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Chan Sicharam: le révolutionnaire

10 octobre 2016, 14:50

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Chan Sicharam: le révolutionnaire

À 64 ans, Komardath Singh (Chan) Sicharam dit vouloir reprendre son bâton de pèlerin. Dans le viseur de ce syndicaliste au riche parcours : la corruption.

Il a presque tout perdu. À 64 ans, cet ancien activiste du MMM et conseiller de village de Rivière-Noire dit être «homeless». Komardath Singh Sicharam, plus connu comme Chan Sicharam, lutte depuis des années pour récupérer son dû. Il a investi toutes ses économies dans un bâtiment commercial de 15 000 pieds carrés, qui fait aujourd’hui l’objet d’un litige entre lui et ses locataires.

Mais ce n’est pas pour autant qu’il compte baisser les bras. D’ailleurs, Chan Sicharam compte à nouveau reprendre son bâton de pèlerin. La prochaine bataille de cet homme de 64 ans : la corruption. Il compte tenir une conférence prochainement.

Chan Sicharam a, en effet, un riche passé de syndicaliste. Il s’est battu aux côtés des travailleurs du port, en particulier des marins, pour améliorer les conditions de services. À l’époque, il était le président de la Merchant Navy Fishing Vessel Employees Union. Il se souvient d’une manifestation qu’il avait organisée en 1981, en face du Parlement, au moment où feu sir Veerasamy Ringadoo, alors ministre des Finances, présentait le Budget. «Les travailleurs étaient tellement remontés ce jour-là, qu’ils se sont emparés du dîner qui devait être servi aux parlementaires. Ces derniers ont été contraints de passer des commandes de nourriture auprès des hôtels du coin.»

Il se rappelle aussi de la motion qu’il avait présentée au conseil de district de RivièreNoire. Celui-ci avait inscrit le nom de feu sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR) sur la plaque inaugurale du conseil, alors même que ce dernier n’était pas présent à l’inauguration. Chan Sicharam était le seul à contester cette décision et voulait faire enlever le nom de SSR. Il se montre convaincant. «On a changé la plaque commémorative en y indiquant simplement que le conseil avait été inauguré en 1997.»

Entre 1969 et 1970, l’homme à la casquette devient activiste du MMM. Il est à pied d’œuvre à Triolet pour faire élire Dev Virahsawmy. Deux ans après, il prend de l’emploi à la municipalité de Curepipe. Feu sir Gaëtan Duval est alors maire de la ville lumière. À l’époque, dit-il, les activistes de l’ULM et ceux du PMSD sont à couteaux tirés. «Il y avait des clashs et des scènes de violence entre les partisans du MMM et ceux du PMSD, surtout lorsque le MMM venait estampiller leurs affiches pour l’organisation des meetings», raconte Chan Sicharam.

1969-1970 : devient activiste du MMM

<p>1978 : Clerical Officer au MIE</p>

<p>1979 : Arrêté sous le POA</p>

<p>1978 : Président de la Merchant Navy Fishing Vessel Employees Union</p>

<p>1989 : Propriétaire d&rsquo;un bâtiment commercial à Albion</p>

<p>1997 : Conseiller de village de Rivière-Noire</p>

Cette situation explosive l’incite à prendre du travail sur un navire hollandais, Queen Julianna, pour faire le tour du monde. Après son retour à Maurice, il se fait embaucher, en 1978, comme Clerical Officer par le Mauritius Institute of Education (MIE). À l’époque, le chômage bat son plein. «Je travaillais avec un ressortissant anglais pour préparer les examens de Form III.» Mais le matin de l’examen, tous les questionnaires sont publiés dans Le Cernéen et l’express. «La direction du MIE m’a accusé d’être derrière cette fuite puisque j’étais un activiste du MMM. C’est feu SSR qui dirigeait le pays.» Il est renvoyé sans passer devant un  comité disciplinaire.

Il porte l’affaire en cour. Lors de l’audience, un ex-haut cadre du MIE affirme: «We are ready to pay you any amount you ask but we don’t want to see your face on the MIE premises.» Chan Sicharam obtient une somme d’argent sous forme d’indemnités de licenciement.

Autre souvenir marquant : sa participation à la grève de la faim du MMM, en 1979. «Le pays était paralysé.» Chan Sicharam est arrêté sous le Public Order Act (POA). «Cette loi ne donne pas droit à une caution.» En cellule, il retrouve des défunts syndicalistes, dont Mario Flore et Gaëtan Pillay. « Je pense que le MMM aurait dû ériger une stèle en mémoire de ces syndicalistes qui ont lutté pour les droits des travailleurs, en particulier les dockers.»

Deux semaines après, il est condamné par la cour et est incarcéré à la prison de BeauBassin. «Une fois arrivé sur place, j’ai constaté que l’ancien maire de Curepipe, Amédée Darga, se trouvait en face de moi dans une cellule. Les prisonniers faisaient des manifestations tous les jours dans l’enceinte de la prison.» Chan Sicharam explique que la tension entre les activistes du MMM et du PMSD était telle que tout le monde craignait pour sa vie.

Ces manifestations quotidiennes ont débouché sur une mutinerie. «Les prisonniers avaient pris le contrôle de la prison. Les gardiens avaient été contraints d’aller chercher refuge sur le toit, à 20 mètres de hauteur, et les prisonniers menaçaient de les pousser dans le vide.»

Dans le même souffle, Chan Sicharam déplore le fait que, jusqu’à présent, ceux qui, à l’époque, avaient été arrêtés sous le POA n’ont pas droit à un certificat de moralité. «On m’a fait comprendre que j’ai été incarcéré sous une charge criminelle. Comment se fait-il qu’un syndicaliste qui a lutté pour l’amélioration des conditions des travailleurs puisse être incarcéré sous une telle charge ?»

Dernière question : qui sont les hommes qui l’ont marqué au cours de sa carrière ? Il répond, direct : Jack Bizlall, le père Henri Souchon, Paul Bérenger et Nelson Mandela.