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Commémoration: à la rencontre des engagés qui ne venaient pas de l’Inde
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Commémoration: à la rencontre des engagés qui ne venaient pas de l’Inde
Les travailleurs engagés n’étaient pas tous d’origine indienne. La diversité de leurs origines étant méconnue, nous sommes allés à leur rencontre à l’occasion du 182e anniversaire de l’arrivée des travailleurs engagés, aujourd’hui 2 novembre.
Satyendra Peerthum, historien attaché à la Research Unit de l’Aapravasi Ghat Trust Fund (AGTF), cite des chiffres. De 1826 à 1910, «462 000 travailleurs engagés sont venus à Maurice. Cela inclut 10 300 engagés non-Indiens». Ces travailleurs engagés sont venus de «12 pays différents et ont embarqué dans 37 ports différents. Maurice était une plaque tournante de l’engagisme».
Les plus gros contingents d’engagés non-Indiens sont Malgaches, Chinois et les Liberated Africans, des captifs libérés des bateaux négriers. «Ils étaient des ouvriers formés, dont 60 % ont été engagés sur les propriétés sucrières.» C’est le troisième Protecteur des immigrants, Thomy Hugon, qui a défini les non-Indiens comme la main-d’œuvre «introduite en dehors de British India».
L’historien Satyendra Peerthum précise qu’au Folk Museum du Mahatma Gandhi Institute – là où sont conservés les registres de l’immigration – «seuls 200 engagés non-Indiens ont été retracés».
Il y a eu 206 engagés venus des Comores, la plupart d’Anjouan, ainsi que des travailleurs venus du Yémen, d’Oman, d’Éthiopie et de Birmanie, des îles Laccadives, aujourd’hui Lakshadweep, situées au large des Maldives.
Bibliographie
<p>A Unique Place in Time and Space. A pictorial presentation of the <em>Aapravasi Ghat World Heritage</em>, chapitre 5. Voices from the edge: The life histories and experiences of the liberated Africans in British Mauritius during the age of indenture with comparative perspectives (1808-1943). Thèse de Satyendra Peerthum, UOM 2014.</p>
«Liberated Africans», les esclaves devenus engagés
Entre 1856 et 1859, 2 611 Liberated Africans sont passés par Port-Louis. Il s’agit de captifs libérés des bateaux négriers capturés par la marine britannique dans le sud-ouest de l’océan Indien, après l’abolition de l’esclavage. Certains ont été transférés de Victoria, aux Seychelles.
Parmi ces hommes, femmes et enfants libérés de l’esclavage, le taux de mortalité était élevé. S’ils survivaient à la première semaine de leur séjour à Maurice, ils devenaient des engagés.
Ces Liberated Africans étaient issus des sept tribus les plus importantes du Mozambique. Parmi ceux-ci : les Makwa, les Makonde, les Lomwe, les Yao ou Monjawa.
Selon les lois coloniales, ces travailleurs tombaient sous la responsabilité du Protecteur des immigrants. Ils avaient les mêmes droits et les mêmes conditions de travail que les engagés Indiens, c’està-dire des contrats de cinq ans.
Les Malgaches
Entre 1839 et 1856, les chiffres officiels disponibles à l’AGTF montrent que 3 607 laboureurs malgaches sont passés par l’Aapravasi Ghat. Parmi eux, Tassy (photo) de l’ethnie Betsimisaraka, une chrétienne âgée de 25 ans, originaire de l’île Sainte-Marie. Elle était couturière.
L’historien Jocelyn Chan Low, qui a travaillé sur les engagés malgaches, cite le rapport et les correspondances du Select Committee on sugar and coffee plantations de 1849. Un comité institué à la suite des plaintes concernant les conditions de travail des engagés. Elles sont si décriées que l’immigration indienne est suspendue entre 1839-1843.
«Les sucriers à Maurice recherchaient de la main-d’œuvre malgache parce que le trajet de la Grande île jusqu’à Maurice coûtait moins cher. Les Malgaches étaient aussi considérés comme robustes, dociles et déjà acclimatés à nos latitudes. Il y avait un commerce intense entre les deux îles.» Pour l’historien, cette période charnière coïncide avec le changement de souverain à Madagascar. La reine Ranavalona succède à Radama 1er.
«C’est une reine traditionaliste, passéiste. Elle voulait fermer le pays à l’influence étrangère», analyse Jocelyn Chan Low. Elle a, par exemple, «fait fuir les chrétiens dans la Grande île. Les missionnaires de la London Society ont fait pression pour que ces personnes viennent à Maurice pour être évangélisées».
Raison supplémentaire : elle conduisait à la même période de grands travaux dans son royaume. «Là-bas, le travail n’était pas rémunéré. C’était le cas à Maurice.»
Mais les raisons de l’échec de cette source de main-d’œuvre sont géopolitiques, indique Jocelyn Chan Low. En cause : la rivalité franco-britannique. «Les Anglais ont décidé de ne pas déstabiliser les Malgaches de crainte qu’ils ne se tournent vers les Français. C’est l’un des facteurs expliquant pourquoi l’immigration indienne a été privilégiée.»
Les Chinois
Entre 1837 et 1853, 2 739 Chinois sont passés par l’Aapravasi Ghat. Parmi, Assene (photo). Il est arrivé de Penang, en Malaisie. Arrivé à 33 ans, ce bouddhiste né à Macao était charpentier. Assene s’est engagé pour un an auprès d’un M. Chapman, marchand britannique. À la fin de son contrat, Assene, qui était célibataire, est resté à Maurice. Il a ouvert une boutique à la rue Royale dans les années 1860, avec l’aide d’un compatriote. En 1870, il a été interpellé pour vagabondage dans le centre de Port-Louis parce qu’il avait perdu ses papiers d’identité. Selon la loi, il était obligé d’obtenir un nouveau ticket d’immigrant. Il a donc été photographié et catégorisé comme vagabond, à l’âge de 62 ans.
Les cinq premiers travailleurs chinois sont arrivés avec Hayme, un commerçant influent. Ils sont arrivés à bord de la Belle Alliance, en provenance de Singapour.
Entre août et octobre 1829, environ 400 engagés chinois arrivent de Singapour et de Calcutta. Les documents montrent que quelques semaines seulement après leur arrivée, ils ont quitté leur employeur pour chercher de meilleures conditions à Port-Louis. La plupart ont été arrêtés pour vagabondage. Au début des années 1830, la majorité des engagés chinois ont été rapatriés vers leur port d’embarquement.
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