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Soondress Sawmynaden: «Le système scolaire ne s’est pas adapté à la nouvelle génération d’élèves»

8 octobre 2016, 20:30

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Soondress Sawmynaden: «Le système scolaire ne s’est pas adapté à la nouvelle génération d’élèves»

Le monde estudiantin a une fois de plus été secoué. Cette fois-ci, par un clip pornographique mettant «en scène» une collégienne de 14 ans. Drogue synthétique, sexe, bullying… Autant de cas qui touchent de près les collégiens. La parole à Soondress Sawmynaden, qui a repris son poste à la tête de l’association des recteurs après trois années…

La situation dans les écoles a-t-elle beaucoup changé après trois années?

Il y a eu de nombreux changements. Les élèves eux-mêmes ont changé, ainsi que l’environnement dans lequel ils évoluent. Je les appelle à présent les cyberkids. À l’école, ces élèves se sentent dépaysés. Le système scolaire ne s’est pas adapté à la nouvelle génération. Cela ne veut toutefois pas dire qu’il devrait cautionner la façon d’agir des jeunes.

Le clip diffusé sur les réseaux sociaux montre une adolescente de 14 ans sans  inhibitions. Ce type de comportement est-il courant dans les écoles?

Oui. Je constate que les jeunes n’ont aucune direction. Ils vivent dans un monde virtuel et pas dans la réalité. Cela crée un gros problème social, surtout avec les réseaux sociaux. Au lieu de les utiliser à bon escient, ils se mettent dans des situations difficiles, qui ont de graves conséquences. Malgré les campagnes de sensibilisation, ils sont libres de faire n’importe quoi.

Racontez-nous l’«évolution» des élèves, 40 ans après avoir intégré l’enseignement.

Avant, il y avait beaucoup de respect entre l’enseignant et l’élève. Peut-être qu’il faudrait d’abord condamner le système, il n’a pu s’adapter à notre réalité. À Maurice, aucune tentative n’a fonctionné. Les enseignants n’ont pas eu suffisamment de formation et les infrastructures, dont le WiFi, n’ont pas suivi. Les élèves sont toujours entassés entre quatre murs dans les salles de classe.

Nous avons remarqué que dans des matières telles que Design & Technology, les élèves se donnent beaucoup de peine, alors qu’ils ne s’intéressent pas beaucoup aux sujets académiques comme les langues. Il faut qu’il y ait plus d’activités et il faut rendre les enfants créatifs, en utilisant les  réseaux sociaux.

Êtes-vous choqué par ce clip ou ce type de dérapage est-il prévisible dans le contexte actuel?

Je vous dirai oui et non. Personnellement, je pense qu’il y a un manque d’éducation sexuelle au niveau des écoles et il ne faut pas non plus négliger les tabous en milieu familial. L’éducation sexuelle a toujours fait l’objet de réticences dans les milieux scolaires.

Comment expliquez-vous ce changement radical d’attitude des adolescents?

Cela ne concerne pas que les adolescents, mais aussi des adultes. Selon moi, le système d’éducation est à condamner. Il n’y a pas eu d’évolution qui a permis de s’adapter. Il y a eu un développement rapide de la technologie.

D’ailleurs, il y a un fossé générationnel entre élèves et profs. On peut parler d’école bipolaire: un groupe de profs âgés et les autres trop jeunes. Il faut des formations adaptées car les «mentors», les anciens n’arrivent pas à suivre. La formation devrait se faire à deux niveaux: les jeunes et les  anciens enseignants.

Et les parents dans tout ça?

Je l’ai toujours dit, il n’y a pas de mauvais enfant mais de mauvais parents. Les parents sont responsables de la situation que l’on vit aujourd’hui. Les parents travaillent, ils se préoccupent du côté matériel et le côté affectif en souffre. Il y a un manque de communication. Les jeunes sont délaissés. Ce sentiment est retranscrit au niveau de l’école. Ils ressentent le besoin de créer un nouveau monde.

Aucun collège ne semble être épargné par la drogue synthétique…

Il faut faire attention, ce ne sont pas que les collèges d’État qui sont concernés par la drogue synthétique. C’est un fléau de société. Malheureusement, la majorité des cas rapportés proviennent des collèges d’État. Nous avons un protocole; il nous faut informer les autorités et l’information finit par sortir.

Comment expliquez-vous cette descente aux enfers?

Comme je l’ai dit, les jeunes n’ont pas de guide. À la maison, ils sont tolérés par les parents. On leur donne tout. Au niveau des écoles aussi, nous n’avons pas suffisamment de temps, vu le programme chargé, pour inculquer les valeurs.

Et puis, il y a de plus en plus de familles brisées. Au moins  10 à 15% des élèves sont issus de familles brisées et il leur manque une certaine stabilité. Il y a aussi l’élément peer pressure mais cela a toujours existé. Il est très rare que les enfants dont les parents se montrent concernés et font un suivi régulier succombent à ce genre de fléau.

Idem pour l’absentéisme. Plusieurs parents s’en lavent les mains et ne viennent même pas à l’école quand on les appelle. Les parents pensent ou prétendent que leurs enfants sont des anges. Ils acceptent difficilement les critiques.

Comment le personnel des écoles s’adapte-t-il devant l’ampleur de la drogue synthétique?

Le problème avec la drogue synthétique, c’est que ce n’est pas facile à détecter. Le personnel n’a pas de formation pour faire une early detection. Ce n’est que lorsque l’enfant s’écroule ou change drastiquement de comportement que nous soupçonnons la drogue synthétique. Nous avons eu droit à des campagnes de sensibilisation, mais ce n’est pas suffisant. De notre côté, nous avons rehaussé le niveau de surveillance.

Selon vous, le ministère de l’Éducation gère-t-il ce problème comme il faut?

Le ministère semble être uniquement concerné par le nombre de cas rapportés. Nous suivons le protocole et nous rapportons les cas, mais après que fait le ministère? Il n’y a aucune action prise contre ces élèves. Nous nous retrouvons dans une situation difficile où les cas rapportés ne bénéficient d’aucun suivi. Des fois, des transferts sont effectués et  c’est tout.

Ce n’est pas du tout le cas dans les collèges privés, où des actions sévères sont prises à la moindre infraction. Dans les collèges d’État, la direction peut, par exemple, choisir de confisquer le téléphone d’un élève mais les parents viendront le lendemain pour demander des comptes. Le personnel doit obtempérer, il n’a pas le choix. Alors qu’au niveau d’un collège privé, ce n’est qu’à la fin de l’année que l’élève récupérera son téléphone.

Faire payer les examens, était-ce, selon vous, le meilleur moyen de contrer l’absentéisme?

Je pense que c’est une solution. Mais l’environnement et l’infrastructure de l’école doivent aussi changer pour ramener les enfants vers l’école. Il faut également trouver une façon de diminuer les leçons particulières pendant les heures de classe. Il ne s’agit pas forcément d’enseignants. Cependant, nous avons demandé au ministère de revoir les modalités en ce qui concerne le paiement  des frais d’examens.

Le «bullying» fait aussi de nombreuses victimes dans le milieu scolaire…

Malheureusement, le bullying prend une ampleur terrifiante dans les collèges. Nous avons énormément de cas qui concernent surtout les réseaux sociaux. Des commentaires humiliants sont postés, qui ont trait souvent à la vie personnelle de ceux ciblés.

Entre élèves, on peut parler de «gangs» qui se bagarrent entre eux. Dans les collèges de filles, le bullying concerne surtout des histoires de cœur. Et puis le langage utilisé, n’en parlons même pas! C’est terrible.