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Yann Von Arnim, océanographe et biologiste marin : «Avec le MV Benita, nous avons affaire à un nouveau seuil de pollution»

23 juillet 2016, 10:23

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Yann Von Arnim, océanographe et biologiste marin : «Avec le MV Benita, nous avons affaire à un nouveau seuil de pollution»

 

Comment expliquer la fuite d’hier et ses dégâts ?
C’est probablement une fuite d’une des cuves ou de l’eau déjà contaminée. C’est difficile d’affirmer de quoi que ce soit sans être sur le bateau. Cela ressemble à de la pollution venue du dégazage. C’est une action que de nombreux navires font en mer pour nettoyer les cuves et les ballasts. Ce qui est certain, c’est que nous avons affaire à un nouveau seuil de pollution. Il est visiblement plus important que les épisodes précédents.

La situation a-t-elle été bien gérée ?
Oui, depuis l’accident, les autorités ont fait un bon travail pour minimiser les dégâts. Il faut savoir que le vraquier était relativement vide. Il n’y avait que 150 tonnes d’huile contre les 45 000 tonnes que peut accommoder la soute du MV Benita. Il faut aussi comprendre qu’un navire n’est jamais à 100 % vide. Il y a toujours des fonds de cuve, de l’eau contaminée à l’intérieur et de l’huile sur les moteurs. Dans le cas d’un échouement comme celui du MV Benita, c’est de l’ordre de l’impossible d’empêcher les dommages collatéraux.

Peut-on qualifier le nouveau seuil de pollution de ‘marée noire’ ?
Non, il faut être prudent avec le terme ‘marée noire’. Jusqu’à jeudi, nous pouvions parler de ‘faible pollution’. Là, nous entrons dans de la ‘pollution moyenne’. Si Maurice avait souffert d’une marée noire, il y aurait eu de l’huile et du pétrole sur plusieurs kilomètres de plage, jusqu’à Mahébourg même.

Que peuvent faire les autorités pour nettoyer le lagon et la plage du Bouchon ?
Pour commencer, le pétrole et l’huile sont présents dans la nature. Certaines bactéries les dissolvent. L’huile lourde va former des masses agglomérées avec le sable. Comme c’est un élément lourd, il va pratiquement disparaître sous une nouvelle couche de sable. Tant que ce sont de petites quantités, ce n’est pas très grave. Dans le cas présent, ce ne sont pas de petites quantités. Il faudra enlever les couches actuelles de façon mécanique ou faire usage de produits chimiques. Le plus important maintenant est de sortir le bateau de là au plus vite.

Quelle serait la meilleure solution pour dégager le navire au plus vite en faisant le moins de dégâts possibles ?
Chacune des techniques aura des effets. Avec le dynamitage, le paysage va quelque peu changer, la roche sera détruite. S’il y a explosion sous la surface de l’eau alors, oui, toute la vie dans la zone exposée mourra. Mais ce sera limité à une certaine zone.

Il faut trouver la plus écologique et la plus rapide des solutions. Ce n’est plus un problème de solutions différentes mais de temps. La nouvelle fuite en est la preuve. Tant que ce bateau est là, plus grands sont les risques de fuites.

Quel a été l’impact de l’échouement sur le récif et l’écosystème du lagon ?
L’impact est restreint pour le moment. Le MV Benita a pollué l’eau. Mais rien n’aura un impact majeur et grave sur le lagon dans le court à moyen terme si la situation est bien gérée. Le navire lui-même est sur un îlot rocheux, pas sur du récif. Les dégâts ne sont pas importants. Si les récifs sont ou ont été abîmés, Maurice devrait être indemnisé à hauteur de $ 150 à $ 300 le mètre carré. Malheureusement, l’argent ne fait pas repousser les coraux.

Dans le cas où le navire serait irrécupérable, les autorités pourraient-elles le transformer en récif artificiel ?
C’est une possibilité. La zone est propice. Nous pourrions par exemple scinder le navire en deux. Couler l’arrière par une cinquantaine de mètres de profondeur et ensuite démonter l’autre moitié.

Pourquoi ce navire se trouvait-il si près de la côte d’après vous ?
Ces navires s’approchent de la côte pour capter les réseaux téléphoniques et Internet. La plupart des navires visibles à l’est de Maurice sont là pour cela. Et comme ils sont sur la côte est, lorsqu’ils sont en difficulté, les vents dominants les poussent vers les côtes mauriciennes.

Maurice peut-il faire quelque chose contre cela ?
Bien sûr, le pays doit légiférer. En statuant clairement que les navires ne faisant pas escale à Port-Louis n’ont pas le droit d’approcher à une certaine distance de l’île. Ce ne serait pas une première dans le monde. Le MV Benita est le second navire dans cet état sur la côte est de Maurice, après l’Angel 1 (NdlR : cargo panaméen ayant fait naufrage au large de Poudre d’Or). C’est déjà trop ! Les autorités doivent agir.