique l’agriculture ou l’élevage, souvent les deux. Vous avez ceux qui en dépendent pour vivre, d’autres pour qui c’est un revenu d’appoint. Soit c’est pour vendre les produits, soit c’est pour nourrir la famille et dépenser moins au marché. C’est ce que fait mon père. Il est chauffeur de taxi, c’est son «vrai» métier. À côté, il élève des porcs et des volailles. Il a aussi une petite plantation de manioc et de maïs. En fait, tout le monde est un peu planteur… même les professeurs!
Une enquête a récemment révélé que Maurice est championne des pesticides. Comment ça se passe à Rodrigues?
L’agriculture est plus saine. Je pense que Maurice a un problème de formation. Les planteurs ne maîtrisent pas l’utilisation des fertilisants, ils se disent que plus ils en mettent, meilleurs seront les résultats. Alors que c’est faux, il n’y a pas besoin de tout ça car la nature est assez bien faite. C’est donc un problème d’éducation.
Pourquoi ce problème ne se pose pas, ou moins, à Rodrigues?
Les pesticides, déjà, ça coûte cher, on n’a pas forcément les moyens. Mais c’est surtout culturel: les produits chimiques, chez moi, on n’aime pas ça, on préfère recouvrir les allées de compost. C’est aussi une question de goût: le consommateur rodriguais sait faire la différence entre un maïs naturel et un maïs aspergé de «médicaments». Celui-là, il ne l’achètera pas.
Vous venez souvent à Maurice?
Ça a dû m’arriver cinq ou six fois. J’ai de la famille, des cousins, des tantes, des oncles. Maurice, c’est différent. C’est plus grand, il y a plus de trajets à faire. C’est aussi plus développé, avec plus de magasins, plus d’infrastructures.
Vous enviez le développement mauricien?
(Direct) Oh non, mon île est bien comme elle est. Rodrigues, c’est petit, c’est tranquille. On se connaît presque tous. On n’a pas les problèmes de Maurice, la drogue, les embouteillages, tout ça.
On dit que les Mauriciens regardent les Rodriguais de travers…
C’est une généralité qui n’est plus forcément vraie. Moi, en tout cas, je n’ai jamais ressenti ça. Les Mauriciens ont changé vis-à-vis des Rodriguais, ils sont plus ouverts d’esprit. Entre nous, il n’y a plus de différences.
Si vous étiez chef commissaire, quelles seraient vos premières décisions?
Je commencerais par réparer une injustice en incluant l’agriculture dans le syllabus du HSC. Cette matière n’est pas proposée à Rodrigues, alors qu’elle l’est à Maurice. Ensuite, je m’occuperais du problème numéro un, l’emploi. Beaucoup de gens quittent l’île pour aller chercher du travail à Maurice, même ceux qui ont fait des études n’en trouvent pas. Ceux qui restent, souvent, ont un travail qui ne correspond pas à leur diplôme, c’est un gros problème.
Comment y remédier, d’après vous?
En aidant les Rodriguais à créer leur entreprise. Le principal obstacle, c’est le manque de financement. Quand vous lancez votre business, même s’il est tout petit, vous avez besoin d’un petit coup de pouce au départ. C’est ce qui nous manque, l’accompagnement au démarrage des projets.
Et quel est votre projet ?
J’aimerais justement créer mon entreprise, avoir ma plantation de fruits. Je sais qu’à Rodrigues, ce sera difficile de démarrer et même d’en vivre correctement. Le marché est petit, il faudra certainement que j’aille à Maurice.
À moins de vendre à l’étranger…
Je préfère ne pas voir trop grand au début et grandir progressivement. L’exportation, ce sera pour plus tard.
À quoi rêve-t-on quand on a 16 ans à Rodrigues ?
La plupart de mes copains rêvent d’avoir une grande maison, une grosse voiture. Moi, si j’ai un travail qui me plaît et qui me permet de bien vivre, ça me suffit. Le rêve, ce serait de m’installer en Australie et de revenir à Rodrigues pour les vacances.
La prochaine étape pour y parvenir ?
Obtenir mon HSC l’année prochaine, puis l’université à Maurice. Mes parents n’auront pas les moyens de m’envoyer ailleurs.
Côté études, tout va bien donc. Et dans votre vie personnelle?
Ça va, merci ! Je fais pas mal de sport, du basketball et j’ai commencé le bodybuilding cette année. Quand on voit les athlètes rodriguais partir en compétition, ça donne des idées. Je me dis que si je suis bon, le sport me permettra de voyager.
Un conseil à donner aux candidats au School Certificate?
S’entraîner, refaire des exercices encore et encore, travailler en groupe. À plusieurs on se motive, on s’entraide, on arrive à passer de bons moments tout en apprenant.
C’est donc ça le secret, les révisions en groupe?
Le secret, c’est la passion. Depuis que je suis tout petit, j’aide mon père dans la plantation. Je l’ai beaucoup observé et aujourd’hui c’est moi qui lui donne des conseils (sourire fier).
584. C’est le nombre d’élèves dans le monde qui ont planché sur l’Agriculture subject du Cambridge School Certificate, l’an dernier. Maurice regroupait le plus gros des troupes, avec 384 candidats. Les autres élèves étaient issus de Brunei, du Zimbabwe, de Zambie, du Nigeria et de l’île de l’Ascension, dans l’Atlantique Sud.
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