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Hôpitaux : ces maladies imaginaires du soir

12 juillet 2016, 10:15

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Hôpitaux : ces maladies imaginaires du soir

 

Mal à la tête ou au pouce, besoin de quelques jours de congé… Les médecins surmenés sont sollicités de toute part, et souvent pour rien. Incursion.

«Souvent, les gens qui viennent pour des maux ridicules sont les plus violents.» Des malades imaginaires, voire hypocondriaques, les médecins affectés dans les hôpitaux en voient défiler tous les jours. Le soir surtout. Et ces «patients» finissent par faire preuve de violence, estimant que «dokter pa pran nou kont». Pas plus tard qu’en début de semaine, un nouveau cas d’agression sur des médecins a été rapporté, avec en toile de fond, une histoire de non-disponibilité d’un inhalateur contre l’asthme.

Au niveau des médecins, on se dit excédés. Certains patients, déplorent-ils, rivalisent d’ingéniosité pour encombrer sans raison la salle d’attente des hôpitaux. Qui dit vrai ? Incursion.

23 heures, à l’hôpital Victoria, à Candos. Dans la salle d’attente, il n’y a pas autant de monde qu’en journée. Une des patientes qui attend a un mal particulier : sa tête lui fait mal… lorsqu’elle attache ses cheveux. Du moins quand c’est trop serré.

«Comment cacher son irritation face à cela alors qu’il y a d’autres cas plus importants en attente ?» lâche le médecin de garde. «Nous faisons un travail difficile et nous devons être attentifs tout le temps, dit-il. Souvent nous travaillons pendant des dizaines d’heures sans coupure. J’imagine que cela explique notre humeur des fois…»

Le médecin concède que bien qu’ils soient tenus d’ausculter tous les patients, des cas sont expédiés avant d’autres, car jugés plus importants. Il souligne que les médecins sont plus en mesure de juger de l’importance d’un cas.

Direction l’hôpital Dr A. G. Jeetoo, à Port-Louis. Bien que surmené, un médecin généraliste éclate de rire lorsqu’il est interrogé sur ce type de patients. «Je ne compte plus le nombre de fois où l’accompagnateur d’un patient décide de consulter le médecin car il se souvient d’une douleur mineure qu’il a eue des semaines de cela. Ou encore ceux qui décident de venir juste pour s’entendre dire qu’ils sont en bonne santé.»

Certificat médical

Un autre classique : ceux qui ont besoin d’un certificat médical pour s’accorder quelques jours de congé. Selon le collègue de notre interlocuteur, les «patients» les plus directs sur le motif de leur visite sont les moins pénibles. «Ceux-là sont aussi des habitués du soir. Entre celui qui a mal au pouce lorsqu’il tire dessus et l’autre qui nous assure qu’il a de la fièvre alors qu’il n’a rien… Nou préfer bann ki vinn  dir zot zis bizin enn papié médikal. Perdi mwins létan ar zot.»  La plupart des médecins soutiennent qu’ils refusent ce genre de pratique.

Parmi les cas les plus absurdes rencontrés ? «Un jeune homme voulait se faire emplâtrer le bras alors qu’il n’avait rien. Il avait dit à son employeur qu’il avait une fracture…» lance un autre médecin. Encore une demande refusée.

Mais est-ce que ces malades imaginaires et autres justifient la vulgarité dont feraient preuve  certains médecins ? «À ma connaissance, jamais un médecin ne s’est permis d’insulter un patient, même s’il fait semblant d’être malade», réplique le médecin qui a ausculté la dame qui a attaché trop serrés ses cheveux.

Les médecins sont censés garder leur sang-froid, insistent nos interlocuteurs. Et ce, même face à des patients qui ne respectent pas leur rendez-vous. Certains membres du public viennent des jours plus tard ou plus tôt, «ce qui est pire», avance un médecin. Car ils se froissent lorsque le docteur n’a rien de nouveau à leur dire. Et plusieurs malades qui suivent un traitement viennent en avance car ils n’ont presque plus de médicaments. «Dans ce cas, nous ne pouvons renouveler leur ordonnance», dit le médecin.

Il indique qu’il faut parfois faire des analyses ou changer de comprimés… Des facteurs que le patient ignore. Et souvent, ce dernier pense, à tort, que les médecins ne veulent pas lui accorder leur attention. Dans bien des cas, c’est là que les esprits s’échauffent.

Plus d’une vingtaine de cas d’agressions ont été référés à la police depuis le début de l’année. Et le problème ne date pas d’hier. Le ministère de la Santé avait, pendant un moment, délégué des infirmiers pour faire une pré-auscultation des patients dans la salle d’attente. Ils géraient les cas comme ceux évoqués, ce qui allégeait le travail des médecins. Ce système a cependant été abandonné car les infirmiers étaient demandés dans les services.

Mesures de sécurité insuffisantes ?

C’est une compagnie privée qui assure la sécurité dans les hôpitaux. Et dans la majorité des cas, la compagnie délègue des «senior citizens» pour occuper ces postes. L’objectif étant d’«économiser sur le transport», explique un officier du ministère de la Santé. D’où le problème, à en croire un médecin. «Nous n’avons rien contre les personnes âgées, mais elles sont moins imposantes que des jeunes et ne font aucun effet au public.»

Ayant conscience de ce problème, le ministère a décidé de régionaliser le service. «Le prochain ‘tender’ concernera des compagnies basées dans les régions des hôpitaux.» Ce qui devrait régler le problème du coût du transport. «Ils pourront employer des personnes de tout âge», ajoute l’officier.