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Attachés de presse : bonjour la pression

4 septembre 2016, 07:36

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Attachés de presse : bonjour la pression

 

Yaasin Pohrun a été recruté, puis éjecté comme attaché de presse. Celui qui occupe un tel poste a pour mission d’assurer la communication du ministère auquel il est… attaché. Mais il se retrouve bien malgré lui pressé comme un citron. Dream job ? Pas si sûr…

Il côtoie au quotidien l’élite des élus, il est de toutes les soirées mondaines, de tous les voyages à l’étranger… Voilà comment le commun des mortels imagine le travail de l’attaché de presse. Certains le perçoivent même comme un nominé politique qui touche un gros salaire. Mais la réalité est souvent autre. Alors en quoi consiste réellement ce métier ?

Un attaché de presse, Adviser on information matters, pour être précis, doit assurer la communication du ministère auquel il est attaché. C’est son rôle premier. Mais à voir la valse de communicants depuis décembre 2014, il semblerait que ce métier donne le tournis. «Un poste à éviter à tout prix», met en garde une conseillère en communication qui a quitté son job. Pour elle, «performance et contre-performance sont directement liées à l’humeur du ou de la ministre».

Journaliste, elle a voulu savoir si l’herbe était plus verte dans un ministère. Elle a envoyé son CV à tous les ministères et sa candidature a été retenue. «Au début, tout se passait bien, mais dès que la ministre a commencé à prendre ses aises, je suis passée du stade de conseiller à celui d’esclave», lâche-t-elle dans un éclat de rire. Son rôle premier consistait à écrire des discours. «Je recevais la liste de toutes les fonctions où elle était invitée et je devais écrire un discours pour chaque événement, même pour ceux où elle ne serait pas présente.»

Pourquoi ? «Parce que, selon elle, c’était mon travail. Des fois, je rédigeais un discours et… ses diverses traductions...» Évidemment, il est impossible de dire non. «Parfois, elle exigeait un discours avec des points légaux alors que son public n’y comprendrait rien. Impossible de lui faire entendre raison.»

Mais ce job n’aurait-il pas, malgré tout, ses avantages ? Quid des voitures hors taxes ? «Dès que nous ne sommes plus en poste, nous devons rembourser la taxe à la Mauritius Revenue Authority», rectifie notre interlocutrice, qui a demandé à payer la taxe en mensualités…

Noor Adam Essack est un autre attaché de presse qui n’a pas fait long feu. Observateur politique et social, il fait remarquer que le job d’un conseiller en communication est certes intéressant, mais qu’il faut parfois composer avec l’entourage hostile et conservateur du ministre. «Je faisais tout un travail de recherche pour étoffer les discours que j’écrivais, mais souvent, la petite clique de la ministre passait par là et modifiait tout sans mon accord. On ne cessait de me mettre les bâtons dans les roues.»

À un moment, raconte-t-il, le staff de la ministre refusait de lui envoyer l’emploi du temps de cette dernière et, comble d’ironie, c’est souvent à travers les journalistes qu’il apprenait qu’elle se rendrait quelque part.

Le conseiller en communication en est même arrivé à suivre la ministre là où elle allait, pour faire des photos d’elle. «Ce n’est pas le travail d’un attaché de presse. Après avoir travaillé, comme c’était souvent le cas, durant la nuit et pendant de longues journées, il fallait encore accompagner la ministre pour la photographier derrière un micro ! Je travaillais avec des gens qui ignoraient tout du monde de la communication.»

MALAISE CARDIAQUE

La situation est devenue tellement stressante, dit-il, qu’il a fini par faire un malaise cardiaque et être hospitalisé. Peu de temps après, ajoute-t-il, il a été remercié «sans autre forme de procès». Il va même jusqu’à affirmer que c’est une lettre anonyme qui a précipité sa chute.

Mais tous les ministres ne sont pas les mêmes. Roshni Mooneeram s’est occupée de la communication d’Arvin Boolell, alors ministre des Affaires étrangères. Même si elle n’a «tenu» que six mois, elle en garde un bon souvenir. Pour elle, ce ministère «a la chance d’avoir des fonctionnaires hautement compétents qui font que les choses avancent. J’ai beaucoup appris lors de mon passage là-bas.»

Mais pourquoi avoir plié bagage dans ce cas ? «Le problème, souligne-t-elle, c’est que le PMO pense que tous les attachés de presse sont leur propriété et que nous ne sommes là que pour faire campagne pour eux.» Régulièrement, se souvient-elle, tous les attachés de presse étaient conviés à des réunions par le directeur de la communication du bureau du Premier ministre. «Ces rencontres avaient des allures de meeting. On nous encourageait sans cesse à glorifier nos ministres.»

Un paragraphe oublié du contrat de travail, peut-être ? Pas du tout, déclare notre interlocutrice. «Dans le contrat, la nature du travail tient en un paragraphe. Il n’y a ni balises ni garde-fous. C’est sur le tas que nous apprenons. C’est aussi pour cela que certains ministres se permettent de tout demander.» Ses refus de faire campagne pour le parti lui ont valu un «rapport spécial» quiavait été remis au Premier ministre d’alors. Elle n’a pas fait long feu dans une telle ambiance.

Autre ministère, autres maux. Une jeune attachée de presse dont le contrat n’a pas été renouvelé explique avoir eu beaucoup de mal à naviguer. «Il fallait tout le temps menacer les fonctionnaires en disant ‘minis byen bizin sa info la’ pour qu’ils se bougent un minimum.» Pour elle, c’était sans doute dû au fait que les attachés de presse sont perçus comme étant des nominés politiques, «qui ne sont là que pour un moment et de ce fait, sans importance».

Tous les attachés de presse ne se plaignent pas, fort heureusement. Un ancien conseiller au ministère de l’Éducation confie que pour lui, cette fonction est similaire à celle d’un diplomate. Gérer des situations de crise, décider lui-même des réponses à donner lorsqu’il était sollicité à la radio «sans passer par le ministre» ou encore, essayer de calmer des parents en colère…

«Le tout, c’est d’avoir assez de maturité pour comprendre que ce travail nécessite d’être vigilant 24/7.» Il est un des rares attachés de presse à n’avoir pas été journaliste. «Le tout est d’avoir la confiance du ministre.» L’attaché de presse doit aussi être attentif à l’image du ministre. «Lorsque le ministre enchaîne des fonctions, il faut qu’il soit impeccable à chaque apparition. Redresser sa cravate, lui demander de se coiffer, etc. doit aussi être un réflexe.»