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Firoz Ghanty: à mort la «bête humaine»
Dépouiller la mort de ses mystères et de ses mythologies. Pour la regarder en face, pour ce qu’elle est. Une finalité. À laquelle nul ne pourra échapper. Firoz Ghanty a-t-il décidé de nous faire peur? A moins que la vérité ne fasse peur, le plasticien a choisi un discours esthétique de la vérité, rien que la vérité.
Voilà pourquoi il utilise la carte blanche que lui accorde l’Institut français de Maurice (IFM), à Rose-Hill, pour nous proposer une série d’œuvres sur papier regroupées autour du titre, Viva la Muerte!... Hominum Mundum. L’exposition sera visible à la galerie de l’IFM du 25 août au 10 septembre.
Dès le teaser de l’expo, le plasticien prend la pose avec un crâne. Objet que l’on retrouvera disposé dans un coffre, au milieu de la galerie de l’IFM. Le mur du fond de la galerie sera aussi peint en noir, histoire de nous mettre dans l’ambiance.
«Je veux ramener la mort à son essentiel, c’est-à-dire que quand on vit, on meurt. L’instant de la naissance nous rapproche de la mort.»
Rentrer dans l’univers de Firoz Ghanty, c’est d’abord balayer le faisceau de références. Le titre Viva la muerte est emprunté, nous explique-t-il, à Fernando Arrabal, écrivain et cinéaste espagnol, critique du régime totalitaire de Franco. «Arrabal emprunte cela aux militaires franquistes qui disaient, ‘à bas l’intelligence, vive la mort’. C’est tuer tout ce qui pense.»
Un «cri assassin» que Firoz Ghanty reprend pour tuer «toute la culture de la mort». Tous ces moyens que le plasticien juge dérisoires qu’à l’Homme pour «survivre à lui-même, alors qu’il ne peut pas contraindre la mort à mourir». L’Homme qui se raccroche, en suivant la pensée du plasticien, à l’héritage, l’histoire, le patrimoine. «Je veux oublier tout cela et ramener la mort à son essentiel, c’est-à-dire que quand on vit, on meurt. L’instant de la naissance nous rapproche de la mort. Certains disent qu’on se bonifie, qu’on mûrit, mais non, on va mourir.»
Comment se traduit en langage esthétique cette volonté affirmée de se défaire de l’emballage de la mort? Firoz Ghanty reprend des éléments associés à la mort: le crâne et des «choses obscures» pour interpeller. Les nombreux visages qui peuplent ses œuvres sont parfois parfaitement reconnaissables, comme celui de Mariah Carey dans «Personnage assis». Ils sont aussi défigurés et androgynes. Avec un air masculin, des lèvres pulpeuses et des yeux maquillés et expressifs. «Je détourne les visages pour leur donner un air bizarroïde», dit Firoz Ghanty.
Reflet de l’âme dans la face? «Ma conviction absolue est que l’homme n’est pas gentil, c’est même un gros méchant», assène le plasticien. Ses œuvres sont, comme d’habitude, marquées par l’écriture et les pochoirs. Ici, le mot «folie» semble clignoter. Là, on lit «la voiture tue, la cigarette tue, l’avion tue», etc. «Pour avoir regardé un jour l’Homme dans les yeux, j’ai arrêté de rire, j’ai vu la bête humaine.» Est-ce ce qui explique pourquoi sous son chapeau de feutre, Firoz Ghanty n’a de cesse de marteler «je suis un homme de gauche»?
Il a dit
<p>De l’exposant, Jean-Luc Maslin, conseiller de coopération et d’action culturelle, directeur de l’Institut français de Maurice, a écrit: «<em>La singularité de Firoz Ghanty, à l’instar de son frère Ismet, est d’étayer ses œuvres par un discours authentique, élaboré en amont, auquel on n’est pas forcé d’adhérer en totalité pour apprécier l’œuvre mais qui le distingue d’emblée dans le paysage artistique mauricien. Pour Ghanty, la réflexion doit précéder la vision. Artiste engagé revendiqué, polémiste et activiste toujours prompt à s’enflammer pour une cause qui lui paraît juste, la double souffrance qu’il affirme endurer en tant qu’être humain et créateur rend parfois excessif son propos mais toujours attachant un auteur particulièrement sensible au fond, qui ne se reconnaît comme maîtres que l’Art et la Philosophie, et pour qui la pensée, l’identité et la culture ont été sacrifiées au profit du développement économique. Quand l’art politique rejoint la politique artistique!</em>»</p>
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