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Me Hervé Lassemillante, fondateur du Comité social Chagossien: «Entrer au Royaume-Uni avec un passeport britannique est un piège»
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Me Hervé Lassemillante, fondateur du Comité social Chagossien: «Entrer au Royaume-Uni avec un passeport britannique est un piège»
Avocat de profession, Hervé Lassemillante a lutté aux côtés de Fernand Mandarin et a même fondé le Comité social Chagossien en 1995 afin que les natifs de l’archipel puissent avoir le droit d’y retourner.
Vous aviez créé le Comité social Chagossien en 1995. Comment les choses ont-elles évolué par la suite?
Il faut comprendre qu’avec la création de ce comité, les Chagossiens n’étaient plus considérés comme des «îlois» (habitants des îles). Il fallait les lier à leur terre et j’ai trouvé juste qu’on les appelle Chagossiens. La deuxième chose, c’est que ce mouvement nous a permis de fédérer tout un chacun pour lutter pour leurs droits ; n’oublions pas que cette lutte est basée sur les droits humains. Avant mon engagement dans cette cause, les frères Sylvio et Elie Michel ont lutté pour l’obtention de documents et de compensations dans les années 1970. Celles-ci ont été payées vers 1981.
Quid de la coopération des Britanniques ?
Rien que pour obtenir une copie de la loi régissant l’archipel, qui est un territoire britannique, il a fallu se déplacer à Londres en 1994. Le Commissaire de la British Indian Ocean Territory de l’époque nous avait simplement dit d’aller acheter une copie. Nous sommes allés chercher dans les rues de Londres, mais rien.
Finalement, il nous a demandé de faire une requête auprès du haut-commissaire britannique… à Maurice. Nous avions fait ce voyage pour qu’il nous renvoie à Maurice ! Après six mois d’allers et venues, et d’attente, le haut-commissaire nous a remis une copie de la loi. En la lisant, nous avions compris pourquoi les Chagossiens ne pouvaient pas rentrer. L’Immigration Act de l’Angleterre était une barrière à un possible retour. De plus, dans une réponse parlementaire, la même année, la Baronne Lynda Chalker avait, au Parlement britannique, expliqué aux députés que les Chagossiens ne voulaient pas rentrer dans leurs îles car ils n’en avaient pas fait de demande.
Quelle a été la réaction des Chagossiens ?
Je leur ai demandé de faire une demande. Un groupe de Chagossiens a alors entamé des démarches auprès de la Haute Commission britannique à Maurice. Les premiers passeports ont été octroyés en 1996. Entre-temps, le gouvernement PTr–MMM avait pris les commandes du pays et le Comité social Chagossien avait été mis sur pied en 1995. Nous avions aussi fait une demande d’aide financière auprès du nouveau gouvernement. Mais les Anglais nous avaient tendu un piège ; je ne l’ai pas vu venir car j’étais concentré sur l’aspect «droits de l’homme» de l’affaire. Eux, voyaient plus loin.
Quel était ce piège ?
Entrer au Royaume-Uni avec un passeport britannique est un piège. Nous avons compris l’astuce lorsque le juge Asraf Caunhye, qui était à l’époque le Solicitor General, a émis un conseil. Il a stipulé que si les Chagossiens entraient en territoire britannique, avec un passeport britannique, en tant que Britanniques, cela allait «water down» les chances de Maurice pour une bataille sur la souveraineté.
Nous avions aussi décidé de ne pas entrer d’action devant la justice britannique car se rendre en Grande-Bretagne avec un passeport britannique était hors de question ; nous n’allions pas entrer dans ce piège. D’autres y sont entrés et ont accepté de se rendre sur le territoire britannique avec un passeport britannique ; leurs actions sont, aujourd’hui, financées par le Legal Aid Fund du Royaume-Uni.
Pourtant, des membres du Comité social Chagossien se sont rendus sur l’archipel pour une visite au début des années 2000…
Oui, mais un passeport n’était pas nécessaire. Ils sont même partis avec un drapeau mauricien pour affirmer leur allégeance.
Comment avez-vous, alors, mené le combat sans tomber dans le piège ?
Nous avions décidé d’alerter l’opinion publique à partir de 1997.Une série d’articles a paru dans la presse indienne, française et même Reuters. Nous avons assisté aux réunions des Nations unies sur les peuples autochtones en 1997, 1998 et 1999. Plusieurs personnalités se sont jointes à notre cause, dont l’ancien président Cassam Uteem. Lors d’une réunion du Commonwealth, en 1997, à Maurice, il avait fait part des doléances des Chagossiens aux représentants des pays présents. D’ailleurs, plusieurs émissaires britanniques ont tenté de prendre contact avec moi en 1998, mais je n’ai jamais répondu aux lettres ni rencontré ces gens.
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