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Sulaiman Patel: «Chaque Mauricien est un politicien dans l’âme»
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Sulaiman Patel: «Chaque Mauricien est un politicien dans l’âme»
De journaliste à directeur de communications dans diverses entreprises, Sulaiman Patel a eu un parcours bien rempli. Il nous en dit plus…
Sulaiman Patel, ancien journaliste de l’express, est actuellement à la retraite. À Baie-du-Tombeau, où il habite, il continue à suivre les actualités chaudes du moment. Il se dit toujours actif sur les plans professionnel et sportif. Il a côtoyé pendant de longues années l’ancien rédacteur en chef du journal, le Dr Philippe Forget.
Cet ancien joueur de rugby et adepte des arts martiaux s’occupe actuellement de la «communication de crise». «Les principales personnes que j’aide sont des politiciens et des chefs d’entreprise. J’ai aussi écrit les discours de quelques politiciens pour leur intervention sur le Budget», dit-il, tout en ajoutant qu’il s’occupe de «gestion de transition».
«Il y a quelque temps, on avait voulu empower des femmes avec un financement d’à peu près Rs 500 000. Mais on avait oublié de dire qu’il fallait rembourser. J’ai aidé une dame à qui l’officier de la Banque de développement avait accordé un emprunt pour fabriquer des achards. On lui avait commandé une machine pouvant fabriquer 10 000 pots qu’elle n’arrivait pas à écouler.» Un beau jour, celle-ci s’est retrouvée devant une réclamation d’environ Rs 1 million.
«J’ai donc aidé cette dame à travers des discussions avec la banque pour revoir le mode de remboursement et dispenser des cours de formation pour remettre le projet sur les rails. Maintenant, elle emploie six membres de sa famille et elle est well off.»
Ses activités littéraires et philosophiques l’aident aussi à meubler son temps libre. Sulaiman Patel a sa petite idée sur le style de journalisme que l’on pratique de nos jours. Pour lui, le basic of journalism reste le même. C’està- dire, créer un réseau de contacts pour mieux informer dans tous les domaines possibles et imaginables, qu’il s’agisse de la politique ou des domaines sociétaux.
«Je crois que le journaliste d’aujourd’hui, contrairement à ceux d’autres époques, a beaucoup de moyens. Il y a une sorte de synergie entre le journaliste et la source de l’information, que ce soit une bonne source, une mauvaise source ou qu’elle soit une source menteuse.»
Mais pour que cette synergie opère, il faut que le journaliste ait des armes. «Sa principale arme, c’est l’agressivité de l’investigation. Lorsqu’on a le bout d’une information, on pousse, on fouille, et la source ne peut résister, très souvent, à cette agressivité. L’arme du journaliste, c’est la connaissance», ajoute Sulaiman Patel.
Faisant une analyse de la presse mauricienne, il dit ne pas voir beaucoup de journalisme d’investigation. «On a tendance à s’occuper des communiqués de la police et des conférences de presse mais il n’y a pas, à proprement parler, de véritables articles d’investigation.»
Pour ce qui est du journalisme d’opinion, «je pense qu’un article d’opinion devrait reposer sur des faits réels et avérés». Il trouve dommage que certains journalistes d’opinion suivent peu l’actualité mais aussi que l’on ne fouille pas assez les faits sociétaux. «Un journaliste d’opinion ne dirige pas le lecteur mais il lui donne les moyens d’orienter sa pensée.»
Parlant de l’évolution journalistique, il dira qu’on ne peut comparer les périodes. Il y a définitivement une écriture jeune dans la presse mauricienne. Cette écriture nous donne une idée de l’enthousiasme des journalistes.
«Je ne connais pas personnellement les journalistes. Je lis les journaux parce que j’écris pour des magazines, des journaux étrangers et pour certaines institutions qui s’intéressent à ce qui se passe à Maurice. Les journaux sont ma source première mais je dois vérifier et contre-vérifier certains faits. Il n’y a pas d’approximation.»
Sulaiman Patel se souvient que lorsqu’il était journaliste, il avait lancé deux rubriques. La première s’intitulait Les Mauriciens immigrés à Paris où j’évoquais leur désespoir. Il se souvient que feu sir Gaëtan Duval lui en a voulu terriblement pour cela. Il y a eu aussi Les dessous de la politique, où il reconstituait les réunions du cabinet ministériel.
Ou encore l’époque où le système outrigger a été introduit à l’express. «C’est-à-dire que le journaliste partait un jour dans un endroit en compagnie d’un photographe. Il n’y a, ce jour-là, aucune pression sur lui pour remplir le journal, que ce soit en termes de longueur ou de nombre de nouvelles.»
Il y avait une certaine régularité dans la rédaction de portraits et des enquêtes pour le journal du dimanche. «On faisait plusieurs types de portraits : celui d’un romancier ou d’un poète. On acceptait même des portraits de politiciens peu sympathiques.»
Sulaiman Patel dit que cela lui plaisait de rencontrer sir Seewoosagur Ramgoolam chaque jeudi. «Tous les jeudis, à 4 heures du matin, j’étais devant sa porte à la rue Desforges. Il prenait toujours sa vieille Volkswagen. Il partait pour Jurançon. Il regardait son champ de canne. En pleine réflexion, il discutait avec moi. C’était après la conférence de l’Organisation de l’unité africaine, lorsque j’étais correspondant de la BBC. C’était une fausse intimité, en fait. Il avait un ton un peu confidentiel qui me mettait souvent mal à l’aise. Il savait manipuler.»
Sulaiman Patel se rappelle avoir reçu, en 1980, une proposition provenant du Qatar. Pendant un an, il a géré une structure commune de deux entreprises d’État, Qatar Petroleum Company et Qatar Steel Company. Il y a passé deux ans avant de rentrer à Maurice. Il a ensuite géré Pack Plastics jusqu’à ce que le groupe Beachcomber fasse appel à ses compétences pour assumer le poste de directeur des communications, avec une attention particulière au marketing.
Le groupe lui a finalement proposé d’aller le représenter dans les émirats du Gulf Cooperation Council. «J’étais en train de promouvoir le groupe Beachcomber, non seulement au niveau du tourisme, mais également oeuvrer à la promotion de la destination mauricienne dans 21 pays.»
Durant son temps libre, Sulaiman Patel fait un peu de jardinage. Il cultive des piments et des aubergines. «Avec mon séjour à la clinique, je n’ai pas eu le temps de m’en occuper ces derniers temps. Ma fille est à l’étranger et dans ma maison il n’y a que Sulaiman Patel (rires).» Pour lui, Baie-du-Tombeau est un endroit paisible où il fait bon vivre. C’est un endroit qui se développe très vite. Tous les services essentiels sont accessibles.
Parlant de la politique, il trouve que chaque Mauricien est un politicien dans l’âme. «Il est évident que certains dans ce gouvernement ont voulu aller trop vite pour réussir dans un temps très limité. Il n’y a pas eu ce temps de réflexion profonde pour établir les priorités, d’autant plus qu’ils ont en face d’eux une opposition peu nombreuse.»
«Il y a eu beaucoup de temps perdu durant ces deux dernières années. Et la presse perd son temps avec. Je vois aussi qu’il y a trop de journalisme de fauteuil. Pourtant, les journalistes ont beaucoup à nous apprendre sur les villages.» Le gouvernement a besoin de recul, de souffler avant de rebondir. Il n’a pas eu le temps de respirer, en raison des tiraillements internes. On se tire non seulement dans les pattes mais on tire les draps aussi, a-t-il conclu.
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