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Ramesh Caussy, fondateur de Partnering Robotics : «Le développement des TIC à Maurice n’en est qu’à sa phase initiale»

10 août 2016, 15:00

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Ramesh Caussy, fondateur de Partnering Robotics : «Le développement des TIC à Maurice n’en est qu’à sa phase initiale»

 

Ramesh Caussy, inventeur franco-mauricien du robot Diya One doté d’intelligence artificielle, regrette que le pays n’ait pas mesuré la nécessité d’exploiter le potentiel de l’économie numérique. Il donne des pistes pour y parvenir.

En tant que chercheur et expert mondial en économie numérique et en technologies cognitives, quelle est votre appréciation des discussions autour du discours du Budget 2016-17 ?
D’un point de vue global, j’ai beaucoup à dire tant le sujet est vaste. Mais je vais me focaliser sur les parties technologies et celle ayant trait à l’innovation. Mes propos visent à alimenter les discussions et non à porter un jugement, même si je comprends que l’exercice de propositions budgétaires n’est pas neutre.

Mes premières réactions sont simples et s’expriment sous forme d’interrogations. Pourquoi la recherche scientifique et technologique est-elle si peu soutenue? Quelle est la vision du pays en matière d’économie numérique et d’étapes budgétées de développement ? Quels sont les processus financés qui vont créer le socle de développement d’un écosystème technologique d’innovation ?

Ces premiers éléments sont déterminants, mais trouvent peu d’échos dans les annonces faites. Il semble y avoir des incompréhensions de fond depuis des années. En termes d’enjeu, nous parlons de potentiels de «disruption» et «d’uberisation» incontrôlées de marchés mauriciens. Les propositions identifiées dans le Budget visent à étayer les besoins en matière de Technologies de l’information et de la communication (TIC) – réseaux d’accès, terminaux, système d’information, etc.

Vous semblez dire que Maurice n’a pas encore franchi la frontière qui la sépare de l’économie numérique…
Nous sommes encore en phase initiale de développement TIC. Nous raisonnons en termes de «réduction de la fracture numérique», c’est-à-dire des capacités de connexion avec une bande passante Internet minimale acceptable sur les lignes fixes ou mobiles alors qu’il faudrait accélérer la couverture géographique et booster la performance permanente d’accès aux réseaux pour tous.

Il y a nécessité de rehausser la barre dans le cadre d’un plan directeur clair sur une plateforme Internet performante par rapport aux différents types de terminaux comme les smartphones, les tablettes, les téléviseurs, entre autres. La 2G, la 3G ou la ligne à «10 Mbit/s théorique» doivent faire partie du passé.

Le véritable enjeu se trouve-t-il dans le renforcement du progrès réalisé jusqu’ici dans le domaine des TIC ou est-il plutôt associé à la nécessité d’entrer de plain-pied dans l’économie numérique ?
Il est temps de faire une place à l’économie numérique en stimulant son émergence à travers un écosystème et des dispositifs d’encadrement pérennes.

Ceci consiste notamment à préparer les contenus des programmes de formation adaptés dans les écoles et universités. Il s’agit par exemple de profils capables de concevoir des interfaces homme-machine, des méta-données ou de nouveaux modèles économiques.

La démarche inclut également le montage de lieux de soutien à l’innovation et à l’expérimentation d’usages, par exemple les accélérateurs et les laboratoires vivants, où les derniers développements sont disponibles. Elle comprend aussi la mise en place de dispositifs pour l’octroi de subventions et le recours à des mesures d’accompagnement financier venant des secteurs public et privé. Cela appuyé par des institutions de pilotage au niveau du choix des projets d’avenir, de la délimitation des champs technologiques, de la régulation, de l’éthique d’usage. Ces sujets critiques qui sont de nature stratégique nécessitent qu’on dispose d’un projet fort porté par un porte-parole ayant les connaissances et l’envergure adéquats.

Vous revenez régulièrement sur la question des hommes et des compétences. Quelle en est la raison ?
La réponse est simple. La ressource clé du pays, c’est les Mauriciens. Ils sont capables d’apprendre et font preuve d’une capacité d’adaptation extraordinaire. L’accent devrait être mis sur la nécessité de mettre à leur disposition des programmes permanents de formation et des pistes de recherche technologique. Ce qui devrait permettre au pays de créer l’environnement nécessaire pour l’alimenter en champs d’applications industrielles.

Quels sont donc les ingrédients indispensables pour atteindre de tels objectifs ?
Il est nécessaire d’avoir de bons programmes de cours, de bonnes pédagogies d’enseignement, et les bonnes expertises pour gérer le processus de structuration du dispositif. Le problème est d’avoir les bonnes personnes aux bons postes. Malheureusement, il semble qu’à Maurice, même lorsqu’il n’y a pas les compétences recherchées, il y a de nombreuses personnes intéressées par le fauteuil de pilote. Ce genre d’attitude doit disparaître. Maurice prend du retard dans un marché mondial où un avantage concurrentiel ne s’acquiert qu’avec sa capacité à maîtriser les implications du facteur temps.

Si certains sauts technologiques et la capacité de se doter des compétences pour les gérer sont absents, le pays aura du mal à s’accrocher au wagon des pays innovants d’Afrique et d’ailleurs. Et ce, alors qu’il a tous les atouts pour être un leader sur ces nouvelles opportunités de création de valeurs et de richesses.