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Budget: Pravind Jugnauth condamné à faire repartir la croissance
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Budget: Pravind Jugnauth condamné à faire repartir la croissance
En marge de la présentation du Budget 2016-2017, l’express lance une série d’articles couvrant les indicateurs macroéconomiques, les principaux secteurs d’activités et les défis que Pravind Jugnauth devra affronter dans la préparation de cet exercice budgétaire.
Les observateurs et spécialistes économiques sont catégoriques: la croissance dépassera difficilement la barre de 4% en 2016. Du coup, les institutions jouent serré sur leurs prévisions de fin d’année. Statistics Mauritius, par exemple, vient de réviser à la hausse sa projection à 3,9%. De leur côté, MCB Focus et la Banque de Maurice ont prévu, au début de 2016, une croissance de 3,8% et la SBM Insights de 3,7%. Quant à l’ancien grand argentier Vishnu Lutchmeenaraidoo, il tablait dans son unique Budget en mars 2015 sur une croissance de 5,3% en juillet 2016. Visiblement, on est loin du compte...
Aujourd’hui, tout compte fait, les économistes avertis estiment que le taux va se situer autour de 3,7%, compte tenu de la morosité qui prévaut toujours dans le pays et de l’absence de visibilité dans les affaires. Tout en s’interrogeant parallèlement sur tant de variations autour de cet important indicateur économique. Et dans la foulée, sur une certaine légèreté affichée par Statistics Mauritius quant à quelques-unes de ses estimations.
Eric Ng, économiste et directeur du cabinet Pluri-Conseil, trouve que Statistics Mauritius, comme institution autorisée à faire des projections de croissance, aurait intérêt à affiner ses projections pour éviter de les réviser, comme celle pour 2015 qui a été revue à la baisse. Soit 3,4%, estimée en décembre 2015 et révisée à 3,1%.
Azad Jeetun, économiste, considère que la crédibilité d’une telle institution exige qu’elle attende d’abord qu’une tendance se précise et que toutes les variables soient étudiées avant d’indiquer officiellement une estimation.
Si SBM Insights prévoit une croissance de 3,7% dans son analyse, elle sera réalisable si seulement le secteur de la construction ne sombre pas dans une nouvelle année de décroissance. «Cela dépendra dans une grande mesure de la mise en œuvre de projets majeurs d’infrastructure publique et d’immobilier d’ici la fin de l’année», analyse son chef économiste, Shailen Shreekeesoon.
L’annonce de deux projets de Smart Cities dont les travaux sont prêts à démarrer, soit celles de Omnicane et de Cap-Tamarin, par le bureau du Premier ministre aurait certainement contribué à motiver l’hypothèse de croissance de Statistics Mauritius pour l’année en cours. Certes, la situation pourrait évoluer positivement vu que la construction de nouveaux hôtels à partir du second semestre n’est pas à écarter et cela en raison d’une croissance à deux chiffres attendue dans les arrivées touristiques cette année. Mais aussi suivant la décision du ministère du Tourisme d’enlever l’interdiction qui pesait sur les hôteliers de construire de nouveaux établissements. Ce moratoire vient d’expirer après deux ans d’application.
«Il n’y a pas encore ce feel-good factor qui aurait pu motiver les entrepreneurs à se lancer dans de nouvelles aventures.»
Rajiv Servansingh, observateur économique, a un autre son de cloche. Il insiste qu’il n’y a pas encore ce feel-good factor qui aurait pu motiver les entrepreneurs à se lancer dans de nouvelles aventures. Et de préciser que le pays arrive difficilement à sortir d’un cycle de croissance faible, de 3% à 4% depuis plusieurs années. Contrairement à ses voisins africains. «Nous avons tendance à nous auto-congratuler d’un taux de croissance de 3,5% ou plus en nous comparant aux pays de la zone euro sans prendre la peine d’analyser les niveaux de croissance dans certains pays africains qui dépassent largement les 6%.»
Or, il n’est un secret pour personne, encore moins pour les économistes, que sans une croissance de plus de 5%, il sera difficile de créer des emplois productifs. «Faire croire qu’on peut créer 100 000 emplois d’ici 2019, soit à un rythme de 20 000 par an comme annoncé dans l’Economic Mission Statement du Premier ministre dans sa Vision 2030 relève d’une méconnaissance des réalités économiques objectives du pays», poursuit Rajiv Servansingh.
Renga Padayachy, économiste à la Chambre de commerce et d’industrie, abonde dans le même sens. Il affirme qu’une économie en transition, comme celle de Maurice, devrait envisager un taux de croissance potentiel supérieur à 5% pour pouvoir franchir un nouveau palier de développement et sortir éventuellement d’une économie à revenu intermédiaire.
«L’analyse de nos évaluations montre que le potentiel de croissance de Maurice a commencé à faiblir en 2008 et que ce fléchissement s’est accentué avec la crise.» Et Renga Padayachy d’annoncer que le taux de croissance potentiel a perdu 2,6% entre 2006 et 2014.
À quelques jours de la présentation du Budget, les attentes sont visiblement grandes. Après les projections généreuses en termes de croissance de Vishnu Lutchmeenaraidoo, le nouveau grand argentier saura-t-il renverser la vapeur en annonçant des mesures de relance?
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