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François de Grivel: «Il n’y a pas lieu de paniquer face au Brexit»
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François de Grivel: «Il n’y a pas lieu de paniquer face au Brexit»
Acteur incontournable du secteur privé, François de Grivel, Chief Executive Officer du groupe de Grivel, estime que Maurice doit faire preuve de sérénité après le vote du Brexit. Selon lui, le pays doit exploiter au maximum les différents accords commerciaux dont il est signataire. Il commente dans le même temps la décision de révoquer Megh Pillay à la tête d’Air Mauritius.
En tant qu’industriel, comment analysez-vous les conséquences économiques du Brexit sur les principaux économiques du pays ?
Le Brexit demeure toujours un sujet complexe. Même en Europe, on ne s’est pas encore mis d’accord sur la façon dont la Grande-Bretagne va renégocier les accords internationaux, notamment celui avec l’Organisation mondiale du commerce.
Je pense qu’il est prématuré, à ce stade, de dire que les choses vont se régler rapidement. En même temps, il ne faut pas s’inquiéter tout de suite. Maurice doit nécessairement continuer à négocier et discuter tout en sachant que cela prendra au moins deux ans.
J’entends dire dans les milieux d’affaires britanniques que les choses ne vont pas se régulariser avant cinq ou six ans. Ce n’est pas une situation facile mais en même temps, il ne faut pas paniquer. Il faut faire preuve de sérénité face cette nouvelle donne dans la politique interne britannique.
Ce n’est pas non plus le «business as usual» ?
Bien sûr que non. Mais disons que les Anglais continueront à acheter nos produits. La Grande-Bretagne, on le sait, est une nation commerçante. Il va de soi que ce pays privilégiera ses relations commerciales avec l’Europe plutôt que sa sortie programmée de l’Union européenne.
Pour l’instant, on est dans une situation instable avec l’Europe qui doit s’organiser en fonction du nouveau statut de la Grande-Bretagne. En 2017 il y aura des élections présidentielles dans deux États importants de l’Union européenne, nommément l’Allemagne et la France, qui seront chacun appelés à exercer leur propre influence dans le cadre de ces négociations. Ce sont des étapes importantes avant que le Brexit ne soit une réalité.
La baisse de la livre sterling de près de 15 % depuis le vote du Brexit est une source d’inquiétude pour les exportateurs…
Certainement. Car la livre à Rs 45, aujourd’hui, reste très faible. On peut s’attendre à une appréciation de la monnaie britannique l’année prochaine. Entre-temps, nos opérateurs du textile et de l’hôtellerie souffrent de la dépréciation de la livre face à la roupie. Il faut que nous soyons attentifs et que nous cherchions dans le même temps à exploiter au maximum les différents accords commerciaux dont Maurice est signataire.
Le dernier rapport «Ease of Doing Business» de la Banque mondiale montre que Maurice a dégringolé du classement, perdant 17 places. C’est une situation qui influera négativement sur la capacité de Maurice à attirer des investissements, étrangers et locaux, selon vous ?
C’est une situation fort dommageable pour le pays. Il faut impérativement que le secteur privé et le gouvernement se rencontrent pour réfléchir à la faille et trouvent des solutions ensemble pour y remédier. Car si on ne fait rien, on risque de perdre encore des points l’année prochaine et de descendre davantage dans le classement. Il est donc essentiel qu’il y ait des réunions entre ces deux parties pour voir comment améliorer l’image internationale du pays auprès des investisseurs étrangers.
Toutes les institutions financières, locales et internationales, ne s’aventurent pas à prévoir une croissance à 4 % l’année prochaine. Or, avoir un tel niveau de croissance est une condition sine qua non pour pouvoir créer des emplois. N’est-ce pas inquiétant ?
Je me sens préoccupé. Nous avons besoin d’investir massivement pour pouvoir réaliser un taux de croissance de 4 % ou 4,5 %. Ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui. Nous avons visiblement des problèmes liés à l’investissement. Il faut se rendre à l’évidence : Maurice est un petit pays dont l’économie souffre des effets de la conjoncture internationale. N’empêche que la barre des 4 % pourrait être atteinte pendant la deuxième moitié de 2017, soit dans huit à dix mois. Comme le Budget 2016-2017 l’avait prévu, d’ailleurs.
«Je comprends qu’il y a un peu d’influence politique dans la révocation de Megh Pillay. Ce que je considère malheureux...»
Revenons à d’autres questions d’actualité. Quelle lecture faites-vous, en tant qu’homme d’affaires, du limogeage de Megh Pillay en tant que CEO d’Air Mauritius vendredi ?
Je trouve fort regrettable qu’une telle décision ait été prise par le Board d’Air Mauritius pour révoquer son Chief Executive Officer (CEO) en place depuis seulement huit mois. Je ne sais pas si cette décision est justifiée ou pas mais une chose est sûre : on ne juge pas un CEO sur une période de huit mois.
Cela s’explique par le fait qu’une compagnie aérienne comme la nôtre est confrontée à plusieurs défis alors même qu’il y a des stratégies à long terme à tenir en ligne de compte ou encore des dossiers plus complexes à gérer. Pour ma part, si je devais prendre une telle décision, je serais plus modéré dans ma démarche car il y a visiblement beaucoup de facteurs à prendre en considération.
S’agit-il d’une décision politique, selon vous ?
Je serais incapable de dire si cette décision de révoquer Megh Pillay relève de politique ou de gestion interne d’une entreprise. Toutefois, au vu des articles de presse, je comprends qu’il y a un peu d’influence politique. Ce que je considère malheureux car je crois que le conseil d’administration doit faire confiance à la compétence de gens qu’il nomme, dont Megh Pillay, en qui je vois quelqu’un de grande valeur professionnelle.
Est-ce normal que seuls cinq des 15 directeurs décident du sort d’un CEO ?
Je ne crois pas que ce soit normal. En même temps, c’est une décision prise par la majorité des directeurs présents lors de cette réunion d’urgence du Board ; une décision qu’il faut respecter. Mais en dehors de cette décision majoritaire, il faut pousser la réflexion plus loin pour permettre à ses actionnaires, qu’ils soient petits ou grands, d’analyser la portée de cette décision, quitte à y revenir dans l’intérêt de la compagnie.
Il va de soi qu’à l’origine de cette révocation, il y a eu des divergences profondes entre le Chairman et le CEO portant sur une mauvaise interprétation des principes de bonne gouvernance ?
Je ne crois pas que le Chairman ait pu prendre cette décision tout seul. Il a dû s’appuyer sur son Board qui s’est visiblement laissé influencer par certains détails. Mais au-delà de cette affaire, il faut qu’Air Mauritius retrouve sa sérénité, voire son objectivité, et prenne des décisions avec du recul et non pas avec précipitation.
Air Mauritius a perdu en une journée, lundi, 8,5 % de sa valeur suivant le cafouillage entourant la révocation de Megh Pillay. Qu’estce que tout cela vous inspire ?
Une seule chose : tout ceci relève d’une question de confiance de la part des actionnaires par rapport à l’entreprise.
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