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Polémique autour d’une campagne de Coca-Cola : Sexiste ou sexy, la pub ?

24 juillet 2016, 08:46

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Polémique autour d’une campagne de Coca-Cola : Sexiste ou sexy, la pub ?

 

En début de semaine, le ministère de l’Égalité du genre a demandé à Coca-Cola Mauritius, firme représentée par Phoenix Bev, de reconsidérer sa campagne «Taste the Feeling» car elle était jugée sexiste. Cette guéguerre entre les autorités et les publicitaires, arbitrée par le public, ne date pas d’hier. Ce qui heurte le plus souvent la sensibilité de certains : le sexisme. Les plaignants ont-ils raison de s’indigner ? Sont-ils trop «coincés» face aux réclames qui misent sur le côté sexy ? Qu’en pensent les principaux concernés ?

Le ministère de l’Égalité du genre a décidé, le 18 juillet, d’interdire une pub de Coca- Cola, montrant une femme qui porte une chopine à ses lèvres. Ce, dans le cadre de sa campagne «Taste the Feeling». Le géant américain, représenté à Maurice par Phoenix Bev, a récemment dû goûter au courroux d’une femme : Trisha Gukool. Celle-ci a porté plainte auprès des autorités, alléguant que la pub est sexiste, qu’elle est discriminatoire envers la femme.

Ce que conteste avec force Coca-Cola Mauritius. «Taste the feeling», explique-t-on, est une campagne internationale. D’ailleurs, le paradoxe c’est que Maurice a été le troisième pays au monde et le premier en Afrique à la lancer. Plusieurs personnalités, surtout des jeunes, avaient été invitées à participer à un road trip et l’événement avait été largement médiatisé sur les réseaux sociaux.

Alors pourquoi les autorités s’indignent-elles maintenant ? D’autant que cette campagne a été validée, au niveau de l’Afrique, par un panel composé essentiellement de femmes. «Si cette publicité avait ne serait-ce qu’une légère connotation sexiste, elle n’aurait jamais passé cette étape», souligne un préposé de Coca-Cola. Et d’ajouter : «Le visuel incriminé est passé dans d’autres pays plus sensibles sans aucun problème.»

Et elle n’aurait sûrement pas échappé à l’oeil vigilant de Loga Virahsawmy, directrice de Gender Links et ancienne présidente de Media Watch Organisation. Qui surveille de près les pubs quel que soit le support.

Plus d’une dizaine de réclames ont d’ailleurs été enlevées après qu’elle a entamé des démarches auprès des autorités. Est-ce à dire que les publicitaires font n’importe quoi pour se faire de la pub autour de leur pub ? Certainement pas, lâche-t-elle. Il ne faut pas, selon elle, voir le mal partout.

Bien qu’elle reconnaisse que la pub se sert de la femme pour «faire vendre». À titre d’exemple, une femme à moitié nue allongée sur le capot d’une voiture n’a rien à voir avec le produit lui-même. Elle est utilisée comme une sorte de faire-valoir. De fait, «c’est contre l’image de la femme objet que je me bats», souligne-t-elle. Loga Virahsawmy évoque, dans la foulée, une autre pub qui avait été interdite et qui était diffusée à la télé. Elle montrait un homme assis sur un trône avec des femmes à ses pieds et sur ses genoux. Toutefois, rappelle-t-elle, «il n’y a pas que dans la pub que l’on retrouve des traces de sexisme. Des fois, les chansons s’y donnent à coeur joie aussi». D’où ses démarches auprès de l’Independent Broadcasting Authority pour interdire l’une d’elles, qui évoque la violence domestique, les relations extraconjugales et le «sang caillé»…

Même s’il y a quelques dérapages çà et là, la directrice de Gender Links tient aussi à mettre le public en garde contre l’excès de zèle. «Il faut faire attention à ne pas tomber dans l’extrême et devenir hystérique ou tordu. Il y a des pubs qui sont esthétiques et qui nécessitent la présence de la femme et de l’homme.»

Justement, qu’en est-il des hommes dans tout ça ? Même si l’on crie moins au loup quand l’on a affaire à la gent masculine, il y a bien eu des cas où l’image de l’homme objet a fait débat. La polémique autour de la pub Benetton, où l’homme était dans une position de soumission, avait ainsidû être enlevée.

Plus récemment, l’agence Circus a proposé une pub pour des chips «de taille XXL». Allusion sexuelle oupas allusion sexuelle ? Pour Vincent Montocchio, le directeur de Circus, le but premier de toute campagne est de créer une connivence entre le public et le produit. S’agissant de la connotation sexuelle, il fait bien ressortir que cette campagne n’a rien de sexiste ou de dénigrant et qu’elle mise sur l’humour. «Nous surfons sur un adage très connu qui dit que la taille ne compte pas. Nous l’avonsdétourné pour dire que la taille compte bel et bien. La campagne est light. Certes, la pub a une connotation sexuelle, mais le sexe fait partie de la vie des gens, il en est même à l’origine !» Et de concéder, toutefois, que trop souvent, l’image de la femme est utilisée de façon dégradante dans lespublicités, ce qui relève d’un «manque decréativité», selon lui.

 
 

 

L’éthique et le code

Il faut savoir que le monde de la publicité est régi par un code d’éthique, qui a été élaboré par l’Association des agences de communication (AAC) et ses partenaires. Même si ce code n’a pas de «poids légal», les publicitaires sont tenus d’en appliquer les règles. Au cas contraire, «nous prenons des actions au niveau de l’association. Il ne faut pas croire que nous vendons nos services à tout prix, voire à n’importe quel prix», fait ressortir Cyril Palan, secrétaire de l’AAC. Si une pub se retrouve au centre de la polémique, l’agence qui l’a créée est appelée à la revoir si besoin est afin de respecter le code. «Nous avons déjà eu à faire face à des récalcitrants. Dans ce cas, nous appelons les médias pour leur demander de ne pas passer telle ou telle pub.» N’est-ce pas là une mesure un peu extrême ? «Pas du tout. Notre rôle est de protéger le client. Si une campagne fait polémique, il peut y laisser des plumes ! Des fois, nous sommes même obligés de conseiller, voire nous battre contre le client pour lui expliquer pourquoi son idée n’est pas bonne !» Cyril Palan affirme qu’il a lui-même déjà écrit plusieurs fois aux divers ministères pour dénoncer de la publicité déguisée pour l’alcool, par exemple. Et qu’il attend toujours une réponse de leur part.

Pour en revenir au sexisme, il réitère le fait que le code d’éthique des publicitaires contient tout ce qu’il faut pour encadrer les agents, y compris une section claire sur la représentation féminine.

La MVDA se fait taper sur les doigts

Visiblement, il n’y a pas que le «sexisme» qui heurte les sensibilités. Vendredi, l’Independent Broadcasting Authority a demandé aux radios privées de ne pas diffuser une publicité pour la Motor Vehicles Dealers Association, qui parle des taxes, car elle porterait atteinte à la «public policy».

Ils n’ont pas plu

  • Une campagne pour des préservatifs de grande taille aété bannie en Angleterre en 2008.
  • La toute première campagne du tout premier parfum du créateur Tom Ford a été bannie en 2007.
  • Le cinéma n’est pas en reste. Une affiche, jugée comme obscène et vulgaire aux Etats Unis, a été bannie en 2002.